PLACE Francis

Né le 3 novembre 1771 à Londres ; mort le 1er janvier 1854 à Londres ; radical.

Londonien à cent pour cent et parfait « cockney », Francis Place entre en apprentissage à l’âge de quatorze ans chez un fabricant de culottes de peau. Jusque-là, il avait fréquenté l’école, car sa famille était assez aisée malgré la passion du jeu de son père qui, plus d’une fois, avait entraîné les siens au bord de la ruine. Place se marie à vingt ans et le jeune ménage s’installe dans une pièce près du Strand. Au cours d’une grève dans sa profession, Place révèle ses dons d’organisateur né, mais cela le désigne aux représailles des patrons, et du coup, faute de travail, sa femme et lui connaissent la misère pendant plusieurs mois.

Doué d’une personnalité exceptionnelle d’autodidacte, Place prend très vite part à toutes les agitations du radicalisme londonien. Influencé par Tom Paine* et la lecture du « Droits de l’Homme », il entre en 1794 à la London Corresponding Society, au moment précis où celle-ci subit les rigueurs de la répression du gouvernement, bien décidé à casser le mouvement démocratique : c’est ainsi que le fondateur de la Société, Thomas Hardy* et d’autres dirigeants avaient été arrêtés sous l’inculpation de haute trahison. Dès qu’il a adhéré quelques semaines plus tard, Place fait partie d’un des comités de défense, en recommandant la prudence et la modération, et il reste membre de la LCS jusqu’en 1878 : années décisives pour sa formation politique au contact des jacobins et démocrates de Londres.

La deuxième étape de sa carrière politique, c’est une campagne électorale à Westminster, l’une des rares circonscriptions du royaume à avoir un nombre élevé d’électeurs, en particulier des commerçants et des artisans nombreux dans ce quartier populaire. Comme un radical en vue et fort aisé, Sir Francis Burdett, briguait cette circonscription, Place se fait son agent électoral et c’est lui qui assure sa victoire lors d’une élection en 1807. L’épisode rend Place célèbre parmi les radicaux de toutes tendances (notamment Thomas Spence* et Robert Owen*), mais la rencontre déterminante qu’il fait alors et qui va marquer à jamais son esprit, c’est celle des utilitaristes, et au premier rang de ces bourgeois « benthamites », James Mill. Ce qui fait l’avantage de Place, c’est d’allier des vues inspirées de Bentham et du radicalisme philosophique avec l’expérience concrète de la condition ouvrière. A l’instar des utilitaristes, il adopte les théories malthusiennes — malgré ses quinze enfants — se fait le champion du laissez-faire et réclame une réforme des institutions et de l’administration.

C’est dans les années 1820 que se situe la plus grande bataille menée par Place en alliance au député radical Joseph Hume* : la bataille pour la liberté d’association. Il s’agit d’abolir les Combination Laws, législation entrée en vigueur dès le XVIIIe siècle pour interdire les coalitions des salariés dans une série de professions et renforcée par deux lois de 1799 et 1800 prohibant toute association. Bien qu’entre 1800 et 1824 les Combination Laws aient été inégalement appliquées, Place mobilise l’opinion publique pour faire supprimer cette législation. Dans la campagne d’agitation qui se déroule et dont il est la cheville ouvrière, il fournit à Joseph Hume l’information et la documentation utiles pour les discussions au Parlement. Lorsque finalement les deux lois votées en 1824 et 1825 couronnent les efforts de Place, celui-ci prophétise que les trade-unions, une fois sortis de l’illégalité, ne tarderont pas à disparaître dans la mesure où, selon lui, ils n’existent et n’ont pris vigueur qu’en opposition aux lois répressives.

A l’époque où Place fait campagne contre les Combination Laws, il n’exerce plus son métier de tailleur. Sa boutique de Charing Cross, au centre de Londres, avait prospéré et dès 1817 Place peut se consacrer entièrement à la politique. À la fin des années 1820, il s’engage dans un autre combat d’importance : celui qui aboutit à la réforme électorale de 1832 qui accorde le droit de vote aux classes moyennes. Ici encore Place a pu faire la preuve de ses remarquables talents d’organisateur. Au fond, Francis Place a été un Fabien avant la lettre. Comme les Fabiens, il a excellé dans le travail de comité et brillé dans les manœuvres en coulisse. Par contre, il n’apprécie guère les projets de réformes grandioses, tels que ceux d’Owen. Il entretient des relations amicales avec l’ébéniste William Lovett*, le plus modéré des dirigeants chartistes, mais il se méfie de Feargus O’Connor* — qu’il n’aime pas — et de ses alliés. S’il est séduit par le chartisme naissant, il se retire très vite du mouvement. Il est avant tout un homme pratique qui s’attelle à des objectifs réalisables en un laps de temps assez court. Il plaide en faveur de l’éducation ouvrière et collabore au début du siècle avec Joseph Lancaster pour développer la scolarisation.

Rationaliste libéral, réformiste, Place n’a pas eu d’égal dans l’action politique menée discrètement dans les coulisses de la scène politique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75772, notice PLACE Francis, version mise en ligne le 7 janvier 2010, dernière modification le 7 janvier 2010.

ŒUVRE : Place a écrit de très nombreuses brochures et a laissé toute un collection de manuscrits qui se trouvent à la British Library ; son Illustrations and Proofs of the Principle of Population (Preuves et illustrations du principe de population), Londres, 1822, a été réédité et annoté par N.E. Himes, 1930. — The Autobiography of Francis Place (1771-1854), M. Thrale ed., Cambridge, 1972.

BIBLIOGRAPHIE : G. Wallas, The Life of Francis Place, 4e éd. Londres, 1925. — E.P. Thompson, The Making of the English Working Class, Londres, 1963. — D.J. Rowe, ed., London Radicalism 1830-1843 : A Selection from the Papers of Francis Place, Londres, 1970. — Thomas Kelly, Radical Tailor : the Life and Work of Francis Place, Londres, 1972. — L. Prothero, Artisans and Politics in Early Nineteenth-Century London, Folkestone, 1979. — J.A. Hone, For the Cause of Truth : Radicalism in London 1796-1821, Oxford, 1982.

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