LOZOVSKY Alexandre. Pseudonyme de DRIDZO Salomon Abramovitch. Écrit souvent LOSOVSKI (DBK)

Par Michel Dreyfus

Né le 16 mars 1878 à Danilovka, province d’Ekaterinoslav dans l’Empire russe, exécuté le 12 août 1952 ; secrétaire du syndicat français des chapeliers (1909) ; secrétaire de l’Internationale syndicale rouge (1921-1937) ; membre du comité exécutif et du Présidium de l’IC (1927-1935).

Fils d’un instituteur d’origine juive, Salomon Dridzo, après avoir obtenu le baccalauréat en 1901, commença à militer dans les rangs du Parti social-démocrate et fut arrêté en 1903 puis en 1906. Il s’évada, arriva en Suisse en 1908 puis à Paris en janvier 1909. Il fut l’un des dirigeants du Groupe bolchevique à partir de 1912, c’est sans doute à ce titre qu’il rencontra D. Manouilski. Secrétaire du syndicat français des chapeliers, lié avec des syndicalistes-révolutionnaires tels que P. Monatte et A. Rosmer*, Salomon Dridzo se classa à partir d’août 1914 parmi les internationalistes opposés à la guerre et appartint au Comité pour la reprise des relations internationales.

Ayant rejoint la Russie en juin 1917, il adopta le nom d’Alexandre Lozovsky, pseudonyme emprunté à la rivière de son pays natal, la Lozovaïa, affluent du Dniepr. Immédiatement élu secrétaire du Conseil central des syndicats russes, il le demeura jusqu’au 1er congrès pan-russe des syndicats (janvier 1918). Il se prononça pour un gouvernement de coalition socialiste afin que fut évitée l’extension de l’arbitraire et la terreur politique. Sur proposition de Lénine*, il fut exclu du Parti bolchevique en décembre 1917. Il rejoignit le Parti des social-démocrates internationalistes unifiés puis réintégra le Parti bolchevique en décembre 1919. En septembre 1920, il intervint au congrès de l’USPD, tenu à Halle en Allemagne.

Secrétaire du syndicat des ouvriers du Textile puis du syndicat des Cheminots, de 1918 à 1921, il présida le Conseil régional des syndicats de Moscou. Dans la discussion qui eut lieu entre les bolcheviks sur le rôle des syndicats, il soutint Lénine.

Lozovsky œuvra à la création du Profintern, l’Internationale syndicale rouge (ISR) dont le Ier congrès eut lieu du 3 au 19 juillet 1921 et au terme duquel il fut élu secrétaire ; il devait en être le principal dirigeant jusqu’à sa dissolution. De 1921 à 1923, l’ISR se consolida et clarifia son orientation. Le ralliement de la CGTU (été 1922) représenta une étape importante de son développement. Résultant « d’un compromis entre les communistes et les syndicalistes », l’ISR manifesta plusieurs marques d’autonomie vis-à -vis de l’IC jusqu’en 1930. L’influence qu’avait exercée avant la guerre le syndicalisme-révolutionnaire sur Lozovsky contribue sans doute à expliquer ce fait. Il faut également voir son influence dans le fait que le 4e congrès de la CGTU (Bordeaux, septembre 1927) se soit prononcé pour la suppression de la référence à la dictature du prolétariat. La présence, aux côtés de Lozovsky, d’Andrès Nin, l’ancien secrétaire de la CNT espagnole, jusqu’à son ralliement officiel à l’Opposition de gauche à la mi 1926, accentua cette relative autonomie de l’ISR. De 1925 à la fin 1927, période de politique « de droite » du Komintern où il fut largement débattu de la question de l’unité syndicale internationale, le problème du maintien de l’ISR fut posé. Lozovsky, d’autres dirigeants parvinrent cependant à la maintenir. Le VIe congrès de l’IC (août 1928) influa, avec quelques mois de retard, sur l’orientation de l’ISR. Le thème de l’unité syndicale internationale fut abandonné jusqu’en 1934 et l’ISR perdit peu à peu toute autonomie. La dernière session connue de son conseil central, la 8e, se tint en décembre 1931 et l’ISR fut dissoute en décembre 1937 dans la plus grande discrétion.

Participant aux congrès de l’IC, du second au dernier, Lozovsky fut également élu à son comité exécutif en décembre 1927 et y appartint jusqu’au VIIe congrès (1935). De 1926 à 1935, il représenta l’ISR au Secrétariat politique de l’IC après la réorganisation de ce dernier. Il suivit avec attention les affaires du communisme français. Fin décembre 1930, il fut envoyé en mission à Paris avec Stepanov*, chef du Secrétariat Latin. Il intervint lors du 11e plénum (25 mars-13 avril 1931) où la direction du PC subit des critiques acerbes de l’IC ainsi que le 18 octobre 1931 où la question française fut examinée par le Secrétariat politique de l’IC. En ce début des années 1930, il jugeait une nouvelle guerre inévitable et appelait les PC à s’y préparer dans la clandestinité. Conférencier à l’ELI, il joua un rôle actif dans la préparation du VIIe congrès de l’IC où, avec B. Kun et W. Knorine*, il se serait fait l’adepte de l’ancienne ligne et aurait exprimé des réticences devant la nouvelle orientation défendue par G. Dimitrov*.

Le 26 mars 1936, lors d’un plénum consacré à la question de la guerre et de la paix, avec A. Marty*, J. Lensky* et O. Kuusinen, il exprima ses doutes sur la solidité des liens diplomatiques existant entre la France, l’Union soviétique et la Tchécoslovaquie. Lors du plénum de l’IC de juin 1936 où fut discutée la situation en France sur la base d’un rapport de Eugen Fried, Lozovsky émit un certain nombre de réserves en se montrant plus critique que le rapporteur à l’égard des radicaux français. Ces prises de positions allant à l’encontre de la stratégie antifasciste lui permirent-elles d’échapper aux purges de 1936-1937 comme le supposent A. Kriegel et S. Courtois ? Tout en connaissant durant cette période une relative disgrâce, il dirigea les Éditions d’État, de 1937 à 1939. « Cet opposant démocratique devenu un fonctionnaire zélé », selon Georges Haupt et Jean-Jacques Marie, fut adjoint au commissariat des Affaires étrangères d’URSS de 1939 à 1946. De 1941 à 1948, il fut chef adjoint puis chef du Sovinform-bureau, organe central de la propagande officielle soviétique. Suppléant au CC du Parti communiste depuis le 15e congrès, il fut élu à cette instance lors du 18e congrès.
Durant la Seconde Guerre mondiale, il dirigea le Sovinform-Bureau (Bureau d’information) et anima également le Comité juif antifasciste, destiné « à tous ceux qui pouvaient ou voulaient faire quelque chose pour lutter contre le fascisme » à l’étranger. Cette responsabilité entraîna son exclusion du Parti le 20 janvier 1949 puis son procès devant le Conseil suprême de l’URSS. Condamné à mort, exécuté, il fut réhabilité en 1956.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75677, notice LOZOVSKY Alexandre. Pseudonyme de DRIDZO Salomon Abramovitch. Écrit souvent LOSOVSKI (DBK) par Michel Dreyfus, version mise en ligne le 5 janvier 2010, dernière modification le 18 janvier 2022.

Par Michel Dreyfus

SOURCES : Notes de Mme Marina Smolina. — G. Haupt, J.-J. Marie, Les bolcheviks par eux-mêmes, Paris, Maspero, 1969, 398 p. — B. Studer, Un parti sous influence…, op. cit. — R. Tosstorff, « Moscou versus Amsterdam… », op. cit. — M. Dreyfus, « 1924-1927 : un moment privilégié de l’histoire de l’ISR », Centre and Periphery… sous la dir. de M. Narinsky and J. Rojahn, Amsterdam, IISG, 1996. — S. Pons, « The Comintern and the Issue of War in the 1930s : The Debate in March-April 1936 », Ibid. — P. Huber, « Les organes dirigeants… », op. cit. — A. Kriegel, S. Courtois, Eugen Fried…, op. cit. — P. Broué, Histoire de l’Internationale…, op. cit.

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