BRUNEAU Élie, Jean

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 28 janvier 1905 à Château-du-Loir (Sarthe), mort le 3 mai 1971 à Paris XIIe arr. ; ouvrier teinturier ; secrétaire de la Fédération CGTU du Textile ; maire communiste de Colombes (Seine) de 1935 à 1939.

Élie Bruneau était les frères des militants communistes Georges Bruneau et Marguerite Martin. Ouvrier teinturier et militant des Jeunesses communistes depuis 1921, Élie Bruneau fut élu membre suppléant de la commission exécutive de la Fédération CGTU. Textile-Vêtement le 6 décembre 1924 (voir Richetta*). Le compte rendu du IIIe congrès tenu à Paris le 28-30 novembre 1926 signalait sa participation à ses travaux. Il fut secrétaire fédéral avant mai 1935. Bruneau s’embarqua le 25 janvier 1934 à Marseille (Bouches-du-Rhône) à bord du bateau André Liebon, pour se rendre en Indochine enquêter sur l’exploitation dont était victime la population et, sur la répression contre les militants communistes. La délégation organisée par le Secours rouge international comprenait également : Gabriel Péri et Jean Barthel (Chaintron). Bruneau exerça les fonctions de conseiller prud’homme de la Seine de 1936 à 1938.

Domicilié depuis plusieurs années à Colombes (Seine), il dirigea la liste communiste locale aux élections municipales du 5 mai 1935. Les communistes devancèrent les socialistes au premier tour et formèrent au second tour une liste d’union. Le nouveau conseil comprenait quatorze (ou seize selon les sources) communistes (Gaston Barbarou, Pierre Boussuge, Élie Bruneau, Félix Chrétien, Jean Chivalié, Jean Conrad, Émile Deshuis, Lucien Droesch, Pierre Lemarchand, René Letellier, Pierre Ménard, Henri Neveu, Joseph Quillière, Pol Valet), neuf (ou sept) socialistes SFIO (André Boucher, Émile Boyer, Damien Cabanel, Lucien Charlier, Francisque Girard, Charles Lucas, Louis Marchand, Henri Savarit, Jules Villette) puis des représentants du Parti radical Camille Pelletan, du Parti radical valoisien et de la Ligue des anciens combattants pacifistes. L’assemblée municipale élut Élie Bruneau à la première magistrature municipale. Très rapidement des conflits surgirent au sein du conseil entre la majorité communiste et les membres des autres courants politiques. La Tribune populaire journal de la section socialiste SFIO critiquait de plus en plus durement la gestion municipale. En 1937, une enquête de l’Inspection des services communaux releva des fautes administratives qui permirent à la préfecture de la Seine de demander, sans succès, au ministère de l’Intérieur la révocation du maire. Élie Bruneau déclara le 11 mars 1938, en pleine séance du conseil municipal :

« 1) qu’il reconnaissait le bien fondé des critiques faites par le Parti socialiste, de la gestion municipale.

2) qu’il accusait le Parti communiste de l’avoir contraint à pratiquer une politique intransigeante qu’il n’approuvait pas.

3) qu’il reconnaissait que le Parti communiste s’était opposé à une collaboration effective des autres groupes, et plus particulièrement du groupe socialiste.

4) qu’il faisait appel à toutes les bonnes volontés pour redresser la situation et réaliser une véritable gestion de Front populaire telle que l’a voulue la population.

5) qu’il démissionnait du Parti communiste en demandant qu’une entente loyale s’établisse entre tous les élus respectueux de leurs engagements pour la réalisation du programme souscrit devant le corps électoral ». (La Tribune populaire, 18 mars 1938).

La rupture de Bruneau — qui fut longtemps un ami de Jacques Duclos — avait peut-être d’autres causes personnelles et politiques. Dans une lettre à la préfecture, il affirma que les communistes étaient de fait écartés de la gestion municipale depuis le 1er janvier 1938. Mais, ils conservaient leurs délégations, aussi après la mobilisation du maire en août 1939, le premier adjoint, le communiste Jean Chivalié assura-t-il l’intérim. Un arrêté préfectoral du 28 septembre 1939 suspendit la municipalité et nomma une délégation spéciale dirigée par le 3e adjoint socialiste SFIO Émile Boyer. Selon un rapport préfectoral du début de l’année 1940 ; « Cette mesure était d’autant plus indispensable que si la procédure de révocation dont M. Bruneau avait été l’objet, en 1937, n’a pas été suivie d’effet, par suite des circonstances politiques, la gravité des charges relevées contre lui n’en demeure pas moins et aurait été de nature à maintenir dans la commune de Colombes une situation très tendue depuis plusieurs années déjà et qui s’aggravait du fait que M. Bruneau, quoique mobilisé, émettait la prétention de continuer à s’ingérer dans la direction de la mairie » (Arch. Dép. Seine, Versement 10441/64/2 n° 20).
Il était marié et père de deux enfants.

Malgré sa démission du Parti communiste, Bruneau fut désigné en 1940 pour être interné dans un camp d’Afrique du Nord. Une maladie en cours de voyage puis une hospitalisation à Marseille pour subir une opération laissèrent le temps aux autorités de comprendre leur méprise. Peut-être fit-il appel à l’intervention d’anciens dirigeants communistes ralliés au gouvernement de Vichy comme Marcel Gitton et Marcel Capron fondateurs du Parti ouvrier et paysan français. La deuxième « lettre ouverte » aux ouvriers communistes, publiée par ce parti vers mai-juin 1942, signalait Bruneau comme membre du Comité central du Parti ouvrier et paysan français. Il quitta Colombes au cours de la guerre pour se rendre avec sa famille en Côte-d’Or où, plus tard, il fonda un atelier de teinturerie. Selon les témoignages, « il se considéra jusqu’à la fin de sa vie comme communiste en désaccord avec le PCF ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75989, notice BRUNEAU Élie, Jean par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 20 janvier 2010, dernière modification le 30 juillet 2018.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

ŒUVRE : Membre du comité de rédaction de La Voix populaire, organe communiste de Colombes, Bois-Colombes, Courbevoie, La Garenne-Colombes ; n° 1, 6 mars 1936.

SOURCES : Arch. Dép. Seine, DM3 et Versement 10441/64/2 n° 20. — Agendas de la Bourse du Travail de Paris. — Comptes rendus des congrès de la Fédération CGTU du Textile. — Politique-Hebdo, 8 octobre 1970. — Souvenirs d’anciens militants recueillis par L. Bonnel.

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