MOREL Edmund Dene

Né le 10 juillet 1873 à Paris ; mort le 12 novembre 1924 à North Bovey, Moreton Hampstead, Devon ; socialiste et pacifiste.

Le père d’Edmund Morel, Edmond Morel-de-Ville, était un haut fonctionnaire français du ministère des Finances, qui mourut des suites de la guerre de 1870, peu de temps après la naissance de l’enfant. Sa mère, Emmeline de Horne, appartenait à une famille de quakers de l’Est-Anglie ; devenue veuve, elle rentre dans son pays, et l’enfant est élevé en Angleterre, successivement à Eastbourne et à Bedford. Edmund Morel débute dans la vie professionnelle en travaillant à Paris dans une banque, puis il retourne en Angleterre comme employé dans une compagnie de navigation de Liverpool et c’est alors qu’il commence à s’intéresser à la situation des colonies d’Afrique occidentale.

À vingt ans, il prend pour patronyme la première partie du nom de son père et trois ans plus tard, il se fait naturaliser sujet britannique. A partir de 1893 et pendant une dizaine d’années, il se tourne vers le journalisme, auquel il se consacre presque exclusivement. Il écrit surtout dans le Daily Chronicle puis il fonde en 1903 l’African Mail, dont il est rédacteur en chef jusqu’en 1915. En 1904, à la suite du rapport accablant de Roger Casement sur la situation au Congo belge, il crée l’Association pour une réforme au Congo (Congo Reform Association). Ses nombreux écrits sur l’Afrique occidentale et centrale, et plus particulièrement sur le Congo, le font connaître du grand public. Plus que tout autre, Morel a su alerter l’opinion internationale sur les méthodes de la colonisation belge. En 1911, il est chargé par le ministère des Colonies d’enquêter sur les régimes fonciers existant dans les protectorats britanniques d’Afrique : à ses yeux la solution résidait dans le maintien des droits des Africains sur leurs terres. Cette année-là, Morel reçoit une récompense de quatre mille gui-nées pour sa dénonciation de l’impérialisme européen en Afrique.

Dorénavant il consacre de plus en plus son activité au problème des relations internationales, publiant en 1912, un ouvrage intitulé « Le Maroc et la diplomatie », dans lequel il suggère de faire droit aux revendications allemandes. La même année, il est choisi comme candidat libéral de Birkenhead, mais lors de la déclaration de la guerre il retire sa candidature, car il s’affirme en complet désaccord avec la politique étrangère du ministre libéral des Affaires étrangères, Sir Edward Grey.

Pendant la durée de la guerre, la ligne pacifiste soutenue par Morel le rend extrêmement impopulaire, et on l’accuse à maintes reprises, et avec véhémence, d’être pro-allemand. En effet, à l’automne 1914, il avait fondé avec d’autres personnalités, travaillistes ou libérales, opposées comme lui à l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne, Ramsay MacDonald*, Charles Trevelyan*, Arthur Ponsonby* et Norman Angell*, l’Union du contrôle démocratique (Union of Democratic Control). Il en assume le secrétariat, en même temps qu’il est rédacteur en chef de l’organe du mouvement, Foreign Affairs. En 1917, il est même condamné à six mois de prison pour une peccadille, en application de la législation sur la défense nationale (Defence of the Realm Act).

Ayant adhéré à l’Independent Labour Party en mars 1918, Morel devient très vite un des porte-parole de l’aile gauche du Labour en matière internationale. En 1922, il entre au Parlement comme député de Dundee et à la Chambre des Communes il ne manque pas une occasion pour dénoncer la position officielle tant des conservateurs que de la direction travailliste. En 1924, il s’élève contre la politique du gouvernement travailliste favorable au plan Dawes. Au cours de l’été 1924, Morel contribue au succès des conversations anglo-soviétiques. On a de lui un rapport très détaillé sur ces entretiens (le rapport est publié dans le journal de Glasgow Forward, du 23 août). Morel meurt subitement quelques semaines plus tard à l’âge de cinquante et un ans.

Morel a joué un rôle considérable pour l’éveil de l’opinion britannique aux questions de politique étrangère. L’Union of Democratic Control lui a permis d’exercer une influence considérable sur les esprits, notamment au sein du mouvement travailliste. A la surprise générale, notamment dans les milieux conservateurs, plusieurs personnalités travaillistes (parmi lesquelles Ramsay MacDonald, Philip Snowden*, Lord Parmoor) proposent en 1924 Morel pour le prix Nobel de la paix. La brutale disparition de cette personnalité courageuse et passionnée, a porté un coup sévère à la gauche du Labour.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75723, notice MOREL Edmund Dene, version mise en ligne le 5 janvier 2010, dernière modification le 5 janvier 2010.

ŒUVRE : The Congo Slave State (Le Congo réduit à l’esclavage), Liverpool, 1903. — Red Rubber (Le caoutchouc rouge), Londres, 1906. — Morocco in Diplomacy (Le Maroc et la diplomatie), Londres, 1912. — Pre-War Diplomacy (Diplomatie d’avant-guerre), Londres, 1919.

BIBLIOGRAPHIE : F.S. Cocks, E.D. Morel, Londres, 1920. — H.M. Swanwick, I Have been Young, Londres, 1935. — R.C. Reinders, « Racialism on the Left : E.D. Morel and the « Black Horror on the Rhine », International Review of Social History, vol. 13 (1968). — M. Swartz, The Union of Democratic Control and British Poilitics during the First World War, Oxford, 1971. — S. Spear, « Pacifist Radicalism in the Post-War Labour Party : the Case of E.D. Morel, 1919-1924, International Review of Social History, XXIII, 2, 1978. — C.A. Cline, E.D. Morel, 1873-1924 : The Strategies of Protest, Belfast, 1980.

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