PAUKER Anna [PAUKER Hannah ou Ana, née RABINOVITCH Hannah]. Pseudonymes : MARINE Sofia, MARINA, dite GRIGORIAS Marie, CAMILLE (DBK).

Par Michel Dreyfus

Née en 1893 à Codaesti, département de Vaslui (Moldavie), morte en juin 1960 en Roumanie ; membre de la « Délégation du Komintern » qui, à partir du début 1931, supervisa l’activité du PC français.

Née en 1893 à Codaesti, département de Vaslui (Moldavie), morte en juin 1960 en Roumanie ; membre de la « Délégation du Komintern » qui, à partir du début 1931, supervisa l’activité du PC.
Petite fille d’un rabbin, fortement marquée par le judaïsme — elle conserva des liens avec son père et ses frères qui étaient sionistes — Hannah Rabinovitch, après avoir fréquenté l’école primaire, suivit des cours dans une école professionnelle et enseigna l’hébreu à l’âge de 18 ans. Elle se consacra également au Foyer des enfants pauvres, une œuvre créée par des familles juives aisées.

Elle adhéra au Parti social-démocrate de Roumanie en 1915, évolua vers sa gauche — fut-elle influencée par Christian Rakovsky* le principal dirigeant alors du socialisme roumain ? — et soutint immédiatement la Révolution d’Octobre. En septembre 1919, elle partit pour Genève. Elle y resta deux ans et y épousa Marcel Pauker ; selon une autobiographie rédigée en 1930, elle y aurait milité au Parti communiste et à l’Union des étudiants communistes.
Ayant rejoint le Parti communiste roumain à sa fondation, elle entra, ainsi que Marcel Pauker, à son comité central lors de son 2e congrès tenu en octobre 1922. Elle milita dans le syndicat des ouvrières du tabac puis dans celui des ouvrières de l’habillement et dirigea une grève de trois semaines à Bucarest. Secrétaire du Secours rouge, elle fut arrêtée en novembre 1923.

Avec son mari, elle fut déléguée au IVe congrès de l’IC en novembre 1922. Étant passée dans la clandestinité à la suite de l’interdiction du PC roumain en avril 1924, elle fut à nouveau arrêtée de décembre 1924 à juillet 1925. Elle vécut alors en Autriche puis arriva à Paris en juin 1926 où elle aurait milité en direction de l’émigration roumaine.

Devant le refus, en septembre 1926 puis en juillet 1927, de la direction du Parti communiste roumain de le laisser repartir en Roumanie où les risques d’arrestation étaient importants, le couple aurait alors envisagé de s’installer en URSS et de suivre les cours de l’École léniniste internationale (ELI). Arrivée à Moscou le 5 janvier 1928, Anna Pauker ne put suivre immédiatement les cours en raison de sa grossesse et dut attendre le 9 octobre 1928, pour être acceptée comme élève régulière à l’ELI, dans la même promotion qu’Ernest Gerö*. Elle fut élève de l’ELI jusqu’en mars 1930.

Durant cette période, ses liens avec Marcel Pauker se relâchèrent, prélude à une séparation définitive. Toutefois, Anna Pauker conserva son nom ainsi que son estime pour Marcel, ce qui lui fut reproché, lorsque, dans la Roumanie de l’après-guerre, elle fut, en 1952, démise de ses fonctions.

De son mariage avec Marcel Pauker (Luximin), le 1er juin 1921 à Zurich, étaient nés deux enfants, Vlad, né en 1926 à Vienne et Tatiana, née à Moscou le 7 février 1928. De sa liaison avec Eugen Fried*, elle devait avoir une fille, Maria, née le 22 décembre 1932 à Moscou.

À partir du 1er septembre 1930, Anna Pauker futnommée instructeur à la section d’organisation. À ce titre, elle arriva en France en décembre 1930 puis appartint à la « Délégation du Komintern » qui, sous la direction d’Eugen Fried*, fut chargée de suivre le Parti communiste, quelques semaines plus tard. Elle adopta alors le pseudonyme de Marina. Dès la fin février 1931, en compagnie de Fried* et de Thorez, elle se rendit à Lille à la réunion d’un Comité régional élargi du PC puis suivit avec attention le déroulement de la grève survenue dans le Textile, dans le Nord de la France. Renouvelée dans ses fonctions le 22 mars 1931, elle se trouvait en congé à Moscou début mai mais revint en France, à la demande de Fried* dès la mimai. En juin-juillet 1931, Anna Pauker fut chargée de la reprise en main de l’organisation du PC. Depuis février ou mars 1931, elle avait noué avec Fried* une liaison, scandée par leurs rencontres dans le Nord, à Paris et Moscou. Fin avril ou début mai 1932, enceinte, elle partit pour Moscou où elle accoucha le 22 décembre, d’une fille Maria.
Bela Kun avait cherché à recruter Anna Pauker au Secrétariat balkanique mais s’était heurté au refus du Secrétariat latin qui tint d’ailleurs à préciser qu’elle ne travaillait pas seulement pour laFrance mais pour tous les pays latins. À nouveau affectée au Secrétariat latin le 10 mai 1932, elle devait y rester jusqu’au 5 août 1933.
En mars 1934, elle regagna la Roumanie pour impulser les activités clandestines du PC roumain et fut arrêtée à nouveau en juillet 1935. Gravement blessée à la jambe à cette occasion, elle fut alors condamnée à dix ans de prison, à l’issue d’un procès tenu à Craïova en 1936. Elle ne devait plus revoir E. Fried*. De son côté, Marcel Pauker qui s’était réfugié en URSS aurait travaillé au service d’espionnage de l’Armée rouge et aurait été un des proches de Trilisser (Moskvine) ; il fut arrêté le 26 mars 1938, condamné le 29 juillet suivant et exécuté le 16 août 1938. Il devait être réhabilité le 17 octobre 1957.

En 1940, Anna Pauker fit l’objet d’un échange avec des dirigeants politiques roumains arrêtés par le NKVD après l’invasion de la Bessarabie par l’Armée rouge, entre les gouvernements roumains et soviétiques. Elle vécut à Moscou jusqu’en 1943 puis ensuite à Oufa. Jusqu’à la fin de la guerre, Anna Pauker travailla à des émissions en roumain, à destination de son pays. En mai 1943, elle fut une des signataires de l’acte public de dissolution du Komintern.

Revenue à Bucarest en septembre 1944, elle fut secrétaire au comité central et entra au BP du Parti communiste de Roumanie. Devenue alors une des personnalités les plus en vue du pouvoir, elle put faire venir auprès d’elle sa fille Maria. En septembre 1947, elle fit partie de la délégation roumaine à la conférence de fondation du Kominform à Slarska-Poreba. Elle représenta son Parti lors de la IIe conférence du Kominform où fut lancée la campagne contre Tito. Elle fut ministre des Affaires étrangères mais fut démise de ses responsabilités en mai 1952 et placée, semble-t-il, en résidence surveillée. Un procès se préparait semble-t-il. Son limogeage fut accompagné par une campagne antisémite et chauvine. Libérée quelques années plus tard, elle revint à Bucarest et travailla ensuite comme traductrice.
Aurore Thorez-Memboeuf qui avait élevé sa fille Maria de 1935 à 1944, demanda à Jacques Duclos qu’il la fasse venir en France, ce qui fut fait. Maria vécut avec son mari Martin Birnbaum, ingénieur chez Schneider avec qui elle eut un fils, Michel. Elle partit en Israël et ne se manifesta plus auprès d’Aurore.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75911, notice PAUKER Anna [PAUKER Hannah ou Ana, née RABINOVITCH Hannah]. Pseudonymes : MARINE Sofia, MARINA, dite GRIGORIAS Marie, CAMILLE (DBK). par Michel Dreyfus, version mise en ligne le 13 janvier 2010, dernière modification le 1er février 2021.

Par Michel Dreyfus

SOURCES : P. Robrieux, Histoire intérieure du Parti communiste, Tome IV, op. cit., p. 442-443. — A. Vaksberg, Hôtel Lux…, op. cit. — S. Courtois, A. Kriegel, Eugen Fried…, op. cit. — Stefan Priacel, Au nom de la loi !... Les Grands procès politiques de notre temps, Paris, Éditions sociales internationales (chapitres IX et X "Seul journaliste étranger au près d’Anna Pauker"). — Robert Lévy, Ana Pauker, the Rise and Fall of a Jewish communist, op. cit. — Notes de Claude Pennetier.

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