SADOUL Jacques, Numa (version DBK)

Par Michel Dreyfus

Né et mort à Paris : 22 mai 1881-18 novembre 1956 ; avocat ; membre du Parti socialiste, du Groupe communiste français de Moscou (1918-1920), du Parti communiste (1920-1956).

Après des études de droit et un voyage aux Etats-Unis qui, semble-t-il fut déterminant dans la formation de ses convictions politiques, Jacques Sadoul devint avocat à partir de 1904 et commença à militer à la SFIO. Il se maria à Yvonne Mezzara le 7 décembre 1907 à Tournedos (Eure).
Mobilisé en 1914, il appartint ensuite au cabinetdu secrétaire d’État à l’Artillerie, Albert Thomas qui le détacha à partir de l’été 1917 en Russie auprès de la Mission militaire française comme observateur. Arrivé à Pétrograd le 1er octobre 1917, J. Sadoul assista un mois plus tard aux débuts de la Révolution bolchevique. Il fit la connaissance de Lénine et de Trotsky ; d’abord peu favorable aux bolcheviks, il fut peu à peu convaincu de la possibilité de leur succès. Jusqu’à la conclusion du Traité de Brest-Litowsk (mars 1918), il fut un intermédiaire officieux entre les Alliés et gouvernement bolchevique, notamment en février lorsqu’il offrit à ce dernier l’appui des Alliés contre les Allemands.

Ayant décidé de rester en Russie, il continua de se rapprocher du bolchevisme. Avec Pierre Pascal*, Robert Petit* et Marcel Body, il adhéra, fin août 1918, au Groupe communiste français de Moscou qui faisait partie de la Fédération des groupes communistes étrangers ; il y joua bientôt un rôle prépondérant. Les relations diplomatiques étant rompues entre les gouvernements russe et français, le Groupe devint l’organe de liaison entre les autorités soviétiques et les citoyens français demeurés en Russie. J. Sadoul intervint en faveur d’officiers français de la Mission militaire arrêtés et menacés de condamnations. Il collabora avec Khristian Rakovsky* au bureau du Sud de l’Internationale communiste, créé en Ukraine, tête de pont vers l’Europe en effervescence que les bolcheviks espéraient bientôt gagner à la Révolution.

J. Sadoul assista au 1er congrès de l’Internationale communiste (mars 1919). Lors de la venue en Russie de Marcel Cachin et L.-O. Frossard, il leur servit d’intermédiaire avec les dirigeants soviétiques. Il participa à la séance du Comité exécutif de l’Internationale communiste qui décida de les admettre, à titre consultatif, à son IIe congrès puis, du 2 au 13 juillet 1920, il accompagna les deux français durant leur voyage sur la Volga. Il leur demanda d’obtenir de Lénine ou de Zinoviev* sa désignation comme agent de liaison entre la IIIe Internationale et le Parti français mais il ne put se faire désigner comme représentant du Parti français au Comité exécutif. Le 27 juillet 1920, il assista à l’entrevue au cours de laquelle Zinoviev* et L.-O. Frossard discutèrent des conditions d’admission du Parti français dans l’Internationale.

Les prises de position et les écrits de J. Sadoul en faveur de la Révolution bolchevique le firent inculper de désertion à l’étranger en temps de guerre et d’intelligence avec l’ennemi. Il fut condamné à mort le 8 novembre 1919 puis radié du barreau de Paris.
Entre le 1er et le IIe congrès de l’IC, J. Sadoul assista à plusieurs réunions de son Comité exécutif. En 1921, il fut envoyé clandestinement comme chargé de mission à Berlin où il travailla au service de la représentation soviétique durant près de deux ans ; en février 1922, il fit un voyage clandestin en Italie pour préparer la conférence de Gênes au bénéfice de la délégation soviétique.

Revenu en France en décembre 1924, il fut arrêté, à nouveau jugé puis acquitté, de justesse en avril 1925 ; il put alors se réinscrire au barreau. Ayant adhéré au Parti communiste, J. Sadoul aurait été affecté de ne pas se voir proposer par ce dernier des responsabilités à la mesure du rôle qu’il estimait avoir joué depuis 1917. Tout en utilisant son prestige et son éloquence, les dirigeants du PC ne lui laissèrent en effet aucune chance d’accéder à un mandat parlementaire.
Resté proche des services diplomatiques soviétiques, J. Sadoul aurait exercé en 1926 les fonctions rémunérées de chef du service juridique à la délégation commerciale de l’URSS. À la demande du gouvernement soviétique, il devint correspondant pour la France des Izvestia en septembre 1932 ; en 1935, il participa officieusement et efficacement à l’élaboration de l’accord commercial et du traité d’assistance mutuelle franco-soviétique. Le 22 février 1936, il aurait envoyé une lettre au comité central du PCUS et à l’IC dans laquelle il se plaignait que le PC français ne le présente pas à la députation. Ensuite, il relaya dans la presse française la campagne menée par les Soviétiques contre Victor Serge.

J. Sadoul collabora aux Izvestia jusqu’au 17 août 1939, date à laquelle la direction de ce journal lui télégraphia de cesser immédiatement toute collaboration : il en conclut que le gouvernement soviétique avait décidé de rompre les négociations avec l’Angleterre et la France. Jugeant que le Pacte germano-soviétique était provisoire, il estima que les communistes devaient continuer de combattre l’hitlérisme et se ranger derrière le gouvernement français. Très critique devant l’orientation du PC, il se prononça jusqu’en décembre 1939 en faveur de négociations avec Moscou pour combattre l’hitlérisme et le fit savoir à A. de Monzie ainsi qu’à des responsables politiques socialistes, radicaux ou ayant rompu avec le PC ; en octobre 1939, il prôna l’envoi à Moscou de Pierre Laval pour qu’il agisse en faveur d’un accord franco-soviétique. Sans ressources depuis la fin de sa collaboration aux Izvestia, il aurait même, selon Jean-Marie Clamamus, demandé une aide financière à Laval qu’il connaissait de longue date.

En juin 1941, J. Sadoul fut arrêté puis libéré le 1er décembre 1941, grâce sans doute aux interventions d’A. de Monzie et de Paul Marion. Il eut ensuite des contacts avec la résistance communiste. Après la guerre, il ne joua plus qu’un rôle secondaire, l’ambassade soviétique ayant reçu, selon C. Tillon*, ordre de l’ignorer. Victor Serge* qui l’avait connu aux débuts de l’Internationale communiste en a fait un portrait sévère : « Grand charmeur, sybarite, ambitieux avec détachement », il avait « suivi la destinée du stalinisme, sans avoir au fond la moindre illusion. Le pain des opposants ne le tentait pas. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76038, notice SADOUL Jacques, Numa (version DBK) par Michel Dreyfus, version mise en ligne le 25 janvier 2010, dernière modification le 25 janvier 2010.

Par Michel Dreyfus

SOURCES : P. Ville, Les Groupes communistes français…, op. cit. — Notice par N. Racine, DBMOF. — V. Serge, Mémoires d’un révolutionnaire, Paris, Seuil, 1951. — A. Vaksberg, Hôtel Lux…, op. cit.

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