PÉRAUDEAU Roger. Edmond. Pseudonyme à Moscou : COURTY André (version DBK)

Par René Lemarquis, Claude Pennetier

Né le 22 octobre 1911 à Rochefort-sur-Mer (Charente-Inférieure), mort le le 25 novembre 1981 à Poitiers (Vienne) ; ouvrier de la construction navale ; militant communiste de Gironde ; élève de l’École léniniste internationale en 1934-1935.

Né à Rochefort-sur-Mer, fils d’un marin de commerce devenu employé des chemins de fer et chef de gare à Petit-Quevilly et d’une lingère, Roger Péraudeau fut adopté par le Nation le 13 août 1918 car son père avait été tué dans les combats militaires fin 1914 ; il fut enterré mais sa tombe ne fut pas retrouvée. Sa mère se remaria avec le frère de son mari et tous deux travaillaient en 1933 aux chemins de fer de l’État, elle comme laveuse de wagons. Après avoir passé six ans à l’école primaire où il obtint le certificat d’études, Roger Péraudeau prolongea ses études au cours supérieur pendant un an mais ne put continuer “faute d’argent”. Aussi commença-t-il à travailler en 1925 aux constructions navales des Chantiers de la Gironde à Bordeaux en tant qu’apprenti traceur, tout en suivant les cours du soir (Cours philanthropiques). Il aurait fait un séjour en Angleterre pour apprendre les nouvelles techniques du rivage (selon son fils, car il n’évoque pas ce voyage dans ces autobiographies). Il fut traceur pour les réalisation du bateau le Commandant Teste et sur deux sous-marins. C’était un jeune garçon d’une grande force physique, coureur de fond et boxeur, compétence qu’il utilisera une décennie plus tard dans le service d’ordre communiste. En 1927, après une faillite, il s’embaucha, toujours dans la construction navale, aux Chantiers du Sud-Ouest à Bordeaux jusqu’en 1928. Après un passage de six mois dans une entreprise de wagonnage, il y revint. Début 1931 il travailla dans le chauffage central et fut congédié à la veille de son service militaire effectué au 18e régiment d’infanterie dans une compagnie de mitrailleurs puis de voltigeurs. Il fut libéré le 5 octobre 1933.

Roger Péraudeau relatait que son instituteur du cours supérieur faisait des remarques anticommunistes qu’il rapportait à son oncle (son beau-père) lequel l’emmena à des meetings où il découvrit, impressionné, les pionniers communistes. Aussi, apprenti en 1924-1926, il s’intéressa vite aux mouvements revendicatifs, allant plusieurs fois à la direction réclamer des augmentations de salaires. Il rencontra alors Louis Allo* et adhéra à la Jeunesse communiste de Bordeaux en juin 1927, à la cellule locale de La Bastide dont il fut secrétaire. Il aurait connu Maria Rabaté. En 1929 il entrait au comité régional ainsi qu’à son bureau puis de 1930 à 1933 il fut membre du secrétariat.

Dans son autobiographie de 1933, il raconte que sa "mère ayant appris que j’étais à la JC, elle s’opposa à ce que je continue à militer". Il interrompit son militantisme pendant six mois.

Il appartenait à une section artistique de son organisation. Il militait avec Louis Allo*, André Vrigneaud*, Léo Pichon*, Henri Courtade* et Hubert Ruffe*. En mars 1929 il fut délégué à la conférence nationale du PC et à diverses conférences nationales de la JC. Il interrompit quelques mois son activité en 1929 car sa mère s’y opposait. Pendant cette période il participa à la manifestation Sacco-Vanzetti en 1927, aux grèves des Chantiers du Sud-Ouest en 1928-1929 où il fut membre du comité central de grève, en 1931 à une grève des chauffeurs de rivets aux Chantiers de la Gironde en tant que responsable des jeunes syndiqués unitaires. Il avait adhéré en 1927 au syndicat unitaire des Métaux où il devint secrétaire adjoint de la section du Sud-Ouest et secrétaire de la section des jeunes unitaires. En 1931 il fut nommé à la CE de l’UL-CGTU de Bordeaux et en 1932 membre de la CE et du bureau de la XIIIe URU. À la veille du service militaire il était secrétaire de l’UL-CGTU de Bordeaux. En septembre 1931 il fut nommé à la commission confédérale des Jeunes.

En septembre 1930 Péraudeau (pseudonyme : Roger Duma ou Dumai) , découragé du peu de résultat dans la JC (« où les jeunes ne pensent qu’à s’amuser »), voulut, avec deux membres du secrétariat, Louis Allo et Henri Gouge, entrer au Parti. Ils furent sanctionnés par une Assemblée régionale (retrait de toutes responsabilités). Or le PC était en pleine « affaire du groupe ». La commission des cadres rappelait, trois ans plus tard, que Péraudeau « a été lié et a fait un travail de fraction avec Allo élément douteux » et, le 3 octobre 1933, alors que son adhésion au parti venait enfin d’être acceptée, lui-même admettait avoir formé un groupe avec Allo et Gouge « pour lutter contre Léo Pichon, alors secrétaire régional, qui réalisait peu ». Il ajoutait cependant « [quant] à dire si nous avons été reliés au groupe central moi je ne le sais pas. Voyez les déclarations d’Allo (Jean Cadet à l’ELI) ». Mais le 19 mars 1934 dans une autre bio, écrite à l’ELI, il précisait « ce groupe avait développé un courant avant-gardiste... et avait entraîné la presque totalité des membres de la JC” et qu’il avait dénoncé cet “embryon de groupe » lorsqu’éclata l’affaire du groupe Barbé-Celor. « Je crois bien, dit-il, en soulignant d’un trait raturé cette expression, que par Allo nous avons dû être en liaison à l’équipe Barbé-Celor ».

Il est possible qu’il se confonde avec « Robert Perodeau » dont le nom et le prénom auraient été déformés par les rapports de police, cependant les dates de coïncident pas. Au congrès de l’Union locale unitaire, tenu le 10 avril 1932 à la Bourse du Travail de Bordeaux (Gironde), Robert Perodeau salua les jeunes syndiqués et les Jeunesses communistes. Il était secrétaire de la cellule Bordeaux-Bastide, lorsqu’il partit à Angoulême (Charente) en octobre 1932, pour accomplir son service militaire.

Roger Péraudeau qui avait déjà suivi une école régionale de huit jours avait été désigné pour suivre les cours de l’ELI où il était arrivé le 19 mars 1934. Il avait comme pseudonymes André Courty (nom d’un oncle maternel) et était logé à l’École. Il resta en URSS jusqu’en mai 1935.

Selon son fils, il serait allé pendant son séjour à l’ELI, ou après celui-ci dans l’Extrêment-Orient russe et peut-être au-delà de l’URSS ; il en avait ramené une statuette (« Dieu des porteurs d’eau de la secte des chapeaux jaunes »). Bien qu’il n’ait jamais fait confidence à sa famille de son séjour à l’ELI, ni d’autres voyages, son fils pense, sur le base de quelques propos qu’il tint avant sa mort, qu’il a eu des actions de courrier de l’Internationale sous la couverture de « négociant en fourrures » (dans son dELIre sénile, il confiait, en russe, des missions à faire d’urgence et dans le secret, donnait des adresses à Moscou, évoquait la gare de Berlin pleine de SS, la valise diplomatique, son statut de marchand de fourrures, l’Espagne…). Ces éléments sont cependant bien fragiles pour fixer un itinéraire.

Il fut candidat communiste aux élections législatives de 1936 dans la 2e circonscription de Libourne et recueillit 513 voix sur 16 631 inscrits. En dehors de cette candidature, on connaît mal ses activités entre 1935 et 1938 date de son entrée à la SNCF à Bordeaux. À cette date, il est à Bordeaux, mais sans doute y était-il avant. Il appartint au service d’ordre communiste qui mèna des actions contre l’extrême droite, plus précisément contre la Cagoule, dit son fils.

Il fut mobilisé dans les corps francs du 73e RI et fait prisonnier par les Allemands vers le Luxembourg. Ceux-ci le libérèrent en 1941, dans le cadre de la relève et sans doute en raison de son appartenance à la SNCF.

On connaît mal son action pendant la guerre. Son fils parle d’un poste à Chateaurenaud et à Tours. Sa sœur, ménagère, avait épousé à Bourges un communiste nommé Jean Bizet, qui aurait été condamné à mort dans cette même capitale du Haut-Berry, mais pas exécuté. Que fit Raymond Péraudeau lui-même ? Apparemment rien qui ait marqué les mémoires. Il aurait été amoureux d’une jeune fille juive. On parle d’aide à la résistance, dans le cadre de son service, avant le Libération.

Il fut ensuite nommé à la gare de Poitiers où il se maria en décembre 1951 avec, Andrée Dreveau, une institutrice de Chalandray (puis directrice d’école) dont il eut des enfants, le premier en 1952. Son épouse, très religieuse, n’était pas une militante. Il disait que cette union avait marqué un tournant dans sa vie, peut-être en contribuant à son éloignement du militantisme, mais c’est avec certitude le XXe congrès qui entraîna son désengagement, car il n’accepta pas les critiques contre Staline. Ayant cessé d’être membre du Parti communiste (sans qu’il soit possible de dater ce retrait), il resta cependant un lecteur fidèle, et critique, de l’Humanité. Silencieux dans sa nouvelle famille sur son passé, les échos n’arrivèrent que par accident, aussi vers 1968, en présence de son fils aîné à la gare de Poitiers, il rencontra, par hasard semble-t-il, un Tchèque qu’il semblait avoir connu il y a longtemps et qui parlait d’action de renseignement contre les nazis et évoquait son séjour à la Loubianka « pendant dix ans ». Il fut question à une autre occasion du pseudonyme de « Georges ». Après 1968, la chape de plomb qui protégeait son passé se fissura à peine, et c’est involontairement qu’à la fin de vie, il mit en scène, dans des propos incohérents (et qui ne peuvent bien sûr pas tenir lieu de témoignage), ses activités clandestines du milieu des années trente.

Le parcours de Péraudeau pourrait être moins aventureux que le secret dont il s’entourait le laisse comprendre. Il était tenu au secret, comme tout élève de l’École léniniste internationale. Il se peut qu’il ait voyagé en URSS en fin de séjour et même été formé à l’action clandestine. Le reste n’est que spéculation. On s’étonne cependant qu’un cadre formé à l’ELI ait été si peu et si mal employé à son retour.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75922, notice PÉRAUDEAU Roger. Edmond. Pseudonyme à Moscou : COURTY André (version DBK) par René Lemarquis, Claude Pennetier, version mise en ligne le 16 janvier 2010, dernière modification le 4 mars 2011.

Par René Lemarquis, Claude Pennetier

SOURCES : Archives nationales F7/13185. — RGASPI : 495 270 1020. Autobiographies : 7 octobre 1933 (Bordeaux) ; 19 mars 1934 (Moscou) + questionnaire à l’arrivée ; notes traduites du russe par Macha Tournié. — État civil de Rochefort-sur-Mer. — Renseignements communiqués par son fils, Jean-Paul Péraudeau.

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