PLATTEN Fritz

Par Brigitte Studer

Né le 8 juillet 1883 à Sankt-Fiden (Saint-Gall), décédé le 22 avril 1942 dans un camp de travail près d’Archangelsk (Union soviétique) ; apprenti-serrurier puis dessinateur ; un des organisateurs de la grève générale de Zurich en 1912 ; proche de Lénine et des membres du comité d’Olten ; élu à la direction du PCS à sa fondation ; sous l’égide de l’IC, émigra en URSS où il fonda des communautés agricoles et enseigna à l’Institut des langues étrangères.

Fritz Platten
Fritz Platten

Socialiste, puis communiste, Fritz Platten fut parmi les militants les plus connus de la Suisse alémanique, voire le plus mythique pour son action dans la grève de 1912 à Zurich, où il fut surnommé le « Général de grève » et après son émigration en URSS en 1923-1924. Fils d’un ouvrier allemand naturalisé à Tablat (commune de Saint-Gall) et d’une fille de paysans thurgoviens, il commença un apprentissage de serrurier qu’il ne put terminer à cause d’un accident. Très jeune, il eut des contacts avec les militants révolutionnaires de la société de formation ouvrière Eintracht. Jusqu’en 1906, il travailla comme dessinateur à la ville de Zurich. Puis il se rendit à Riga, où il rencontra sa première compagne. Arrêté après le recul du mouvement révolutionnaire, il fut incarcéré ; libéré par le dépôt d’une caution, il put s’échapper en Allemagne. Il se maria en 1912 avec une étudiante russe, Olja Korslinskij, qui se suicida peu après la naissance de leur fils, Fritz Nicolaus en 1918.

À partir de 1915, puis lors de la conférence de Zimmerwald, il fut en contact régulier avec Lénine , pour lequel il arrangea, avec les autorités allemandes, le transit du fameux « wagon plombé » à travers l’Allemagne. En 1918, il entretint des contacts suivis avec la mission soviétique de Berzine installée à Berne. En 1917, il fit son entrée au Conseil national, mais ne fut pas réélu en 1919. À son retour de Russie soviétique en 1920, où il était parti en février 1919, il put cependant reprendre le siège d’un de ses amis. Il quitta définitivement le Parlement helvétique en novembre 1922. Temporairement membre du comité d’action d’Olten (la direction de la grève), il fut condamné à six mois de prison pour sa participation à la grève générale de 1918, peine qu’il purgea entre juillet 1920 et février 1921.
Entre-temps, il avait participé, en tant que membre du Présidium, au congrès de fondation de l’IC. Lors de la création du Parti communiste suisse (PCS), il fut élu à sa direction.

En février 1923, il adressa une demande d’autorisation de séjour permanent pour la Russie soviétique au bureau du Comité exécutif de l’IC et en juin, il émigra. Il y fonda deux communautés agricoles avec une cinquantaine d’autres Suisses, collabora au SOI (Secours ouvrier international) et à l’Institut agraire international à Moscou et enseigna à l’Institut de langues étrangères à partir de 1931.

Lors des élections nationales de 1931, l’IC l’autorisa à retourner en Suisse, officiellement pour une tournée de conférences de soutien à la campagne du PCS, mais surtout avec la mission d’œuvrer à la libération des « Rüegg » en Chine. Sur ordre de Moscou, il dut cependant abréger son séjour et quelques-unes de ses conférences furent annulées. En 1936, il fut mis devant l’alternative d’abandonner sa citoyenneté helvétique ou de quitter l’Union soviétique. Il choisit la première solution. Lié d’amitié avec Zinoviev et Radek, opposé au culte de la personnalité, il fut arrêté en 1937. Des dénonciations faisaient de lui un « trotskyste » qui avait cherché à militer pour ses vues au club allemand à Moscou. Relâché, puis à nouveau emprisonné après mai 1938, il fut condamné en octobre 1939 à la déportation en camp. Le procès-verbal de son interrogatoire était rédigé en russe, langue qu’il ne parlait pas ! Lors du procès, où il exigea une traduction, il nia toutes les accusations, sauf celle d’avoir possédé une arme non déclarée, un pistolet que Lénine lui avait offert. Contrairement à son ex-femme Berta Zimmermann — qu’il aurait épousée en 1930 et dont il aurait divorcé en 1932 — qui avait travaillé comme secrétaire de Abramov-Mirov dans l’OMS, le département des relations étrangères (l’appareil secret) du Komintern, et qui fut fusillée en 1937, Platten ne fut pas condamné à mort, mais à quatre ans de camp. Peut-être était-ce à cause du prestige dont il jouissait, pour avoir préservé Lénine d’un attentat en 1918. Selon Georgij — fils de la première compagne de Platten avec laquelle il n’était pas marié — et qui vivait encore en URSS en 1997, il fut cependant assassiné en 1942 par un gardien du camp de travail près d’Archangel’sk où il était interné. Lorsqu’en mai 1939, la presse socialiste parla de l’arrestation de Platten, la Freiheit (26 mai 1939) ne démentit pas l’information, mais assura ne pas en être informée. Elle justifia néanmoins une éventuelle condamnation : « Ce que nous savons, c’est que l’Union soviétique a traité de manière énergique mais juste ceux qui avaient entrepris d’attaquer le pays socialiste avec des méthodes criminelles. » Platten fut réhabilité, de même que Berta Zimmermann, en 1956 après le 20e congrès du PCUS.

Brigitte Studer

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75940, notice PLATTEN Fritz par Brigitte Studer, version mise en ligne le 17 janvier 2010, dernière modification le 5 octobre 2010.

Par Brigitte Studer

Fritz Platten
Fritz Platten

SOURCES : RGASPI, 495 91, n° 3, 495 91, n° 43 et 538 3, n° 74. — Archives fédérales suisses, Berne, E 21/9312 et 10535. — Archives de la Ville, Zurich, Fonds Emil Klöti, 46. Archives sociales suisses, Zurich, ZA. — E. Gruner, L’Assemblée fédérale suisse, 1848-1920, vol I, Biographies, Berne, Ed. Francke, 1966, 1021 p. (ici p. 95/96). — B. Gross, Willi Münzenberg. Eine politische Biographie, Stuttgart, Deutsches Verlags-Anstalt, 1967, p. 74, note 2. — L. Haas, « Lenin an Platten. Ein Briefwechsel aus dem Jahr 1918 », in : Revue suisse d’histoire 18, 1968, n° 1, p. 69-78. — Archives de Jules Humbert-Droz, I, op. cit., p. 20, note 6. — F. N. Platten, Mein Vater Fritz Platten. Ein Leben für die Russische Revolution, Turicum, septembre 1972, p. 17-22. — W. Gautschi, Lenin als Emigrant inder Schweiz, Zurich/Cologne, Benziger, 1973, 383 p., en particulier p. 330. — H.-U. Jost, Linksradikalismus in der deutschen Schweiz 1914-1918, Berne, Verlag Stämpfli, 1973, p. 37-48. — K. Spiess, Fritz Platten. Ein Schweizer Kommunist in der Sowjetunion, Tages Anzeiger Magazin, n° 9, 28.2.1976, p. 6-14. — P. Stettler, Die Kommunistische Partei der Schweiz (1921-1931), op. cit., p. 276, 328 et 510-511. — U. Rauber, Pour le centième anniversaire d’un révolutionnaire suisse : Fritz Platten, La Voix ouvrière, 7, 14 et 21, 1983. — B. Schneider, Schweizer Auswanderer in der Sowjetunion : die Erlebnisseder Schweizer Kommunarden im revolutionären Russland (1924-1930), Schaffhausen, Buchverlag Schaffhauser AZ, 1985, 157 p. — A. Latyschew, « Beim Namen nennen » ; Tödliche Umarmung.Einheitsfront - ein stalinistisches Manöver, Berlin, Dietz Verlag, 1991, p. 20-26. — Sous l’œil de Moscou, op. cit, — Lettre de Fritz N. Platten à l’auteur, 30 novembre 1987, et entretien, 1er juin 1989 et communication écrite après sa consultation des archives du KGB en octobre 1991. — Entretien avec Élena Drouchinina, Moscou, 16 juin 1990.

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