PRÉOBRAJENSKY Evgenii, Alekseiévitch (DBK)

Par Pierre Broué

Né le 15 février 1886 à Bolkhov, province russe d’Orel, exécuté le 13 juillet 1937 ; militant clandestin du Parti bolchevique ; économiste, porte-parole de l’Opposition de gauche en 1923-24 ; déporté en 1928 puis libéré après avoir abandonné l’opposition ; de nouveau arrêté et exécuté sans procès.

Fils d’un pope, E. A. Préobrajensky fut très croyant jusqu’à l’âge de quatorze ans. Il fit de brillantes études et découvrit jeune la littérature clandestine. Il avait dix-sept ans quand la lecture du Manifeste communiste et d’un livre d’Engels fit de lui un marxiste. Il fonda un cercle social-démocrate lycéen.

Admis au Parti ouvrier social-démocrate russe (POSDR) en février 1904, il s’engagea dans un « travail ouvrier » à Orel puis Briansk, et Presnia. Après la défaite de l’insurrection de 1905, arrêté, il fit, en deux fois, 13 mois de prison. Transféré dans l’Oural, il correspondit avec Kroupskaia et Zinoviev*, connut Lénine à la conférence de Tammerfors en 1908, mais ne put rallier Prague en 1912. Dirigeant dans l’Oural en février 1917, il soutint les « thèses d’avril » de Lénine, fut élu suppléant au comité central (CC). Dans le débat sur Brest-Litovsk, il se classe parmi les communistes degauche. Élu au CC en 1920, il en devint l’un des trois secrétaires, puis passa à la direction de la Pravda. Il venait de publier avec Boukharine l’ABC du Communisme.
Membre du CC, du bureau politique et de la commission centrale de contrôle, il soutint les thèses de Trotsky sur la militarisation des syndicats, tout en s’efforçant de restaurer la démocratie ouvrière. En 1921, il s’en prit au cumul des responsabilités par Staline . Il ne fut pas réélu au CC en 1922. Trotsky l’informa de ses conversations avec Lénine et de leur bloc contre Staline. Il fut l’auteur de la « Lettre des 46 », ouvrit dans la Pravda le débat sur le « Cours nouveau » et fut avec Vratchev le porte-parole de l’Opposition à la 10e conférence en janvier 1924.
La défaite de 1924 le rejeta vers le travail intellectuel. Il était membre de l’Académie communiste. Sa réflexion sur les problèmes économiques l’engagea dans une polémique avec Boukharine. Il fallait avant tout œuvrer pour l’industrialisation, la collectivisation et la planification. Il préconisait pour cela une « accumulation socialiste primitive », l’État prélevant sur le paysan les moyens de cette politique, « thèse féroce », critiquée par Boukharine.

Envoyé à Paris pendant plusieurs mois à la tête de la mission qui négociait sur la question des « emprunts russes », ce qui permettait de l’éloigner, il prit part à la vie politique et soutint l’Opposition de gauche dans les rangs du Parti communiste où se manifestaient de nombreuses oppositions. Dans son travail professionnel sur la négociation relative aux emprunts russes, il recevait l’aide d’un jeune et brillant historien, le normalien Jean Bruhat que l’ambassade russe avait embauché. Rakovsky*, alors ambassadeur à Paris, l’introduisit avec sa compagne Polina Vinogradskaia dans le milieu des intellectuels communistes de Paris. À l’automne 1927, il fut rappelé. Pierre Naville le rencontra à Moscou, familier et chaleureux, dans la petite chambre où il était relégué avec sa compagne. Le 7 novembre, sa chambre fut saccagée par les nervis staliniens. Il avait été l’un des premiers exclus.
Avec l’exil commença une crise. Il était seul : sa femme, enceinte, était restée à Moscou. Il écrivait des lettres où Rakovsky* décelait une tendance à la « capitulation ». Radek le poussait, Trotsky le retenait. En novembre 1928, il participa à la conférence de l’Opposition à Pokrovsk. La lutte de Staline contre les droitiers justifie l’Opposition, disait-il et Staline va devoir avancer. Il fallait selon lui réintégrer le Parti pour n’être pas en dehors au moment décisif.
Le 13 juillet 1929 la Pravda publia la lettre où il capitulait avec Radek et Smilga. Dès 1931, il le regretta et, en 1932, il rejoignit le groupe Smirnov des « trotskystes ex-capitulards ». Arrêté et exclu plusieurs fois, il fit des autocritiques, dont une au congrès de 1934 en grec, ce qui échappa aux spécialistes étrangers. Arrêté le 30 décembre 1936, longuement et férocement torturé, il fut exécuté le 13 juillet 1937.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75961, notice PRÉOBRAJENSKY Evgenii, Alekseiévitch (DBK) par Pierre Broué, version mise en ligne le 18 janvier 2010, dernière modification le 18 janvier 2010.

Par Pierre Broué

ŒUVRE : Azbuka komunizma, avec N. Boukharine, Moscou, 1919 (L’ABC du Communisme). — Anarkhism i komunizm, Moscou 1921. (Anarchisme et Communisme). — Ot Nepa k socializmu, Moscou, 1922 (De la Nep au Socialisme). — Novaia Ekonomika, Moscou, 1926, édition française, La Nouvelle Économie, Paris, EDI, 1966, rééd. 1972.

SOURCES : E.A. Préobrajensky, « Autobiografia » dans Entsyklopeditcheskii slovar’ Granat 41 (dans G. Haupt et J.J. Marie, Les Bolcheviks par eux-mêmes). — M.M. Gorinov et S.V. Tsakunov, « Life and Works of Evgenii Alekseevich Preobrazhenskii », Slavic Review, 50, n° 2, été 1991, p. 286-296.

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