LYPSZYC Szyffra (Sabine), dite Jeanne Dupont. [LYPSZYE Szyfra]

Par Daniel Grason, Claude Pennetier

Née le 14 mai 1915 à Varsovie (Pologne), guillotinée le 5 février 1943 en Allemagne, vraisemblablement à Lübeck ; étudiante en médecine à Caen (Calvados) puis serveuse à Toulouse (Haute-Garonne) en 1933 ; Kominternienne, participe à la guerre d’Espagne ; détenue à la Loubianka ; libérée, se voit confier une mission en France en liaison avec le réseau Beck ; résistante ; déportée.

La famille Lipszyc d’origine juive vécut à Varsovie. À l’âge de dix ans, elle alla avec ses parents en Palestine. Ils y restèrent un an, puis revinrent à Varsovie. En 1932, elle passa avec succès les épreuves du baccalauréat. Elle vint en France, commença des études de médecine à la faculté de Caen, mais faute d’argent elle interrompit ses études.
Elle alla en 1933 à Toulouse en Haute-Garonne, travailla comme serveuse dans une cantine ouvrière. Elle fit la connaissance de Nino Nanetti, un communiste italien, elle le suivit en Espagne républicaine, lieutenant dans la XIe division, il fut tué devant Bilbao en 1937. Elle continua à travailler après sa mort à la section propagande des Brigades internationales.
Elle revint en France en 1938, rentra en Pologne en août en passant par la Suède et la Lettonie. Sur mission de l’Internationale communiste, elle eut pour mission de contribuer à la reconstitution du Parti communiste de Pologne. Un travail difficile, elle décida selon ses déclarations ultérieures « à prendre un emploi dans un asile d’aliénés à proximité de Varsovie. »
Elle entra au service du Komintern, sans doute dans son service de communication l’OMS. Elle participa à la guerre d’Espagne et fit des missions secrètes derrière les lignes franquistes. Repliée en Russie en décembre 1940, elle subit le sort de la plupart des membres des services spéciaux (elle était polonaise de surcroit) ; elle fut arrêtée et détenue pendant trois mois à la Loubianka. Mais le besoin de cadres parlant français se fit sentir. Les Soviétiques souhaitaient avoir leurs propres agents de résistance en France, et rêvaient d’une politique de "terre brûlée". Elle fut libérée, remise dans le circuit des services, et chargée d’une mission en France en liaison avec le réseau Beck qui travaillait depuis longtemps pour les services soviétiques. Elle passa par la Grande-Bretagne et put passer en France avec l’aide des services anglais du SOE (Special Operative Executive) en liaison avec le NKVD. Cette jeune blonde de vingt-six ans avait un fort accent et un goitre qui la rendaient identifiable. Les Britanniques lui fournirent deux pilules de cyanure dans un bâton de rouge à lèvres et organisèrent son débarquement dans la baie de Lannion, nom de code "Pickaxe 1".
En août 1941, elle fut missionnée pour se rendre en France. En novembre, en avion elle se rendit à Arkangelsk et de là à Londres à bord d’un navire. Elle fut dirigée vers un camp militaire situé en face de l’île de Wight. Il lui fut remis une fausse carte d’identité établie au nom de Dupont et une carte d’alimentation revêtue du cachet de la mairie de Montpellier. Une somme de 2 000 dollars destinés à Robert Beck qui demeurait 20 rue Paul-Barruel à Paris (XVe arr.).
Le 9 janvier 1942 elle embarqua à Exeter sur un petit bateau de guerre britannique, le lendemain matin, le navire était au large de Lannion dans les Côtes-d’Armor. Elle monta à bord d’une barque, et fut déposée sur la côte. Elle gagna Lannion à pied. Elle prenait le train jusqu’à Saint-Brieuc, puis un rapide jusqu’à Paris.
Elle adressa un pneumatique à Robert Beck. Elle le rencontra ainsi que Bénédikt Librod où elle fut hébergée, celle-ci n’était pas ni communiste ni militante. À la fin avril début mai, elle exprima le souhait d’être plus active. Robert Beck lui présenta Lecler qui travaillait avec Gilbert Bacot aux usines Bloch. Des engins incendiaires furent fabriqués par Lecler. Des essais furent réalisés pour mesurer leur efficacité.
Szyffra Lipszyc fixa le lieu et le jour de l’action, ce serait le 26 juin 1942 dans le secteur de Pithiviers dans le Loiret. Elle déclara à Gilbert Bacot que « toute la nouvelle récolte devait être détruite de cette manière ».
Après son arrestation, interrogée par les services allemands elle assuma toute l’opération aux environs de Pithiviers. Elle déclara avoir utilisé le poste de TSF chez Louise Casabianca pour écouter radio Moscou, et affirma que celle-ci n’était jamais là quand elle écoutait la radio.
Elle parla le 2 juillet 1942 sans contrainte lors de son interrogatoire par la police allemande, déclara qu’elle connaissait le colonel Dumont rencontré en Espagne, et que Robert Beck ne mentionna jamais son nom lors de conversations. Elle fit connaissance avec Hogge qui vivait avec Beck. Elle précisa qu’à son « avis elle était communiste. Elle était informée de notre travail de sabotage et assistait à nos premiers essais d’engins incendiaires. »
Elle concluait ainsi son interrogatoire : « Animée de peur, j’ai parlé en toute sincérité et d’une façon libre et sincère. »
Szyffra Lipszyc fut déportée le 30 novembre 1942 vers les prisons du Reich Karlsruhe puis Lübeck. Classée NN, elle fut exécutée probablement guillotinée en Allemagne le 5 février 1943, vraisemblablement guillotinée, mais nous ne connaissons pas les conditions. Sa codétenue la résistante communiste France Bloch-Sérazin fut guillotinée à Hambourg le 12 février 1943. Ont-elles eu un destin similaire ?
Des ouvrages la disent par erreur fusillée.
Voir la notice de Robert Beck.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75638, notice LYPSZYC Szyffra (Sabine), dite Jeanne Dupont. [LYPSZYE Szyfra] par Daniel Grason, Claude Pennetier, version mise en ligne le 8 mars 2020, dernière modification le 9 juillet 2021.

Par Daniel Grason, Claude Pennetier

SOURCES : Arch. PPo. GB 103, Arch. PPo (notes de Jean-Pierre Besse). – Notes de Jean-Pierre Ravery et de Denis Peschanski. – Roger Faligot, Jean Guisnel, Rémi Kauffer, Histoire politique des services secrets français de la Seconde Guerre mondiale à nos jours, La Découverte, 2012. – Guillaume Bourgeois, La véritable histoire de l’Orchestre rouge, Nouveau monde éditions, 2015. – DAVCC, Caen. – FMD, I liste 65, écrit Lipszye Szyffra, sans date ni lieu de décès.

ICONOGRAPHIE : Arch. PPo. photo lors de son interrogatoire par les BS2.

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