Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason
Né le 8 décembre 1910 à Dobre (Pologne), fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ouvrier cordonnier ; volontaire en Espagne républicaine ; militant de la sous-section juive du Parti communiste ; résistant FTP-MOI, un des condamnés du procès dit de l’Affiche rouge.
Né dans une famille pauvre, Szlama Grzywacz fut obligé, très jeune, de gagner sa vie et il travailla avec son père dans la cordonnerie. En 1925, il donna son adhésion aux Jeunesses communistes et devint rapidement un militant en vue. Son père, Juif religieux, ne s’opposa jamais à l’activité de son fils en dépit des conditions politiques imposées par Pilsudski. À leur domicile avaient lieu des réunions illégales et, en 1931, Szlama Grzywacz fut arrêté. Il subit les interrogatoires de la police politique polonaise et fut condamné à cinq ans de prison. Il étudia, discuta avec ses camarades internés et sortit de prison plus conscient, mais sa santé était altérée. Dès sa libération, il reprit sa place dans le combat. Recherché par la police, il se rendit alors en France après accord avec la direction du mouvement.
Il entra en France le 15 mai 1937 en passant par la Suisse, et fut appréhendé le 28 juin 1937 boulevard de la Villette à Paris. Sans passeport, il fit l’objet d’une mesure de refoulement. Il logea chez les Krasucki, originaires de Wolomin, puis jusqu’au 30 novembre au 11 rue des Maronites (XXe arr.). Il s’engagea alors dans les Brigades internationales et, jusqu’au début 1939, il lutta sur divers fronts.
Interné à Gurs et Argelès, il réussit à s’évader en 1940 et regagna Paris. Domicilié 11 rue de l’Équerre dans le XIXe arrondissement, il anima les syndicats clandestins dans la fourrure. À partir de la fin juin 1941, les ateliers de fourrure étaient très sollicités par les Allemands. Szlama Grzywacz fut l’un des organisateurs des actions visant à empêcher la production de vêtements fourrés pour l’armée allemande. La main-d’œuvre des ateliers était pour l’essentiel juive, et les Juifs furent durement touchés par la promulgation du premier statut des Juifs le 3 octobre 1940, puis du second le 2 juin 1941 qui leur interdisait d’exercer de très nombreuses professions. De fait la population juive était réduite à la misère, à des petits trafics pour tenter de survivre. De septembre à décembre 1941 les militants communistes furent à l’initiative de la réduction de la production dans la ganterie. En 1942, l’organisation passa à des actions punitives. Des militants de la sous-section juive menèrent des opérations de sabotage des machines à coudre, des artisans juifs furent physiquement menacés.
Szlama Grzywacz entra au 2e détachement FTP-MOI en août 1942 (matricule 10157). Il lança une grenade dans la cave de l’immeuble occupé par le Parizer Zeitung puis jeta une bombe incendiaire sur un camion de soldats allemands. Il avait pour pseudonyme Charles et comme fausse identité Jean Jagodacz. Muté au détachement des dérailleurs, il fut arrêté le 29 novembre 1943 par des inspecteurs de la BS2.
Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales, il fut battu, torturé, puis livré aux Allemands et incarcéré à Fresnes. Il était l’un des vingt-quatre accusés qui comparurent le 18 février 1944 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). La presse collaborationniste dont Le Matin s’en fit l’écho : « Le tribunal militaire allemand juge 24 terroristes ayant commis 37 attentats et 14 déraillements. Un Arménien, Missak Manouchian, dirigeait cette tourbe internationale qui assassinait et détruisait pour 2 300 francs par mois. »
Szlama Grzywacz fut passé par les armes le 21 février 1944 à 15 h 56 au Mont-Valérien avec les vingt-deux autres condamnés à mort. Son inhumation eut lieu dans le carré des corps restitués aux familles dans le cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine. Son nom et sa photographie figuraient sur l’Affiche rouge placardée par les nazis sur les murs des grandes villes : « Grzywacz, Juif polonais, 2 attentats. »
Le nom de Szlama Grzywacz figure sur une stèle sur les plaques commémoratives dédiées au groupe Manouchian au 19 rue au Maire à Paris (IIIe arr.), à Marseille, près de la gare d’Évry-Petit-Bourg (Essonne) où furent arrêtés Missak Manouchian et Joseph Epstein (colonel Gilles) et au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).
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Sa dernière lettre était adressée à sa compagne Janine (Iminko).Chère Janine,Aujourd’hui à 15 heures, je vais être fusillé. J’ai conservé mon sang-froid jusqu’à la dernière minute comme cela convient à un ouvrier juif.Je meurs, mais tu ne m’oublieras jamais.Si quelqu’un de ma famille est en vie et si tu en as l’occasion, raconte-leur tout de moi.Je meurs mais toi tu vis. Je t’envoie mes meilleurs vœux. Je te dis adieu ainsi qu’à tous les amis.Du courage, du courage et encore du courage. De meilleurs lendemains ne sont pas loin.Je t’embrasse mille fois. J’embrasse tous mes amis.Ton aiméSzlama Grzywacz.
Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason
SOURCES : Arch. PPo., 77W 2122. – DAVCC, Caen, Boîte 5, Liste S 1744-098/44. – Le Matin, 19 et 20 février 1944, 21 février 1944, 22 février 1944. – Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Éd. Denoël, 1986. – Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989. – Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger, les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1994. – Dominique Rémy, Les lois de Vichy, Romillat, 1992. – David Diamant, Les Juifs dans la résistance française 1940-1944, Le Pavillon, Roger Maria éditeur, 1971. – Gaston Laroche (Boris Matline), On les nommait des étrangers, EFR, 1965. – Pages de gloire du 23 (iconographie). – Site Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. – Notes Claude Pennetier.