PAUMARD Jean. Pseudonyme à l’ELI : DIVOT Maurice [version DBK]

Par René Lemarquis, Claude Pennetier

Né le 9 juillet 1903 à Paris ; tourneur-ajusteur dans la région parisienne ; secrétaire du 6e Rayon du PC de la région parisienne ; délégué de la section centrale d’organisation du Parti communiste ; élève à l’ELI depuis octobre 1931, exclu en juillet 1934.

Les parents de Jean Paumard, d’origine paysanne, étaient employés de magasin à la Samaritaine. Le père, de « tendances socialisantes centristes » selon son fils mourut fin 1915 et ce dernier, dès l’obtention du certificat d’études primaires, rentra, lui aussi, à la Samaritaine par l’intervention de sa mère à l’âge de douze ans. Mais depuis son enfance il aspirait à devenir ouvrier mécanicien et, dans son autobiographie, il exposait les raisons de ce choix : indépendance, meilleure santé, dégagé des préjugés petit-bourgeois et en phase avec le progrès technique. Il étudiait le soir, après le travail, le dessin industriel et les mathématiques et fut vite renvoyé du magasin, fin 1916, les chefs ne lui trouvant pas « une idéologie digne d’un employé » (!). Jean Paumard trouva facilement à s’embaucher comme apprenti mécanicien en cette période de guerre chez Salmson (industrie aéronautique). Licencié lors des grèves de 1917 auxquelles il participa, il fut employé dans d’autres usines d’aviation ou d’automobiles de la région parisienne (dont Renault et Talbot) où il fut successivement apprenti ajusteur, aide monteur, apprenti tourneur, aide chauffeur... Après guerre il connut le chômage dans sa corporation et dut, pour subvenir aux besoins matériels de sa famille (il devait aider sa mère et sa sœur de huit ans) faire des « petits métiers » : garçon de chantier dans les régions dévastées, aide forgeron dans l’outillage à Paris.

Ayant décidé de vivre seul Jean Paumard se retrouva sans ressources autres que celles de figurant intermittent dans des théâtres parisiens et fut arrêté pour vol de pâtisserie à l’étalage. Envoyé dans un centre de rééducation (selon lui : une école de mouchardage des ouvriers des usines), il fut menacé au bout de trois mois d’être envoyé en colonie pénitentiaire débouchant sur les Bataillons d’Afrique. Il préféra s’engager pour quatre ans dans l’armée ce qui lui permettait d’être libéré à 22 ans au lieu de 24. Il partit le 1er août 1921 au 120e Régiment d’infanterie en Lorraine où il subit pendant un an les brimades de ses officiers mis au courant de son dossier : il fit 90 jours de peines diverses. Employé dans l’armurerie, il partit en février 1923 en occupation dans la Ruhr (Allemagne) où il participa, selon son témoignage, avec mouvements et fraternisations animés par des JC du régiment. Jusqu’en 1924 il fut encore plusieurs fois condamné à la prison pour indiscipline.

Libéré en mai 1925, Jean Paumard revint dans la région parisienne où il fut de nouveau embauché chez Renault comme manoeuvre spécialisé. Mais il ne renonçait pas à trouver une qualification et, après trois mois, il réussit un essai d’ouvrier ajusteur. Il entra alors comme régleur de machines automatiques dans une usine d’Issy-les-Moulineaux (Seine) puis dans de petits ateliers d’outillage de précision du XVe arr.

Dès l’âge de 14 ans, Jean Paumard fut sensibilisé aux problèmes d’organisation puisque le compagnon qui lui apprit à travailler était délégué d’atelier aux usines Salmson mais il resta un révolté individualiste et ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard, en 1927, qu’il se lia à un camarade italien, membre du PC depuis 1920 et militant à la cellule Citroën, qui « orienta ses idées vers la conception du communisme ». Il adhéra après le 1er août 1929 à la cellule Citroën puis en janvier 1930 à la CGTU et fin 1930 au SRI. Dès son adhésion il constitua un CDH de sept membres, dans son atelier, qui se transforma en cellule dont il fut élu secrétaire. En février 1930 il fut coopté dans le comité du sous-rayon du XVe arr. (6e rayon). En mars il fut nommé au Comité de rayon lors d’une conférence et en avril la direction du 6e Rayon l’envoya à une école de trois semaines à la suite de laquelle il fut coopté au bureau du rayon.

Il fut embauché chez Citroën (promotion des 10 000 ouvriers) au début de 1927 quand cette entreprise décida la production en grande série. Il devint alors spécialiste ajusteur-outilleur affecté à la réparation des machines-outils et la direction lui proposa un poste d’agent technique en 1929. Mais Jean Paumard, qui venait d’adhérer au Parti communiste fut soupçonné par son chef d’atelier qui lui proposa un avancement s’il cessait « de s’occuper des autres ». Ayant refusé, il connut des brimades et fut rétrogradé dans un autre service comme ouvrier ajusteur. Arrêté en mai 1930 lors de la manifestation au mur des Fédérés et condamné à deux mois de prison en juin-juillet pour blessures à agent, il fut licencié de chez Citroën. Il retrouva difficilement du travail aux usines Farman de Billancourt, mais en octobre 1930 il entrait comme permanent dans l’appareil du parti. Jean Paumard s’était marié en septembre 1926 avec une employée (« de l’aristocratie ouvrière » !) syndiquée à la CGTU et un garçon était né en décembre de la même année. Des divergences, liées au militantisme de Paumard, provoquèrent la séparation fin 1929 et une procédure de divorce était en cours lorsqu’en octobre 1931 le militant se rendit à Moscou à l’École léniniste internationale.

En avril 1931, Jean Paumard fut appelé à la section centrale d’organisation du parti et il fut délégué comme instructeur permanent. Il fut ainsi envoyé dans trois régions : en mai 1931 lors de la grève textile de Romilly-sur-Seine dans la région troyenne, en juin dans la région de Tours à la veille du congrès national SFIO et entre juillet et septembre 1931 dans la région lyonnaise suite à la lettre du comité central sur « le groupe ». Il affirmait, évidemment, n’avoir jamais fait de travail fractionnel.

Au lendemain du 1er mai 1931 Jean Paumard devint secrétaire du 6e Rayon. Arrêté ce même mois il fut emprisonné en juin-juillet et fut proposé par le bureau régional comme élève à l’ÉLI mais, trop jeune dans le parti, il fut rattaché à la cellule Citroën qui n’avait plus de direction et en fut élu secrétaire. En septembre, alors qu’il avait changé de rayon pour trouver du travail, il fut appelé par Pierre Celor* à la direction régionale pour s’occuper du 15e Rayon. Il fut alors affecté à la cellule Unic et devint membre du comité de ce rayon où il lutta contre « la tendance opportuniste de Lebouc » (voir Pierre Lebouc*). Pendant cette période il participa avec Montjauvis à la direction de la grève Talbot au début de 1931 et fut coopté à la CE du syndicat unitaire des métaux de la région parisienne. En mars, il fut délégué à la conférence nationale de Paris sur l’unité syndicale. Il assista même comme invité par le bureau politique à deux sessions du Comité central.

Jean Paumard arriva à Moscou le 30 octobre 1931 et fut élève à l’ELI sous le nom de Maurice Divot. Il demanda une allocation pour subvenir aux besoins de son enfant de cinq ans et d’une grand-mère de 70 ans. Le rapport du PC sur l’envoi du contingent 1931 à l’ELI le jugeait faible quant à son instruction politique, ayant des tendances sectaires faciles à corriger. « Bon militant, grande expérience du travail à l’usine, actif, dévoué » selon le comité de la région parisienne, « son attitude envers la politique du parti est assez bonne mais il ne la comprend que difficilement » selon la section d’organisation.

Albert Vassart pour le secrétariat du Parti ajoutait : « Bon militant grande expérience du travail dans l’usine. À besoin d’éducation théorique. Son attitude envers la politique du Parti est bonne, mais il a des tendances sectaires, faciles à corriger. Il a rempli ses fonctions avec dévouement et conviction. Ses qualités et ses défauts personnels sont : ‘actif, dévoué, mais trop personnel’ ». Son salaire lorsqu’il travaillait en usine était de 1700 F. Il ne touchait plus que 1300 F depuis qu’il était fonctionnaire du Parti. Bien que séparé de sa femme, il avait à subvenir à à une partie des charges. Le secrétariat régional notait qu’il avait une « assez bonne volonté d’appliquer la politique du Parti. Mais ne la comprend que difficilement. Il met « de la bonne volonté à remplir ses fonctions S’il ne fait pas mieux c’est qu’il a des difficultés qu’il a comprendre la politique du Parti et aussi de son sectarisme. Il est sectaire mais peut se corriger. Il est assez personnel et taciturne ».

Son séjour à l’École, si l’on en juge par les appréciations sévères de mars 1931 (d’Auguste Havez en particulier), ne fut pas fructueux. Les charges s’accumulent : peu intelligent, assez borné, pas sérieux, suffisant, vaniteux, prétentieux, lent, fainéant, etc., origines assez douteuses, il a dû avoir une sale histoire dans sa jeunesse. Pourtant son autobiographie très détaillée (26 pages !) ne laissait pas présager cette avalanche ! D’autres reproches sont sans doute plus éclairants : montée rapide dans tous les échelons du parti, type du militant formé par le groupe Celor-Barbé. En plus déviation à l’école « sur la question des salaires en URSS, contre l’inégalité des salaires, contre le travail aux pièces..., dans les questions de discipline ». En conclusion : « Camarade absolument inutilisable par l’appareil du parti... pas confiance du tout ».

Il appartenait au deuxième contingent pour l’école léniniste internationale d’un an, fort de vingt-deux militants . Voici la liste avec les commentaires du Komintern sur leur affectation après l’école : Holmières René, base, Région Pyrénées ; Dourdin Gaston, base, région Paris-Nord ; Zellner Émile, secrétaire du sous-rayon de Vitry ; Billat Paul, secrétaire de la région des Alpes ; Monceaux Edgard, (secrétaire du sous-rayon d’Ivry, barré), base ; Moine André, membre du BR, région des Pyrénées ; Herbs Michel, responsable du travail syndical de la région troyenne ; Martinan, membre du secrétariat de la région Est ; Jolly Robert, base ; Gillot Auguste ; Furmeyer, base, région Alsace-Lorraine ; Galatry Émile, secrétariat région Nord-Est ; Capitaine Thérèse, secrétariat rayon de Boulogne ; Desrumeaux Martha, instructeur du CC ; Havez Auguste, mairie de Vitry, agit-prop région Paris-Sud ; Boualem, section coloniale ; Bouchafa Salah, section coloniale, 20e UR ; Albert, nègre ; Dalmas Albert, base, région Paris-Ville, renvoyé de l’École ; Paumard Jean, base région Paris-Ouest, renvoyé de l’École ; Ignacy Jany, pol. bord (illisible) ; Kuhn Guillaume, secrétariat SRI Alsace-Lorraine.

Son dossier au RGASPI n’indique pas son activité au retour d’URSS, mais une résolution du comité de rayon de Boulogne et une du bureau régional votées en juillet 1934 mettent en cause les camarades Pommard (Paumard), Léon Pinçon et Thirion à propos de manifestations de chômeurs en mars et avril 1934. Le comité de rayon constatait que « la pratique de certains camarades est en opposition formelle avec la politique du parti, notamment dans la lutte contre le fascisme... et la nécessité de déjouer les provocations tendant à précipiter la mise dans l’illégalité du parti ». La résolution accusait Jean Paumard, qui avait été arrêté en mars d’agir en dehors du parti et décidait de le relever de tout poste responsable. Le bureau régional à la suite décidait « d’exclure Paumard des rangs du parti communiste pour des attitudes contraires aux intérêts du parti ». Une mention manuscrite indiquait « liste noire ». On peut noter à ce sujet qu’au lendemain des journées de février 1934, Louis Lagorgette, secrétaire de la section SFIO de Boulogne, avait constitué un comité de vigilance dont le bureau comprenait, entre autres, Léon Pinçon pour le PC, Jean Paumard pour la CGTU et Lohiac pour la Ligue communiste (trotskyste). En juillet Lagorgette fut un des signataires du pacte d’unité d’action PC-PS.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75912, notice PAUMARD Jean. Pseudonyme à l'ELI : DIVOT Maurice [version DBK] par René Lemarquis, Claude Pennetier , version mise en ligne le 14 janvier 2010, dernière modification le 4 octobre 2010.

Par René Lemarquis, Claude Pennetier

SOURCES : RGASPI, 495 270 8436 : Autobiographie Moscou 21 novembre 1931 ; Rapport du PC sur l’envoi du contingent 1931 à l’ELI ; Dossier sur Maurice Divot à l’ELI ; Résolutions de juillet 1934 du rayon de Boulogne et du bureau régional du PC :
517 1 998 et 517 1 1111. — Notes de Sylvain Boulouque.

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