Né le 25 juin 1903 à Motihari, Bengale ; mort le 21 janvier 1950 à Londres ; écrivain et socialiste.
Fils unique d’un fonctionnaire britannique en poste au Bengale, Eric Blair est élevé en Angleterre, d’abord dans une école privée puis au collège d’Eton où il entre comme boursier en 1916. À la fin de ses études secondaires, il s’engage pour cinq ans dans la police impériale de Birmanie. De retour en Europe en 1927 et bien décidé à entamer une carrière littéraire, il doit surmonter des moments difficiles. De 1928 à 1929, il mène à Paris une vie misérable, pratiquant divers métiers manuels, dont celui de plongeur, car sa plume n’arrive pas à le nourrir. C’est pourtant cette dure existence parisienne, ainsi qu’une expérience similaire à Londres, qui lui inspirent son premier livre « La vache enragée » (1933, réédité sous le titre « Dans la dèche à Paris et à Londres »). C’est aussi le moment où il adopte son nom de plume, celui de la rivière Orwell, proche de la maison dans laquelle ses parents viennent de se fixer dans le Suffolk. Dans les trois années qui suivent paraissent « Tragédie birmane » (1934), « La fille du pasteur » (1935) et « Et vive l’Aspidistra » (1936). De retour en Angleterre, Orwell trouve un poste d’enseignant non loin de Londres, puis il travaille chez un libraire d’Hampstead spécialisé dans des publications de gauche. Enfin en 1936, il tient un petit magasin dans un village de l’Hertfordshire.
Depuis 1930 environ Orwell évoluait vers le socialisme. Son expérience personnelle de la misère et surtout une enquête menée pour le Left Book Club ou Club du livre socialiste (Gollancz avait envoyé Orwell dans le nord de l’Angleterre pour y visiter les secteurs les plus atteints par le chômage) lui font prendre une conscience aiguë de la nécessité de solutions socialistes. Certes son socialisme sera toujours un socialisme personnel et original, mais Orwell se fait l’avocat d’une société planifiée où la propriété privée serait sinon supprimée, du moins considérablement réduite. En 1937 paraît The Road to Wigan Pier (Vers le quai de Wigan), livre où Orwell a rassemblé les résultats de ses enquêtes sociales dans le nord, mais où en même temps, il s’en prend aux doctrinaires socialistes auxquels il reproche d’aliéner les sympathies des classes moyennes et par là de retarder la progression du socialisme. Les nombreuses descriptions prises sur le vif de la vie des chômeurs du Yorkshire et du Lancashire fournissent des armes précieuses à la propagande socialiste, mais ce n’est pas sans réticences que Gollancz édite l’ouvrage en raison de la critique cinglante que fait Orwell de certains intellectuels de gauche. Au-delà de sa qualité littéraire, The Road to Wigan Pier révèle la vraie nature du socialisme d’Orwell : un socialisme fondé avant tout sur une exigence morale et sur la conviction qu’il faut rechercher d’abord la justice et la liberté. C’est la même inspiration que l’on retrouve dans « La Catalogne libre », ouvrage publié l’année suivante et dans lequel Orwell évoque son expérience en Espagne, où il avait combattu aux côtés des militants du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste), ce mouvement violemment combattu par les staliniens et par d’autres groupes.
C’est en 1938 que Orwell adhéra à l’Independent Labour Party (Parti travailliste indépendant). Il expliqua alors que « le seul régime qui, à long terme, peut accorder la liberté de parole est un régime socialiste ». Il ajoutait : « Il n’est pas possible pour un individu conscient de vivre dans une société telle que la nôtre sans vouloir la changer. Au cours des dix dernières années, j’ai eu l’occasion de connaître sous quelques-uns de ses aspects la véritable nature de la société capitaliste. J’ai vu l’impérialisme britannique à l’œuvre en Birmanie, et j’ai vu certains des ravages exercés en Angleterre par la misère et le chômage. »
Les deux œuvres majeures d’Orwell datent des dernières années de sa vie : « La ferme des animaux » paraît en 1945 et « 1984 » en 1949. Allégorie fantaisiste, Animal Farm présente une satire mordante de la « société sans classe » de la Russie soviétique — c’est dans cet ouvrage que se trouve la phrase célèbre : « tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ». Dans 1984, l’auteur décrit la vie dans un monde soumis à un totalitarisme absolu où tous les citoyens doivent se plier à la volonté des maîtres du pouvoir. Ces deux ouvrages s’inspirent de son expérience de milicien pendant la guerre civile espagnole, expérience qui l’avait confirmé dans son opposition au communisme soviétique.
Orwell était un socialiste libertaire, farouchement hostile à toute dictature, qu’elle soit de gauche ou de droite. Les privations des années difficiles, ainsi qu’une blessure reçue en Espagne, ayant affaibli sa santé, il meurt après plusieurs mois à l’hôpital à l’âge de quarante-sept ans.
ŒUVRE : Down and Out in Paris and London (La vache enragée), Londres, 1933. — Burmese Days (Tragédie birmane), Londres, 1934. — The Road to Wigan Pier (Vers le quai de Wigan), Londres, 1937. — Homage to Catalonia (La Catalogne libre, réédité sous le titre original Hommage à la Catalogne), Londres, 1938. — Animal Farm (La ferme des animaux), Londres, 1945. — Critical Essays (Essais choisis), Londres, 1946. — Nineteen Eighty Four (1984), Londres, 1949. — Collected Essays, Journalism and Letters (Essais et correspondance), 4 vol., Londres, 1968. — Orwell’s War Commentaries, éd. W.J. West, Londres, 1985.
La plupart des ouvrages d’Orwell ont été traduits en français. Des correspondances ont été publiées par les éditions Ivrea et Agone. Un recueil d’Œuvres est paru dans la Bibliothèque de la Pléiade en octobre 2020.
BIBLIOGRAPHIE : C. Hollis, A Study of George Orwell, Londres, 1956. — R. Rees, George Orwell, Fugitive from the Camp of Victory, Londres, 1956. — G. Woodcock, The Crystal Spirit, Londres, 1966. — P. Stansky et W. Abrahams, The Unknown Orwell, Londres, 1962. — A. Zwerdling, Orwell and the Left, Yale University Press, 1974. — P. Stansky et W. Abrahams, Orwell : the Transformation, Londres, 1979. — R. Williams, Orwell, Columbia University Press, 1981. — T. Fyvel, George Orwell : A Personal Memoir, London, 1982. — B. Crick, George Orwell : a Life, Penguin, 1982, traduit en français : George Orwell : une vie, Paris, 1982. — I. Howe ed., 1984 revisited, New York, 1983. — A. Coppard et B. Crick, Orwell Remembered, Londres, 1984. — C. Norris ed., Inside the Myth, Londres, 1984. — R. Williams, Orwell, Londres, 1984. — C. Jolicœur, George Orwell : itinéraire moral et esthétique, Lille, 1981. — J.D. Jurgensen, Orwell ou la route de 1984, 1983. — S. Leys, Orwell ou l’horreur de la politique, Paris, 1984. — F. Brune, « 1984 » ou le règne de l’ambivalence, Paris, 1984. — « 1984 », Le Genre Humain, n° 9, 1983-1984. — « George Orwell », L’Arc, n° 4, septembre 1984. — F. Bédarida, « Histoire et Pouvoir dans 1984 », Vingtième Siècle, n° 1, 1984. — J.-P. Devroey, L’âme de crystal : George Orwell au présent, Bruxelles, 1985. — A. Besançon, La falsification du bien, Paris, 1985. — Dictionary of National Biography, 1941-1950. — George Orwell devant ses calomniateurs, Encyclopédie des nuisances, 1997. — George Orwell politique, Critique sociale, 12 mars 2017. — Préface de Philippe Mortimer à La Ferme des animaux, éditions Libertalia, 2020.