KAGAN Georges [KAGAN Grigory, Gricha ou Gryza, dit]. Pseudonymes : CONSTANT, Lucien, GILBERT, KONARSKI A., LENOIR Pierre, LIPSKI, MARTIN A., MULLER Gustav, WESTERMANN Michel. (DBK)

Par Michel Dreyfus, José Gotovitch

Né le 19 janvier 1905 à Lodz (Pologne), mort en décembre 1943 à New York (États-Unis) ; docteur ès sciences politiques ; permanent de l’Internationale communiste ; membre de la « Délégation du Komintern »auprès de sa section française à partir de1931, chargé de la direction des Cahiers du bolchevisme (1931-1935) ; un des créateurs de la revue oppositionnelle Que faire ?

Issu d’une famille bourgeoise polonaise aisée, de confession israélite, Georges Kagan fit des études secondaires à Moscou où il avait été évacué en 1914 et rejoignit le mouvement communiste alors qu’il était lycéen. Il dirigea les JC à Lodz, fut arrêté en septembre 1922 et emprisonné en forteresse pendant trois ans. Libéré, il arriva en France en octobre 1925, étudia à la Faculté des lettres et fut secrétaire du groupe polonais du PCF.

Le 25 mai 1926, il fut expulsé de France par arrêté ministériel pour avoir pris la parole lors d’un meeting organisé par les grévistes de Renault devant la Manufacture nationale de Sèvres. Il vécut en Belgique avec un passeport suisse sous le nom de Michel Westermann, né à Bâle le 16 mai 1904. De 1926 à juillet 1929, il suivit les cours de Sciences sociales de l’Université libre de Bruxelles, réussit ses examens, soutint en juillet 1929 un doctorat de sciences politiques, La sociologie de Marx et la sociologie de Durkheim et devint maître assistant de l’Université libre.
Membre du CC du PCB depuis 1927, Kagan fut élu en 1928 au bureau politique et réélu par le congrès suivant, le 4e. Son pseudonyme était Gustave Muller mais il utilisait également le prénom de Georges. Avec l’accord du PCF, il dirigea le journal polonais pour la Belgique et la France, Notre journal.

En novembre 1929, la Police judiciaire perquisitionna à l’Institut de sociologie Solvay de l’Université où « Michel Westermann » poursuivait sa carrière de chercheur. Elle y découvrit une correspondance avec l’IC ainsi que la véritable identité de « Westermann ». Les journaux le présentèrent alors comme un des dirigeants de l’espionnage soviétique en Belgique et comme un agent du Komintern. Sa fiche universitaire fut corrigée à son nom véritable. Condamné à 10 mois de prison pour faux papiers, réduits à 4 mois en appel, Kagan fut expulsé à l’issue de sa peine.

Kagan devint alors permanent dans l’appareil de l’IC et enseigna jusqu’en 1931 l’économie politique à l’École léniniste internationale. Il aurait appartenu au secrétariat personnel de Staline en 1930 et il connut à cette époque André Ferrat, délégué du parti français auprès de l’Exécutif du Komintern. En 1930 et 1931, il fut rapporteur au Secrétariat latin sur les questions belges.

Revenu en France, en 1931, en tant que membre de la « Délégation du Komintern » supervisant sa section française et dirigée par Eugen Fried, il s’occupa plus particulièrement de la section d’agitation-propagande et fut responsable des Cahiers du bolchevisme où il signa de nombreux articles sous le nom de Lucien Constant.

Lié à Ferrat*, il entra peu à peu en opposition avec la politique du Komintern, en particulier en ce qui concerne la question allemande. Faisant paraître avec Ferrat* la revue Que faire ? à partir de novembre 1934, il y écrivit à maintes reprises sous le pseudonyme de Pierre Lenoir. Il fut alors suspecté de désaccords par l’Internationale qui avait « infiltré » Jean Jérôme dans ce milieu pour le « démasquer ». Formellement repéré, il fut démis de son poste et rappelé à Moscou en février 1935. Il refusa de s’y rendre et écrivit le 3 juin 1935 une lettre à Jacques Duclos dans laquelle il se disait malade de la typhoïde et, en conséquence, dans l’incapacité d’aller à Moscou. Il se plaignait également d’être menacé d’exclusion du Parti en raison de l’impossibilité où il se trouvait de voyager. La lettre fut transmise à Fried qui suivait les activités de Kagan ; ce dernier rompit alors avec le Parti communiste tout en poursuivant sa collaboration à Que faire ?

En août 1935, Kagan écrivit au sujet de l’action des trotskystes « qu’il était possible aux révolutionnaires de travailler à l’intérieur de la SFIO pour gagner les ouvriers socialistes aux idées de la révolution prolétarienne ». Il approuva l’adhésion de la majorité de Que faire ? au Parti SFIO fin 1937, mais, ne disposant pas d’une identité légale, il ne put le suivre sur ce terrain.

Réfugié à Toulouse (Haute-Garonne) au début de la guerre, il fréquenta le groupe menchevik de gauche dirigé par Theodor Dan. Arrêté puis libéré, il put gagner les États-Unis en novembre 1939. Après des années difficiles, il devint chargé de cours à l’Université de Columbia, ou de Bloomington dans l’Indiana, selon les sources. Il fréquentait le groupe des socialistes de gauche polonais émigrés aux USA et gardait l’espoir d’un retour de l’URSS à la démocratie ouvrière.

Son frère, Abraham Kagan, né à Lodz le 23 octobre 1906, arrivé en France en 1925, suivit les cours de la Faculté des lettres de Paris, d’octobre 1927 à février 1929. S’il n’eut pas d’activités politique à proprement parler, il fut toutefois un lecteur assidu de l’Humanité, la Correspondance internationale ainsi que du bulletin mensuel d’opposition, Contre le courant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75585, notice KAGAN Georges [KAGAN Grigory, Gricha ou Gryza, dit]. Pseudonymes : CONSTANT, Lucien, GILBERT, KONARSKI A., LENOIR Pierre, LIPSKI, MARTIN A., MULLER Gustav, WESTERMANN Michel. (DBK) par Michel Dreyfus, José Gotovitch, version mise en ligne le 30 décembre 2009, dernière modification le 6 juin 2021.

Par Michel Dreyfus, José Gotovitch

SOURCES : RGASPI, 17 98 891 — Archives Sûreté générale française, Moscou Osoby, 7-1-1215. — Archives de l’ULB. — Notice par J.M. Brabant et Cl. Pennetier, DBMOF, t. 32 et CD-Rom. — A. Kriegel, S. Courtois, Eugen Fried… — P. Broué, Histoire de l’Internationale…, . — J.-J. Thomas, Esquisse de l’histoire du groupe Que faire ?, 1933-1939, Mémoire de Maîtrise, Rennes, 1980. — Jean Jérôme, La part des hommes, Paris, Acropole, 1983, 165 p.

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