Par Dominique Porté
Né le 3 février 1913 à Toulouse (Haute-Garonne), mort le 6 janvier 1988 à Toulouse ; ouvrier boulanger, puis employé secrétaire de la Région toulousaine du PC (1937-1939) ; résistant puis militant trotskyste (1946-1952) ; membre du Parti socialiste unifié puis du Parti socialiste.
Fils d’un ouvrier sans qualification, mort le 30 juin 1915 sur le front d’Argonne, Marcel Thourel fut élevé par sa mère et sa tante. De milieu très modeste, il grandit dans le quartier Marengo de Toulouse, quartier ouvrier profondément marqué par la grève des cheminots de 1920, qui dura tout le mois de mai et s’acheva par la défaite et la répression (2 500 sanctions). Sa jeunesse se partagea entre la vie familiale, la vie dans la rue et l’éducation qu’il reçut à l’école Saint-Sylve, école catholique du quartier. Le Certificat d’études obtenu, âgé d’à peine quatorze ans, Marcel Thourel fit ses premiers pas dans la vie active comme télégraphiste puis comme employé dans diverses entreprises ou commerces. En 1930, il opta pour le métier de boulanger. En 1932, il adhéra à la Fédération de l’Alimentation de la CGT dont Julien Forgues, secrétaire de l’UD-CGT, était issu. Le 17 avril 1934, Marcel Thourel fut incorporé à la section des commis et ouvriers d’administration de la 17e région militaire dans les services d’intendance à la caserne Clauzel à Toulouse. Il fut libéré de ses obligations militaires le 6 juillet 1935. Au cours du service militaire, il fut sensibilisé à la politique, sous l’influence d’un camarade de chambrée, Clément Jourdan*, militant communiste du Lot-et-Garonne.
En septembre 1935, Marcel Thourel adhéra au Parti communiste, Région Garonne (Haute-Garonne et Ariège). À cette époque, le PC était numériquement faible et peu influent même s’il commençait à gagner du terrain grâce à la vague unitaire née de février 1934 et à l’action locale qu’il animait comme ce fut le cas pour comme l’émeute, lors de la venue, en juin 1934, de Taittinger et Scapini, députés de Paris d’extrême droite. En 1935, la Haute-Garonne regroupait entre 450 et 500 adhérents communistes, face à 3 305 socialistes (dont 1 184 Toulousains). Les communistes publiaient un hebdomadaire, La Voix des travailleurs de Toulouse et du Midi, et étaient présents dans les syndicats.
A vingt-deux ans, marié, sans grande expérience syndicale, sans formation théorique, Marcel Thourel décida, avec une promptitude révélatrice de sa personnalité, de militer. Cet engagement n’avait rien d’intellectuel, il s’agissait plutôt d’un choix viscéral pour l’action et le combat, la révolution. Un choix qui apparaît comme un refus de la SFIO, organisation axée sur les luttes électorales bien plus que sur les luttes sociales comme en témoignait la pratique de la municipalité socialiste de Toulouse (1925-1940). Marcel Thourel fut représentatif d’une génération, engagée politiquement dans la ferveur unitaire de 1935-1936, et dans la volonté de lutte contre le fascisme.
Adhérent de la cellule du quartier Marengo, qui devait être baptisée « Clara-Zetkin », il en devint secrétaire dès la fin de l’année 1935. Le 22 décembre 1935, il participa à la conférence des rayons de Haute-Garonne (Cazères, Toulouse rives gauche et droite) et fut élu au comité de rayon, rive droite. En juin 1936, il participa à la grève des boulangers à Toulouse, qui dura du 27 juin au 6 juillet.
Au cours de la conférence régionale des 3 et 4 avril 1937, il fut élu membre suppléant du secrétariat, membre du bureau régional, et membre de la commission d’organisation. Frappé en avril 1937 par le chômage, Marcel Thourel était entièrement disponible et l’exclusion de Jules Sahuguette* favorisa son ascension. Déjà suppléant, Marcel Thourel le remplaça logiquement au secrétariat. Début mai 1937, il rencontra à Paris, le « gros » Maurice, Maurice Tréand, et fut chargé par celui-ci d’organiser le passage des volontaires étrangers en Espagne.
Le 1er novembre 1937, le nouveau responsable communiste fut employé comme représentant par les Nouvelles éditions Regards jusqu’au 1er décembre 1938. Il occupa par la suite la charge d’inspecteur pour le Centre de diffusion du livre et de la presse. Parallèlement à ces emplois, il fut réélu au secrétariat, aux conférences régionales, qui se déroulèrent en 1937 et 1938. Les 10 et 11 juin 1939, le comité régional désigna un secrétariat collectif, dont il fut membre en compagnie de Marcel Craste* et Émile Daraud*. Rédacteur à La Voix du Midi, il fut une seule fois candidat aux élections cantonales des 10 et 17 octobre 1937. La Voix du Midi annonça la candidature de Figarol à Aurignac. Celui-ci se désista au dernier moment ; Marcel Thourel le remplaça au pied levé et recueillit 42 voix contre 732 au radical-socialiste Cabarrot et 570 au socialiste Basc, un indépendant obtenant 300 voix.
Lors de la signature du Pacte germano-soviétique, Marcel Thourel se trouvait en vacances dans l’Aude, avec des militants communistes. Malgré son désarroi, il ne désapprouva pas le Pacte. Mobilisé le 2 septembre 1939, il fut affecté en Alsace. Démobilisé le 14 août 1940, il retourna à Toulouse chercher le contact avec le PC et reprit son activité militante. Le 8 septembre 1940, il fut arrêté avec d’autres militants communistes : Lucien Llabres*, Coiffard, Pierre Brejassou*, Jean Gausserand*, E. de Larroque, et interné au camp de Buzet-sur-Baïse (Lot-et-Garonne). Il quitta ce camp pour celui de Saint-Germain-les-Belles (Haute-Vienne). En mars 1941, il fut interné à Nexon (Haute-Vienne). Le 17 mars, sur directive du parti, il écrivit au maréchal Pétain une lettre dans laquelle il demandait sa libération en désavouant son engagement communiste passé. Le 20 mai, il fut libéré du camp de Nexon et interdit de séjour en Haute-Garonne.
Marcel Thourel s’installa à Verdun-sur-Garonne (Tarn-et-Garonne) où il rencontra des militants communistes, dont Alexandre Clamens, agriculteur et maire communiste suspendu. Avec ce dernier, son fils Jean et Pierre Lafforgue, il participa à la réorganisation du PC clandestin. En mai 1943, il reprit, après plusieurs tentatives, le contact avec le parti. Il rencontra Gaston Plissonnier* qui lui confia la responsabilité de la Région 1 (Tarn-et-Garonne), sous le pseudonyme de Léon. Il passa dans la clandestinité. En novembre 1943, il fut choisi comme responsable pour la Région 3 (Lot-et-Garonne). En mai 1944, il devint instructeur interrégional, délégué du Comité central, sous le pseudonyme de Clément. Il participa à la libération d’Agen avant de rejoindre Toulouse où, le 28 septembre, il reprit sa responsabilité de secrétaire à l’organisation pour la Fédération de Haute-Garonne, en compagnie de Henri Dupont, secrétaire politique et Pierre Requier, secrétaire au travail de masse.
Assurant des tâches de direction et d’organisation très importantes, ses fonctions de représentation et son rôle de rédacteur dans la Voix du Midi, Marcel Thourel fut réélu en avril 1945 secrétaire régional du PC. Le 12 avril, le bureau le releva de ses responsabilités, en raison de sa lettre au maréchal Pétain, en mars 1941. En mai, l’ex-cadre communiste quitta Toulouse pour Verdun-sur-Garonne. Le 16 juin, son exclusion lui fut notifiée oralement par le responsable aux cadres de la Fédération de la Haute-Garonne du PCF. En septembre, installé à Montauban, il créa un commerce de livres anciens et modernes, profession qu’il exerça jusqu’en 1974, date où il prit sa retraite.
Exclu, Marcel Thourel resta silencieux dans l’attente d’un juste jugement du parti. En juin 1946, L’Étoile du Quercy, hebdomadaire du PCF en Tarn-et-Garonne, lança une mise en garde contre lui. Ce fut le point de départ d’une longue polémique, qui l’opposa à la direction départementale du PCF. En août 1946, il adhéra au Parti communiste internationaliste dont il fut le responsable départemental. En novembre 1946, il fut candidat sur la liste communiste internationaliste, en compagnie de Jean-René Chauvin et Paul Bourgeade. Les 20 et 21 décembre 1947, il participa au Comité central du PCI et fut chargé d’animer une commission nationale agricole. Les 17, 18 et 19 juillet 1948, au cours du Ve congrès du PCI, il fut élu au Comité central et réélu au VIe congrès en janvier 1950. En 1951, lassé par les multiples scissions du PCI, il ne se représenta pas au CC du PCI, et quitta progressivement ce parti. En 1953 et 1954, il n’eut pas d’activité militante.
En 1955, Marcel Thourel participa avec Pierre Couchet, ex-responsable du PCF en Tarn-et-Garonne avant-guerre et exclu en 1950, à la création de la Nouvelle gauche. Un rapport de la commisison des cadres du 16 février 1950 reprochait à Pierre Juge, secrétaire fédéral sont manque de fermeté politique dans l’affaire Thourel et le traitement du cas Pierre Couchet. Le 8 décembre 1957, ils représentèrent ensemble le Tarn-et-Garonne au congrès constitutif de l’Union de la gauche socialiste. En 1960, il adhéra au PSU, dont il fut membre du conseil fédéral jusqu’en 1974, date à laquelle il entra au Parti socialiste, après les Assises du socialisme, avec une vingtaine de militants rocardiens. Il anima et suivit l’activité de ce courant qui obtint la majorité relative en Tarn-et-Garonne au moment du congrès de Metz (1979). Il occupa diverses responsabilités à la direction fédérale du PS en Tarn-et-Garonne de 1974 à 1979. À cette date, il abandonna ses responsabilités fédérales, afin de permettre la promotion de jeunes militants. Il demeura secrétaire de la section de Grisolles (Tarn-et-Garonne).
Par Dominique Porté
ŒUVRE : Itinéraire d’un cadre communiste 1935-1950. Du stalinisme au trotskysme, préface de Rolande Trempé, introduction et notes de Dominique Porté, Toulouse, Privat, 1980.
SOURCES : RGASPI, 495 270 3150, autobiographie, Toulouse, 12 mai 1937, 3 août 1938, classé AS. — Arch. Marcel Thourel. — Dominique Porté, Le PSU en Tarn-et-Garonne des origines à 1973, mémoire de maîtrise, Toulouse-le-Mirail, 1976. — D. Porté, Marcel Thourel, une vie militante, un itinéraire politique, Thèse, Toulouse-le-Mirail, 1979.