Par René Lemarquis, Claude Pennetier
Né le 11 août 1899 à Orvilliers (Seine-et-Oise, Yvelines), le 16 mars 1993 à Blois (Loir-et-Cher) ; ajusteur mécanicien ; responsable communiste de la Région Paris-Ville et syndicaliste à la Fédération unitaire des Métaux ; permanent à la MOE (Main d’œuvre étrangère) ; dirigeant communiste à Alger en 1944.
Raymond Neveu était le fils d’un cantonnier employé à la mairie d’Athis-Mons et d’une « domestique de campagne » puis ménagère décédée alors qu’il avait neuf ans. Son père se remaria un an et demi plus tard avec une petite commerçante tenant une épicerie-marchand de vin à Civry-la-Forêt.
Neveu commença à travailler à treize ans et demi après deux années d’apprentissage. D’abord réparateur de bicyclettes, armes de chasse puis d’autos, il devint, en 1915, chauffeur privé, puis de voitures de louage pendant quatre mois à Meaux. Avant de partir à l’armée (où il fut caporal) en mars 1918, il vint à Villacoublay comme réparateur de camions chez Bréguet puis à son retour du régiment, continua ce métier à Courbevoie avant d’entrer en usine à la fabrication d’autos et d’avions chez Borel et De Dion Unic. De novembre 1927 à décembre 1928, il travailla aux Établissements militaires de Versailles à la réparation des camions et voitures. Il fut révoqué le 1er janvier 1929 et devint alors permanent du Parti communiste.
Raymond Neveu adhéra au Syndicat unitaire des Métaux à la fin de 1923, alors qu’il travaillait chez Morane à Puteaux. L’année suivante, Albert Leboucq (ex-secrétaire du 15e Rayon) et un camarade hongrois (Gustave, qui sera expulsé) venus travailler dans l’établissement le firent adhérer au PC, fin septembre 1924. Il devint secrétaire de la cellule Morane-Saulnier en 1925 puis du 13 octobre 1925 à décembre 1926, secrétaire du 36e rayon. Aux Établissements militaires de Versailles, de novembre 1927 à décembre 1928, il fut secrétaire de section CGTU en même temps que secrétaire du 39e rayon communiste. Après sa révocation, il fut affecté comme secrétaire permanent au 22e rayon (Villeneuve-Juvisy ) sur décision de la Région parisienne, du 9 janvier au 1er août 1929. Le 24 mars 1929, il se trouvait parmi les 129 délégués arrêtés par la police à l’issue de la conférence du PC de la Région parisienne, salle Reflut à Clichy. Cette même année, il était membre du conseil fédéral des Établissements militaires. Membre du comité régional en 1929-1930, il devint permanent à la section centrale de la MOE le 1er août 1929, désigné par la direction centrale du parti. En février 1930, il fut élu membre de la commission de contrôle régionale à la conférence de la Région parisienne. Membre, en 1932, du comité central de la Fédération des Métaux, il refusa de siéger à son bureau en raison de ses tâches à la MOE.
À la fin de sa biographie du 9 juin 1930 pour la commission des cadres du Parti communiste, établie au nom de Neveu Raymond, il apposa deux signatures, G. Leduc et R. Neveu. Seule subsistera, en 1932, celle du pseudonyme. Dans cette deuxième "bio", à la question sur les liaisons, il indique : « pour les renseignements concernant la compagne voir la biographie d’Henriette Carlier ». Il avait connue cette kominternienne en 1930, à Moscou, à l’occasion du Ve congrès du Profintern. Son nom de naissance était Eva Neumann, née en 1902 en Allemagne. Élève de l’École léniniste internationale de Moscou, elle fut affectée à la commission coloniale à son retour et tint la rubrique coloniale de l’Humanité donnant toute satisfaction à André Marty qui en assurait le contrôle politique.
Neveu-Leduc affirmait « avoir peu de connaissances » n’ayant fait que deux écoles élémentaires au rayon de Versailles. Il déclarait avoir lutté contre le trotskisme et le « groupe » [groupe Barbé-Celor]. En 1926, il avait combattu Victor Godonnèche à Courbevoie, Dionnet à Puteaux et lutté contre la direction du syndicat des métaux qui n’appliquait pas la décision du congrès de constituer des syndicats d’usine. En juin 1930, il était inscrit à la cellule de l’usine O et à la section syndicale de l’usine Renault.
« Leduc-Georges » fut candidat du PC aux élections municipales du 5 mai 1935 dans le XIe arr. de Paris (quartier de La Folie-Méricourt). Il obtint 1 973 voix sur 11 348 inscrits.
Il se confond avec Georges Leduc qui, à la Ve conférence de la Région communiste de Paris-Ville (9-10 janvier 1937), rapporta sur l’organisation et précisa que le nombre de cellules était passé de 203 (avril 1934) à 301 (janvier 1935), à 427 (janvier 1936) et à 1 158 (octobre 1936) ce qui représentait 30 494 adhérents. Il fut élu secrétaire régional et réélu à la VIe conférence, le 28 novembre 1937. Son action consista surtout à s’occuper du recrutement des volontaires pour l’Espagne républicaine. Il était également trésorier de l’ARAC.
Sous le régime de Vichy, Raymond Neveu fut interné le 5 novembre 1942 au camp de Bossuet en Oranie. Libéré fin mars 1943, il entra comme ajusteur mécanicien à la fabrique d’allumettes Caussemille à Alger et accéda à des responsabilités tant à la CGT que dans les bureaux du PCA. Il fut promu au bureau de la Région d’Alger du PCA, ainsi que sa compagne Henriette Carlier, quand André Marty réorganisa la direction communiste en mars-septembre 1944. Il devint secrétaire de la Région communiste. Le couple Neveu aurait repris place en France au sein du PCF après 1949.
Or, en 1950, Henriette Carlier fut mise en procès par la commission des cadres pour "avoir donné des cours de français à des Allemands" et fut exclue. Son nom apparut dans l’instruction de l’affaire Marty*, celui-ci étant accusé par Léon Mauvais d’être resté en relation avec elle et de l’avoir aidée financièrement par l’intermédiaire de sa femme et de l’avoir encouragée à faire une requête auprès de l’ambassade soviétique. André Marty la défendit fermement en rappelant son rôle à l’Humanité avant guerre et disant que le PCF l’avait pressentie pour le secrétariat de la Liberté d’Alger. Il lui gardait une grande estime et ne croyait rien des accusations de "collaboration" portées contre elle ; c’est pourquoi il l’avait aidée financièrement sur ses revenus de parlementaire dans un moment de grande détresse et lui avait suggéré d’être attentive aux évolutions de l’Union soviétique et de se manifester le moment venu auprès de l’Ambassade. Il semble qu’elle était alors séparée de Raymond Neveu. Celui-ci se maria en 1961 à Marseille (Bouches-du-Rhône).
On ne sait rien de la vie de Neveu entre 1950 et sa mort en 1993. Nous pouvons juste supposer que les ennuis de sa compagne avaient contribué à son éloignement des responsabilités.
Par René Lemarquis, Claude Pennetier
SOURCES : Arch. Nat. F7/13 119. — Arch. PPo 89. — RGASPI 495.270.674 (autobiographies des 9 juin 1930 et 4 janvier 1932).— Arch. Dép. Seine-Saint-Denis, arch. du PCF. — L’Humanité, 6 mai 1935. — Comptes rendus des Ve et VIe conférences de la Région Paris-Ville, janvier et novembre 1937. — J. Delperrie de Bayac, Les Brigades internationales, op. cit., p. 79. — Dépouillement de la presse communiste d’Algérie par Abderrahim Taleb-Bendiab. — E. Sivan, Communisme et nationalisme en Algérie. 1920-1962, FNSP, Paris, 1976. — État civil.