Né le 13 septembre 1863 à Glasgow, Ecosse ; mort le 20 octobre 1935 à Londres ; dirigeant travailliste.
Fils d’un ouvrier fileur de Glasgow, Arthur Henderson est orphelin de père à neuf ans. Sa mère se remarie et la famille s’établit dans la cité industrielle de Newcastle upon Tyne où, à douze ans, le jeune garçon commence un apprentissage de mouleur. En 1883, Henderson s’inscrit au syndicat des ouvriers fondeurs ; militant actif, il en devient le délégué régional en 1892. Comme beaucoup de trade-unionistes de sa génération, c’est un homme profondément religieux. Converti au méthodisme à l’âge de seize ans, proscrivant la boisson et le jeu, il s’acquiert une solide réputation de prédicateur laïque et il demeurera sa vie durant fidèle à la foi et aux exigences morales de sa jeunesse. Sur le plan politique, il commence par être un libéral de sympathies radicales, puis peu à peu il opte pour un socialisme modéré. Sur le plan syndical, il rejette également l’extrémisme et préconise l’arbitrage et la conciliation dans les relations du travail : en cas de conflit entre patrons et ouvriers, Henderson préfère la voie contractuelle et les accords à l’amiable.
En 1893, il entre au conseil municipal de Newcastle mais trois ans plus tard, il quitte Newcastle pour Darlington, dans le comté de Durham, où il devient l’agent électoral du riche député libéral, Sir Joseph Pease. Il continue de s’intéresser à la politique locale et il est élu, sous le patronage du parti libéral, au conseil municipal de Darlington ainsi qu’au conseil du comté. En 1903, il est maire de la ville. Bien qu’Henderson ne pratique plus son métier, il est toujours membre de son syndicat, et les socialistes locaux lui reprochent sa position d’agent d’un député libéral. Néanmoins il a pour lui la majorité des syndiqués.
L’année 1900 est marquée par la constitution du Comité pour la représentation du travail (Labour Representation Committee) dont le but est de faire élire au Parlement le plus grand nombre possible d’ouvriers. Henderson pousse son union, le syndicat des ouvriers fondeurs, à s’affilier en 1903 au LRC. Toujours agent de Sir Joseph Pease, il se présente comme candidat LRC pour le siège de Barnard Castle à l’occasion d’une élection partielle et il est élu, devançant ses deux adversaires, le libéral et le conservateur. Cependant, à Westminster où il se rattache au petit groupe des députés ouvriers, son action ne marque guère. Par contre, il est trésorier du LRC et entre 1903 et 1906, il se convertit au socialisme, principalement sous l’influence des publications fabiennes.
Lors des élections législatives de 1906 qui à la fois donnent la majorité aux libéraux et marquent un grand succès pour le LRC, Henderson est réélu, et au sein du groupe parlementaire du LRC (qui prend en février 1906 le nom de Labour Party), Henderson assume l’importante fonction de whip puis, au bout de deux ans, il succède à Keir Hardie* comme leader parlementaire. En 1911, il joue un rôle clef dans l’élection de Ramsay MacDonald* à la tête du Labour Party. La même année, Henderson devient secrétaire général du parti, poste qu’il gardera jusqu’en 1934. Cela ne l’empêche pas de rester actif sur le plan syndical, puisqu’il est nommé président de son union en 1910. Néanmoins jusqu’en 1914 Henderson n’accède pas à une position de premier plan. Gros travailleur, bon organisateur, il fait figure de responsable sérieux et efficace du Labour. Au moment de la déclaration de la guerre, Henderson adopte sans hésiter une attitude patriotique ; il approuve la participation du Labour aux campagnes de propagande en faveur du recrutement pour le front, il y prend même une part active. Nommé président du comité national créé pour examiner les conséquences de la guerre sur le niveau de vie des travailleurs, le War Emergency Workers’ National Committee, il se voit offrir un portefeuille ministériel lorsque le Premier ministre H.H. Asquith forme en mai 1915 un gouvernement d’union nationale. Après bien des hésitations le groupe parlementaire du Labour et l’exécutif du parti donnent leur accord, et Henderson entre au Cabinet comme ministre de l’Éducation. Au bout de quelques mois il démissionne pour devenir le conseiller du Cabinet pour les problèmes du travail. En décembre 1916, Lloyd George ayant succédé à Asquith, Henderson devient membre du Cabinet de guerre restreint avec l’approbation de la majorité des parlementaires travaillistes et en dépit de l’opposition de nombreux syndicalistes de la base à la participation du Labour à l’effort de guerre.
Au lendemain de la révolution de février 1917 en Russie, Henderson est chargé d’une mission officielle auprès du nouveau pouvoir, que le gouvernement britannique veut convaincre de poursuivre la guerre. Le voyage dure six semaines et peu après son retour, en août 1917, Henderson abandonne ses fonctions gouvernementales à la suite de la Conférence de Stockholm. Il va alors consacrer son énergie à la réorganisation du parti et à la préparation de plans pour l’après-guerre. Au début de 1918 paraissent successivement deux documents importants : en janvier le manifeste « Le Labour et le nouvel ordre social », élaboré par Sidney Webb* et en février un « Mémorandum sur les buts de guerre », rédigé par Henderson, MacDonald et Webb ; en même temps se réunissent deux congrès du parti. Celui-ci sous l’impulsion d’Henderson, adopte de nouveaux statuts, dans lesquels, pour la première fois, il est fait état d’un programme socialiste : c’est la fameuse « clause 4 » sur la collectivisation des moyens de production, de distribution et d’échange. Par une autre disposition le parti accepte désormais les adhésions individuelles, alors que jusque-là seules les organisations pouvaient s’affilier : c’est le début des sections locales du Labour.
Aux élections de 1918, dans le climat de fièvre nationaliste qui prévaut, Henderson, qui se présente à East Ham sud dans la banlieue est de Londres, subit une sévère défaite. Il faut d’ailleurs noter que malgré ses talents d’organisateur, Henderson n’a jamais été un candidat heureux à la députation (il essuiera par la suite trois autres échecs). De 1918 à 1922, date à laquelle une élection partielle le ramène au Parlement, Henderson se consacre surtout à l’organisation du Labour qu’il s’agit de réunifier et de consolider après les divisions internes de la période 1914-1918. À l’extérieur, il joue un rôle important à la Conférence socialiste internationale de Berne en février 1919 et devient l’une des figures de proue de l’Internationale socialiste. Très opposé au communisme, tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur, il est responsable, avec MacDonald, du rejet par le Labour Party de la demande d’adhésion du jeune Parti communiste, créé en 1920, le Communist Party of Great Britain. A la même époque Henderson engage le Labour à prendre position contre les tentatives du gouvernement de Lloyd George pour maintenir l’Irlande au sein du Royaume Uni.
C’est encore Henderson qui contribue largement à faire choisir MacDonald réélu député en 1922, comme leader du parti. Dans le premier gouvernement travailliste de 1924, il est nommé ministre de l’Intérieur bien que ses goûts le portent bien davantage vers les problèmes de politique étrangère. Après la dissolution du Parlement par MacDonald — dissolution décidée sans même consulter Henderson — et après les élections législatives d’octobre 1924, le Labour se retrouve dans l’opposition et Henderson redevient whip du groupe parlementaire. A ce poste il demeure toujours l’allié fidèle de MacDonald, quelles que soient les marques d’hostilité manifestées à ce dernier par l’aile gauche du parti.
Les élections de 1929 ayant fait des députés travaillistes le groupe le plus nombreux de la Chambre des Communes, MacDonald est chargé à nouveau de former le gouvernement. Après quelques hésitations, il confie le Foreign Office à Henderson avec Hugh Dalton* comme sous-secrétaire d’État. Partisan convaincu de la paix et du désarmement, Henderson multiplie efforts et démarches, participe aux sessions de la SDN et parvient à faire reconnaître officiellement par la Grande-Bretagne la république des Soviets. En politique intérieure, Henderson, qui avait toujours soutenu loyalement MacDonald, rompt avec ce dernier lorsque celui-ci décide en août 1931 de former un gouvernement d’union nationale avec les conservateurs et les libéraux. Le parti se trouve coupé en deux, la majorité suivant Henderson, Lansbury* et les leaders du TUC, tandis qu’un petit groupe autour de Snowden* et de J.H. Thomas*, soutient MacDonald.
Le nouveau gouvernement de coalition renvoie les électeurs aux urnes à l’automne et les élections s’avèrent désastreuses pour les travaillistes qui ne remportent que cinquante-deux sièges. Henderson et les anciens ministres restés fidèles au Labour sont tous écartés de Westminster — à l’exception de Lansbury. Cependant Henderson préside la Conférence sur le Désarmement qui s’ouvre à Genève en février 1932. Objet de grands espoirs, la Conférence s’enlise et l’échec est bientôt patent. À partir de 1934 l’Europe s’oriente au réarmement. Dans l’intervalle, Henderson était revenu au Parlement en 1933, mais sa santé déclinant, il abandonne en 1934 le secrétariat du parti. La même année il reçoit le prix Nobel de la paix et meurt l’année suivante.
Bien qu’appartenant à l’aile droite du parti travailliste, Henderson a réussi à s’assurer l’estime et le respect d’une bonne partie de la gauche du Labour, à commencer par G.D.H. Cole* et Harold Laski*. Si certains lui ont reproché son manque d’imagination et de largeur de vues, il a été un des grands bâtisseurs du travaillisme. Profondément désintéressé, conciliateur né, il a représenté en une période difficile et troublée un pôle de sécurité — c’est peut-être cet esprit prudent et rassurant, généreux et pacifique qui lui a valu le surnom d’« oncle Arthur ». Incontestablement sa personne comme sa politique ont toujours trouvé un large écho dans les masses britanniques.
ŒUVRE : The Aims of Labour (Les buts du Labour), Londres, 1917. — Religion in the Labour Movement (Religion et travaillisme), en collaboration avec G.N. Barnes, Londres, 1919. — Consolidating World Peace (Consolider la paix mondiale), Oxford, 1931. — Labour’s Peace Policy : arbitration, security, disarmament (Politique de paix du Labour : arbitrage, sécurité, désarmement), Londres, 1934. — Conference for the Reduction and Limitation of Armaments : Preliminary Report (Rapport introductif pour la Conférence sur la réduction et la limitation des armements), Genève, 1936.
BIBLIOGRAPHIE : E.A. Jenkins, From Foundry to Foreign Office, Londres, 1933. — M.A. Hamilton, Arthur Henderson : a biography, Londres, 1938. — G.D.H. Cole, History of the Labour Party from 1914, Londres, 1948. — G.A. Craig & F. Gilbert eds, The Diplomats 1919-1939, Princeton, 1953. — S.R. Graubard, British Labour and the Russian Revolution, 1917-1924, Harvard, 1954. — R.W. Lyman, The First Labour Government, 1924, Londres, 1957. — B.C. Roberts, The Trades Union Congress, 1868-1921, Londres, 1958. — H.J. Fyrth & H. Collins, The Foundry Workers, Manchester, 1959. — J.F. Naylor, Labour’s International Policy : the Labour Party in the 1930s, Londres, 1969. — D. Carlton, MacDonald versus Henderson : the Foreign Policy of the Second Labour Government, Londres, 1970. — M. Cowling, The Impact of Labour, 1920-1924, Cambridge, 1971. — R.I. McKibbin, The Evolution of the Labour Party, 1910-1924, Oxford, 1974. — Idem, « Arthur Henderson as Labour Leader », International Review of Social History, vol. 23, part I, 1978. — J. Droz (éd.), Histoire générale du socialisme, t. III : de 1918 à 1945. — Dictionary of National Biography, 1931-1940. — Joyce Bellamy, John Saville (éd.), Dictionary of Labour Biography, t. I.