Né le 20 mai 1806 à Londres ; mort le 7 mai 1873 en Avignon ; philosophe et économiste.
Fils de l’économiste James Mill, auteur de « L’histoire de l’Inde britannique » (1808) et disciple de Jeremy Bentham, John Stuart Mill est élevé selon de stricts principes utilitaristes. Après cette éducation soignée et originale, le jeune homme passe une année en France où il se plaît beaucoup (James Mill n’avait pas voulu envoyer son fils à l’université, estimant qu’il n’y apprendrait rien). De retour en Angleterre John entre à l’Office de la Compagnie des Indes orientales où son père travaillait également.
Dans le milieu de haute culture où il évolue, John Stuart Mill est mêlé à tous les courants de pensée de son temps. Il critique les théories d’Owen, propage les brochures de Richard Carlile sur le contrôle des naissances (ce qui lui vaut des ennuis avec les autorités), prend ses distances avec certains aspects de la pensée de Bentham dont il avait été nourri dès son plus jeune âge (notamment la thèse de l’intérêt personnel comme clef de la nature humaine).
Stuart Mill applaudit à la révolution de 1830 en France et lit Tocque-ville, Saint-Simon et Auguste Comte, qu’il fait connaître à ses compatriotes. Plutôt que de prendre part à la vie publique, il préfère réfléchir et consigner ses idées par écrit, le plus souvent dans des publications non signées. Il soutient de ses deniers l’Association des travailleurs londoniens (London Working Men’s Association) ainsi que l’action de William Lovett dont il approuve le chartisme modéré.
En 1848, Stuart Mill publie ses fameux « Principes d’économie politique » (Principles of Political Economy), traité magistral d’économie classique, mais qui ouvre la voie, ici ou là (en particulier dans les éditions ultérieures) à des perspectives socialistes. Captivé par la question de la propriété du sol, Stuart Mill voit dans les projets agraires du chartisme une solution possible du problème foncier.
En 1858, Stuart Mill quitte la Compagnie des Indes, et son évolution vers le radicalisme s’accentue. Il publie l’année suivante « La Liberté » (On Liberty) où il expose les principes qui, selon lui, devraient commander les rapports de l’homme en société ; la même année, il écrit ses « Réflexions sur la réforme du Parlement » (Thoughts on Parliamentary Reform). Sous l’impulsion de sa femme, Harriet Taylor, il s’était converti au féminisme dans les années 1850 et en 1869 il publiera « De l’assujettissement des femmes » (Subjection of Women), œuvre pionnière du féminisme britannique.
Au moment de la guerre de Sécession, on le trouve tout naturellement du côté des Nordistes. Enfin, sur la question irlandaise, il réclame plus de justice de la part de l’administration britannique. Poussé à se présenter aux élections législatives, il entre à la Chambre des Communes en 1866 grâce à l’appui des chefs ouvriers de Londres, tel George Odger ; mais ses prises de position favorables à l’émancipation féminine, comme sa condamnation de la répression brutale de la rébellion en Jamaïque, sont jugées trop hardies et il perd son siège dès 1868.
Dans les dernières années de sa vie, Stuart Mill tient des positions de plus en plus avancées ; il fonde l’Association pour la réforme foncière (Land Tenure Reform Association), qui attire plusieurs réformateurs, notamment Cremer, Howell, Vincent et Applegarth et qui adopte un programme transformant, sans les abolir, les droits des propriétaires terriens. Pour finir, Stuart Mill opte pour la nationalisation du sol et prône des idées de plus en plus hardies comme l’attestent ses essais posthumes sur le socialisme.
En dépit de son activité pratique dans des mouvements réformateurs, Stuart Mill a eu essentiellement un rôle de théoricien et de précurseur. Son influence a été considérable.
Sa belle-fille, Helen Taylor, lui servait de collaboratrice ; elle a participé à de nombreuses activités réformatrices, s’intéressant tout spécialement aux questions touchant à l’instruction et au vote féminin.
ŒUVRE : Voir la bibliographie de N. MacMinn et al., Bibliography of the Published Writings of John Stuart Mill, Evanston, 1945. — Les Presses de l’Université de Toronto, rééditent, depuis 1963, les Œuvres complètes de J.S. Mill ; nombreuses traductions en français.
BIBLIOGRAPHIE : E. Halévy, Histoire du socialisme européen, Paris, 1948. — M. Packe, The Life of John Stuart Mill, Londres, 1954. — F.L. van Holthoon, The Road to Utopia : A Study of John Mill’s Social Thought, Assen, 1971. — P. Schwartz, The New Political Economy of John Stuart Mill, Londres, 1972. — D. Martin, John Stuart Mill and the Land Question, Occasional Papers in Economic and Social History, n° 11, Université de Hull, 1981.