MORRIS William

Né le 24 mars 1834 à Clay Hill, Walthamstow, Essex ; mort le 3 octobre 1896 à Londres ; artiste et socialiste.

Troisième enfant d’un riche courtier londonien, William Morris avait une nature délicate et son éducation a commencé dans une petite école privée. De tempérament studieux, après trois ans d’internat dans une public school (Marlborough College), il achève ses études avec un précepteur, le Rev. F.B. Guy, professeur à la Forest School à Walthamstow. En 1852 il entre à Exeter College, Oxford, et passe sa licence en 1855. Pendant ses années d’étudiant, il lit intensément, tout particulièrement Carlyle, Ruskin* et Kingsley*.

En 1856, Morris entre chez l’architecte oxonien G.E. Street, l’architecte du diocèse, adepte passionné du néogothique. Au bout d’un an, Morris s’installe à Londres dans un atelier où il commence à peindre. En même temps, il s’essaie à la poésie et publie ses premiers poèmes en 1858. A cette époque de sa vie, il dessine, peint, élabore des plans d’architecte et la poésie n’est pour lui qu’un passe-temps favori.

Lorsque Morris épouse Jane Burden en 1859, il construit et décore entièrement leur maison, la célèbre Red House, à Bexley Heath (Kent), et deux ans plus tard, il fonde avec des partenaires une fabrique d’objets d’art, « Morris, Marshall, Faulkner & Co », spécialisée dans la décoration religieuse.

Pendant les années 1860, Morris se consacre de plus en plus à la poésie et sa « Vie et mort de Jason » (1867) le révèle comme un des plus authentiques poètes victoriens. Mais la maladie le contraint à quitter sa maison du Kent, et en 1871, il acquiert Kelmscott Manor House sur la Tamise, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest d’Oxford. Il s’inspire beaucoup pour ses poèmes de la littérature épique Scandinave des Xe et XIIe siècles. Les années 1870 le trouvent occupé à des recherches décoratives et à des tentatives pour ranimer l’art des étoffes et l’artisanat du tapis ; mais c’est aussi à cette époque que Morris s’intéresse de plus en plus aux affaires publiques. En 1876, on le trouve à l’Association pour la question d’Orient ; en 1877, il fonde la Société pour la protection des bâtiments anciens ; en 1879, il devient trésorier de la Ligue libérale nationale. En même temps, il donne des cours à des dessinateurs industriels et à des étudiants. Si bien que pour lui la production artisanale l’emporte sur la poésie et les arts.

A cette époque William Morris approche de la cinquantaine, et c’est le moment où il se convertit au socialisme. Bouleversé par la répression qui s’abat sur l’Irlande à partir de 1881, indigné par l’impuissance des libéraux à réaliser de véritables réformes sociales, il décide de consacrer toute son énergie à changer la société. Aussi lorsqu’en 1883, il trouve dans la Democratic Federation un mouvement dont les objectifs lui paraissent correspondre à ses convictions profondes, il apporte à la Fédération un soutien financier et une collaboration pleine et entière par l’écrit, par la parole, et aussi grâce à son sens très remarquable de l’organisation. C’est alors qu’il rédige avec H.M. Hyndman* la brochure « Abrégé des principes sociaux » (1884). Désormais son talent littéraire est mis presque exclusivement au service du socialisme.

En 1884 la Democratie Federation devient la Social Democratic Federation, mouvement spécifiquement socialiste, mais dont le sectarisme et la mésentente entre leaders, provoquent l’éclatement. Les dissidents créent un autre mouvement révolutionnaire, la Socialist League : parmi eux Eleanor Marx*, Edward Aveling* et Morris qui devient le principal animateur du groupe et consacre une grande partie de son temps à la Ligue. Il fonde et dirige le journal de la Ligue, le Commonweal (Bien commun) ; c’est dans cette publication que paraît pour la première fois, en 1890, sa célèbre utopie socialiste, « Nouvelles de nulle part », qui connaît un très grand retentissement. Morris déborde d’activité, prêchant le socialisme dans des meetings à travers tout le pays et publiant de nombreux tracts et brochures de propagande. Il cherche à mobiliser les masses et à entraîner vers la révolution sociale les ouvriers en révolte contre la misère. Mais dès 1889 il doit prendre conscience de l’inanité de ses efforts et l’année suivante il se retire de la Ligue, de plus en plus noyautée par les anarchistes, et en butte aux divisions internes.

Cependant Morris ne renonce pas au socialisme même si son activité militante s’est beaucoup réduite. Il s’associe à E.B. Bax* pour écrire « Croissance et visée du socialisme » (Socialism : its growth and outcome, 1893). Au début des années 1890, il se lance avec son énergie coutumière dans la création d’une imprimerie, la Kelmscott Press, d’où sortent des éditions d’art très raffinées.

Bien que William Morris ait été l’une des figures les plus originales et les plus intéressantes du socialisme britannique, pendant longtemps sa stature propre n’a guère été reconnue, dans la mesure où, pendant toute la première moitié du XXe siècle, il a souffert d’une réputation de personnage sentimental et archaïque. C’est seulement depuis les années 1950 que la force de sa conviction révolutionnaire a été reconnue à sa juste valeur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75726, notice MORRIS William, version mise en ligne le 5 janvier 2010, dernière modification le 5 janvier 2010.

ŒUVRE : Collected Works (Œuvres complètes), 24 vol. édités par sa fille May Morris, Londres, 1910-1915. — E.D. Lemire, The Unpublished Lectures of William Morris (Conférences de W. Morris), Détroit, 1969. — Political Writings of William Morris (Textes politiques), A.L. Morton ed., Londres, 1973. — Parmi les traductions en français, on peut citer notamment Nouvelles de nulle part, introduction de P. Meier, Les Classiques du peuple, Paris, 1961.

BIBLIOGRAPHIE : J.W. Mackail, The Life of William Morris, Londres, 1899. — R.P. Arnot, William Morris : A Vindication, Londres, 1934. — M. Morris, William Morris : artist, writer, socialist, 2 vol., Oxford, 1936. — P. Henderson ed., William Morris : Letters to his family and friends, 1950. — E.P. Thompson, William Morris : romantic to revolutionary, Londres, 1955, 2’ éd. 1977. — A. Briggs, William Morris : selected writings and designs, Harmondsworth, 1962. — R.P. Arnot, William Morris : the man and the myth, Londres, 1964. — P. Henderson, William Morris : His Life, Work and Friends, Londres, 1967. — P. Thompson, The Work of William Morris, Londres, 1967. — P. Meier, La pensée utopique de William Morris, Paris, 1972. — S. Pierson, Marxism and the Origins of British Socialism, Cornell University Press, 1973. — J. Lindsay, William Morris : His Life and Work, Londres, 1975. — P. Faulkner, Against the Age : an introduction to William Morris, Londres, 1980. — La « Société William Morris » publie un rapport annuel, une publication semestrielle et des Transactions où l’on peut trouver notamment A Handlist of the Public Addresses of William Morris to be found in generally accessible publications, Londres, 1971, ainsi que des conférences de R.P. Arnot, J. Lindsay, E.P. Thompson (cette dernière conférence est intitulée : The Communism of William Morris, 1965).

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