LEROY Marcelle. Épouse GODEFROID, HEYLIGERS, FRÈRE

Par José Gotovitch

Née le 19 avril 1888 à Yvoz-Ramet (Liège), morte le 14 septembre 1979 à Bruxelles ; enseignante, propriétaire d’une pension de famille ; secrétaire du Comité mondial des Femmes contre la guerre et le fascisme ; conseillère communale ; contact du Komintern et relais soviétique à Bruxelles ; déportée.

Marcelle Leroy
Marcelle Leroy

Fille d’un comptable et d’une institutrice en chef, excommuniée par le curé du village pour attitude laïque, Marcelle Leroy vécut avec ses parents en Russie de 1900 à 1918. Son père y occupa divers postes de direction d’usines. Elle y fit ses études secondaires et s’y maria avec un Belge en 1906. Elle assista et participa aux manifestations de 1905 et sa sympathie était acquise aux bolcheviks en 1917. Revenue seule en Belgique avec trois jeunes enfants, dès qu’elle eut obtenu son divorce, Marcelle Leroy travailla à partir de 1929 au Centre des Relations culturelles avec l’URSS. Elle milita et assura le secrétariat de la Ligue des femmes pour la Paix et la Liberté (LFPL). En cette qualité, elle participa au congrès d’Amsterdam. La LFPL en devint la section belge. En 1933, elle participa au congrès à Pleyel.

Depuis 1927, elle tenait une pension de famille. En 1930, elle posa une demande d’adhésion au Parti communiste belge, mais la direction du Parti estima qu’elle était plus utile comme « sans parti ». En 1933, elle retourna à Moscou dans le cadre de la VOKS (Office central des relations culturelles avec l’étranger). En 1935, quand se constitua la section belge du Comité Mondial des Femmes contre la Guerre et le Fascisme (CMF), qui absorba la LFPL et le Comité des femmes travailleuses contre la guerre et la misère (l’organisation communiste), elle en devint la secrétaire nationale. Elle développa une activité intense dans tous les combats CMF : Rassemblement universel pour la Paix (RUP), Espagne, égalité dans le travail, etc.

Toutefois sa personnalité et son activité soulèvent des questions non entièrement résolues. Membre de l’obédience maçonnique Le Droit Humain depuis 1926, elle y demeura avec l’approbation du Parti qui l’avait admise en 1934 et de l’IC. Manifestement, ces liens revêtaient une certaine importance aux yeux des communistes.

Elle fut présente à Moscou en août 1935 avec une délégation du CMF comprenant des femmes socialistes. Elle était proche du Iaroslavski, Président des Sans-Dieu, et de sa femme Kirsanova, directrice de l’ELI, auxquels elle confia d’ailleurs sa fille qui demeura en URSS jusqu’en 1936. La pension de famille constituait un lieu de séjour ou, à tout le moins, un relais pour des émissaires de l’IC ou des services soviétiques. Y logèrent notamment Rotovski, dit Ernst Henri, journaliste et agent soviétique, et un dirigeant indonésien, probablement Musso. Marcelle Leroy demeura encore un mois à Moscou, de février à mars 1937, à l’occasion du plénum du CMF. Ayant mené une mission CMF en Espagne, elle s’y lia à Carmen (Caridad) Mercader qui lui demanda d’héberger son fils. Ses enfants se rappellent avoir joué à Bruxelles avec Ramon Mercader. C’est d’ailleurs Marcelle Leroy qui fournit le passeport au nom de Mornard, autre familier de la pension de la rue de l’Aurore, qui servira à l’assassin de Trotsky.

En 1938, elle s’installa à Forest et mena la liste aux élections communales. Elle fut élue mais démissionna en avril 1940 car, dit-elle dans une biographie de 1949, elle était alors en contact avec l’Orchestre Rouge, en fait plus probablement, avec d’autres services soviétiques. Tenue à l’écart par le Parti sous l’Occupation en raison de son travail spécial, elle coopéra à des lignes d’évasion. C’est ce qui lui valut sans doute la suspicion d’ Eugen Fried qui mit en garde Moscou contre elle en 1942. Le NKVD pressa l’IC d’enquêter à son sujet en Belgique. Il semblerait que son fils, Charles Godefroid ait disposé d’un émetteur. Marcelle Leroy, qui avait épousé entre-temps en troisième noce, Hubert Frère, un préfet d’Athénée, fut arrêtée en mars 1944 pour son activité résistante et déportée à Ravensbrück. Ayant demandé comme tous les déportés à leur retour sa réadmission au Parti, elle demeura « suspendue » jusqu’en avril 1946. La commission de contrôle qui accepta sa réintégration émit des réserves curieusement formulées : « étant donné que son activité [dans des organisations avec lesquelles nous n’avons aucun contact] semble perdurer », activités dont la révélation « pourrait compromettre le Parti », elle ne peut y remplir aucun rôle dirigeant. Aussi fut-elle active dans les organisations de Prisonniers politiques et de Femmes. Fêtée par le PC lors de son 90e anniversaire, elle disparut peu après. Son fils Charles, né à Kertch en 1914 et sa fille Marcelle née à Kharkhov en 1917, ont été tous deux militants sous l’Occupation.

L’ouverture d’autres fonds d’archives sera nécessaire pour éclairer totalement le rôle joué par cette militante féministe, communiste, maçonne, attachée par son parcours et ses affections profondes à l’URSS.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75635, notice LEROY Marcelle. Épouse GODEFROID, HEYLIGERS, FRÈRE par José Gotovitch, version mise en ligne le 4 janvier 2010, dernière modification le 4 octobre 2010.

Par José Gotovitch

Marcelle Leroy
Marcelle Leroy
De gauche à droite : Marcelle Leroy, Germaine Malaterre Sellier, Gabrielle Duchêne, Schwernik, Bernadette Cattanéo
De gauche à droite : Marcelle Leroy, Germaine Malaterre Sellier, Gabrielle Duchêne, Schwernik, Bernadette Cattanéo
Collection Cattanéo

SOURCES : RGASPI, 495 193 186 ; 495 193 126 ; 495 74 69. — CARCOB, Dossier CCP. — Entretiens de l’auteur avec Marcelle Haesaert-Godefroid, 1992, et Charles Godefroid, 1993. — Notice biographique J. Gotovitch, Du Rouge au Tricolore. Les Communistes belges de 1939 à 1944, Bruxelles, Labor, 1992, p. 544. — José Gotovitch, « Marcelle Leroy (1885-1979), femme, mère, franc-maçonne, militante, et plus encore », in Femmes de culture et de pouvoir, Liber amicorum Andrée Despy-Meyer, Sextant, n° 13-14, 2000, p. 363-385.

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