SHIPTON George Bail

Né en 1839 ; mort le 13 octobre 1911 à Londres ; dirigeant syndicaliste.

On ne connaît rien de la famille de George Shipton, pas plus que de son enfance. Il apparaît sur la scène en 1866 quand il est élu secrétaire général de son syndicat, la modeste Union des peintres de Londres. C’est pour lui le point de départ vers une carrière en vue. En 1872, il succède à George Odger* comme secrétaire de la Bourse du Travail de Londres (London Trades Council) et en 1875 on l’élit au comité parlementaire du TUC, fonction qu’il occupe jusqu’en 1882, puis de nouveau de 1883 à 1884 et de 1885 à 1890. Bien que l’Union de Shipton soit réorganisée par lui en 1872 et devienne le syndicat unifié des décorateurs et peintres d’intérieur (Amalgamated Society of House Decorators and Pointers) le nombre des adhérents n’a jamais dépassé quelques centaines. Shipton, plutôt que de le développer, préfère du reste s’engager à fond à la Bourse du Travail. En 1874, il dépose devant la Commission royale sur le droit du travail, se séparant ainsi de la plupart des dirigeants trade-unionistes qui avaient décidé de boycotter la Commission. Il va aussi témoigner en 1883 devant la Commission royale sur l’enseignement technique.

Shipton fait une tentative pour entrer au Parlement à l’occasion d’une élection partielle à Southwark en 1880, mais il n’obtient que 799 voix tandis que le candidat conservateur en a 7 683 et le candidat libéral 6 830. En 1881, à la demande de la Bourse du Travail, il lance et rédige pendant quelque temps un périodique radical qui se maintient jusqu’en 1885, le Labour Standard. Un de ses premiers collaborateurs est Friedrich Engels qui écrit une série d’éditoriaux non signés. Toutefois, la collaboration cesse quand Shipton demande à Engels d’adoucir son style qu’il juge trop abrupt. Engels exprime à Marx son mécontentement : « Ce journal, écrit-il, continue de répandre un méli-mélo d’opinions émanant de tous les cerveaux brumeux possibles et imaginables. Pratiquement, il soutient plus ou moins — et à vrai dire plus que moins — la politique de Gladstone. »

Shipton était hostile à la grande grève des dockers de Londres de 1889. En tant que leader du « vieil unionisme », il n’avait guère confiance dans la capacité des ouvriers non qualifiés de s’organiser tous seuls et il ne laissait pas de ressentir l’influence de nouveaux venus socialistes comme John Burns* et Ben Tillett*. Pendant le déroulement de la grève, en août, le TUC se réunit en congrès à Dundee et Shipton préside le Comité parlementaire. Beatrice Webb*, qui participait à ce congrès, décrit Shipton en ces termes : « Un ambitieux déçu ; il semble hésiter quant à sa propre position. Des capacités, mais des objectifs contradictoires, voilà ce qui frappe le plus l’observateur. Je crois qu’au fond de lui-même il n’a guère de sympathie pour l’ouvrier et qu’il apprécie sa position de dirigeant pour le pouvoir qu’elle lui apporte. »

L’antipathie ouverte de Shipton pour les dockers en grève lui vaut d’être contesté pour la réélection en 1890 au poste de secrétaire de la Bourse du Travail. Un métallo socialiste, Fred Hammill, se présente contre lui, mais finalement, Shipton, grâce à son passé, réussit à être élu. Cependant, en 1896, lorsqu’il prend sa retraite, c’est un socialiste, membre de la Social Democratic Federation qui lui succède, James Mac-donald* (qui d’ailleurs avait été converti au socialisme par les articles de Engels dans le Labour Standard). Dépassé par les nouvelles orientations du mouvement ouvrier, Shipton passe les dernières années de sa vie à l’écart de toute vie active. Représentant typique des leaders ouvriers mid-victoriens, il fait partie de la génération des George Howell*, Henry Broadhurst* et autres « aristocrates » du monde du travail qui soutenaient indéfectiblement le parti libéral, sans mettre en cause le système politique et social et qui, de ce fait, se caractérisaient par une grande modération de langage et de stratégie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75799, notice SHIPTON George Bail, version mise en ligne le 7 janvier 2010, dernière modification le 7 janvier 2010.

BIBLIOGRAPHIE : S. & B. Webb, The History of Trade Unionism, 1660-1920, Londres, 1920. — R. Postgate, The Builders’ History, Londres, 1923. — G. Tate ed., London Trades Council, 1860-1950, Londres, 1950. — R. Harrison, Before the Socialists, Londres, 1965. — F.M. Leventhal, Respectable Radical : George Howell and Victorian Working-Class Politics, Londres, 1971. — W.H. Fraser, Trade Unions and Society : The Struggle for Acceptance, 1850-1880, Londres, 1974.

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