Né le 8 mars 1821 à Nimach, Inde ; mort le 17 octobre 1911 à Londres ; socialiste chrétien.
Le père de John Ludlow, colonel de l’armée des Indes, étant mort peu de temps après la naissance de l’enfant, la mère rentre en Europe et se fixe à Paris où le jeune garçon fait au collège Bourbon des études brillantes couronnées par le baccalauréat en 1837. C’est à regret qu’il quitte alors la France pour entamer des études de droit ; en 1843, il est admis au barreau de Londres. Fervent anglican de tendance « évangélique », il prend goût aux questions sociales. C’est en 1847 qu’il rencontre Frederick Maurice (alors aumônier de Lincoln’s Inn), le cerveau du socialisme chrétien de 1848 à 1854. Quand éclate la Révolution de 1848, Ludlow se précipite à Paris où il sympathise avec le mouvement. A son retour, il lance avec F.D. Maurice l’hebdomadaire Politics for the People (Une politique pour le peuple) qui n’a qu’une existence éphémère (mai-août) mais qui marque le début du socialisme chrétien. Politics for the People bénéficie de collaborations brillantes (Thomas Hughes, Lord Goderich, etc.) et malgré son tirage modeste, deux mille exemplaires, il a exercé une influence non négligeable.
Ludlow se lie bientôt avec des ouvriers déçus par le chartisme et l’owenisme ; l’un d’entre eux, Lloyd Jones, devient un ami. A travers ces hommes du peuple les socialistes chrétiens découvrent les expériences coopératives et se passionnent pour elles. Pour sa part Ludlow avait rapporté de son séjour à Paris de la sympathie pour les idées collectivistes à la mode du temps. Aussi de 1850 à 1854, se consacre-t-il au mouvement coo-pérateur, s’efforçant de promouvoir associations ouvrières et coopératives de production. En chrétien généreux porté vers le socialisme, il soutient aussi le syndicalisme, ce qui tranche avec l’hostilité générale de son milieu à l’égard des trade-unions.
Mais à partir de 1854 le socialisme chrétien s’étiole et disparaît. Ludlow se consacre alors à la cause de l’éducation ouvrière. En particulier, il contribue à la création du Working Men ‘s College, collège ouvrier dont Maurice est le directeur et où lui-même enseigne le droit et l’anglais. Très lié avec son collègue Lujo Brentano qui lui fait découvrir les théories de Lassalle, il correspond avec Marx et publie un compte rendu du « Dix-huit Brumaire » dans le Spectator.
Favorable depuis toujours à une politique réformatrice en Inde (il était membre de la British India Society qui œuvrait dans ce sens) Ludlow dénonce la domination britannique sur le sous-continent et pendant la guerre de Sécession, il prend passionnément partie pour les Nordistes. Continuant de défendre ses idées par la parole et par la plume, il publie de multiples brochures, ouvrages et articles et, de 1875 à 1891, il assume le secrétariat général des sociétés mutuelles d’entraide auxquelles il rend de grands services.
Ludlow avait été fortement marqué par son éducation française dont il avait retiré une clarté d’esprit et un sens aigu de l’engagement dans les affaires publiques qui le différenciaient des autres socialistes chrétiens. Il s’était marié à quarante-huit ans avec sa cousine Maria Forbes et le couple n’eut pas d’enfant. De petite taille et de caractère réservé, Ludlow répugnait à se mettre en avant. Pourtant il a exercé une influence considérable sur ses contemporains libéraux ; récemment il s’est vu restituer par les historiens son rôle d’initiateur.
Veuf en 1910, Ludlow meurt l’année suivante à l’âge de quatre-vingt-onze ans.
ŒUVRE : La production littéraire de Ludlow est considérable. On peut citer notamment The Society for Promoting Working Men’s Associations (Société promotrice des associations ouvrières), avec C. Sully, Brochures sur le christianisme social, n° 5, Londres, 1850. — British India, its Races and its History, considered with reference to the Mutinies of 1857, 2 vol., (L’Inde britannique, races, histoire, en liaison avec la Révolte des Cipayes), Cambridge et Londres, 1858. — The Progress of the Working Class 1832-1867 (Promotion de la classe ouvrière), en coll. avec Lloyd Jones, Londres, 1867. — Des précisions sur les articles de Ludlow dans divers périodiques se trouvent dans les deux volumes du Wellesley Index to Victorian Periodicals, 1824-1900, W.E. Houghton éd., Toronto, 1966 et 1972. — John Ludlow : The Autobiography of a Christian Socialist, introduction et édition de A.D. Murray, Londres, 1981.
BIBLIOGRAPHIE : CE. Raven, Christian Socialism 1848-1854, Londres, 1920. — J. Saville, « The Christian Socialists of 1848 », Democracy and the Labour Movement, J. Saville éd., Londres, 1954. — T. Christensen, Origins and History of Christian Socialism 1848-1854, Aarhus, 1962. — N.C. Masterman, John Malcolm Ludlow : the builder of Christian Socialism, Cambridge, 1963. — P.N. Backstrom, Christian Socialism and Co-operation in Victorian England, Londres, 1974. — Joyce Bellamy, John Saville (éd.), Dictionary of Labour Biography, t. II. — J. Droz (éd.), Histoire générale du socialisme, t. I : des origines à 1875.