SMERAL Bohumir

Par Michel Dreyfus

Né en 1880, mort en 1941 ; avocat ; un des fondateurs du Parti communiste tchèque et son principal dirigeant jusqu’en 1925 ; membre du Comité exécutif de l’IC et du Présidium de l’IC (1922-1931) ; chargé de diverses missions pour l’IC.

Député socialiste au Reichsrat autrichien de 1911 à 1918, vice-président du Parti social-démocrate tchèque, rédacteur ou directeur de plusieurs journaux socialistes parmi lesquels le Pravo Lidu (Justice du peuple), Bohumil Smeral défendit des positions social-patriotes durant la Première Guerre mondiale. Alfred Rosmer* qui séjourna quelques jours à Prague en mai 1920 le décrit à cette date comme un « opportuniste avéré ».

Smeral était alors un des dirigeants de la Gauche marxiste tchèque qui était alors majoritaire au sein du Parti social-démocrate. En raison de la large audience de masse dont il jouissait, le Komintern, tout particulièrement Lénine , firent preuve d’une grande souplesse à son égard. Il fallut attendre le 14e congrès du Parti social-démocrate de Tchécoslovaquie (mai, 1921) pour que ce dernier se transforme en Parti communiste. Lors d’une rencontre avec Lénine le 5 mai 1920, Smeral avait insisté sur la nécessité de ne pas provoquer de scission prématurée puis en septembre 1920, lors d’un congrès du Parti social-démocrate, tout en se déclarant communiste, il avait mis l’accent sur la nécessité d’une tactique spécifique et d’une marge d’autonomie au sein de l’IC. La question tchécoslovaque fut évoquée lors du IIIe congrès de l’IC (juillet 1921), mais en raison du caractère du jeune PCT (Parti communiste tchécoslovaque), Smeral était en position de force. Il fallut attendre octobre 1921 pour que s’achève le processus de fusion de tous les communistes de Tchécoslovaquie en une seule organisation. Au début des années 1920, Smeral apparaissait ainsi comme un précurseur des « voies spécifiques » au socialisme.

Smeral fut un des représentants de l’IC lors de la conférence des trois Internationales tenue à Berlin le 2 avril 1922. Le 13 juin 1922, il fut élu au Comité exécutif de l’IC puis à nouveau élu à cette instance après le IVe congrès mondial, il y siégea jusqu’à sa réélection lors du VIe congrès mondial (1928). Le 6 décembre 1922, il fut élu au Présidium de l’IC comme membre adjoint, réélu à cette instance comme membre de plein droit les 8 juillet 1924 et 17 mars 1926, date à laquelle il entra au secrétariat du comité exécutif de l’Internationale communiste, ainsi qu’à son bureau d’organisation. Réélu au Présidium lors du 7e plénum de l’IC en décembre 1926, il y fut renouvelé jusqu’au 9e (25 mars-13 avril 1931), puis à partir de cette date, « à titre personnel », et ce jusqu’au VIIe congrès mondial. Le 28 février 1928, il était entré au Secrétariat politique de l’IC. En 1935, il fut élu ou réélu à la Commission internationale de contrôle.

À la direction du PCT, Smeral avait été le représentant d’une droite de plus en plus rétive à la bolchevisation. Il ne partageait pas l’attitude hostile du Komintern envers la Tchécoslovaquie considérée comme un simple produit du Traité de Versailles, prenait en compte sa réalité en tant qu’État et voulait contribuer à sa démocratisation. De plus, ayant exprimé des réserves devant la violence de la campagne contre Trotsky lors de la conférence nationale de Brno (mai 1924), il fut l’objet de critiques par Zinoviev* lors du Ve congrès de l’IC tenu six semaines plus tard. Toutefois, en raison de la forte influence dont jouissait Smeral au sein du PCT, il fut maintenu. En revanche, lors du 2e congrès du PCT (septembre 1925), où il apparut à nouveau comme le porte-parole de la « droite » du Parti, Smeral ne fut pas réélu à sa direction. Désormais, il ne devait plus y jouer qu’un rôle secondaire même s’il fit une brève apparition au 4e congrès du PCT en mars 1927. Il semble avoir subi en 1929 une réprimande en raison de ses positions « de conciliateur et de droitier ».

Après son éviction de la direction du PCT, il travailla durant la plus grande partie de l’année 1926au secrétariat de l’IC. À partir de 1926 ou de 1928, il fut également affecté au Secrétariat latin, on ne sait jusqu’à quelle date. Puis il devint une sorte « d’ambassadeur itinérant » du Komintern (A. Kriegel, S. Courtois, op. cit.) pour qui il exécuta de nombreuses missions. Il appartint également à la « Petite commission » qui, sous l’autorité de J. Humbert-Droz* et avec Piatnitsky*, avait été constituée fin 1924 ou début 1925 afin de répartir les subventions de l’IC à ses diverses sections. Selon J. Humbert-Droz*, cette commission disposait « de fonds considérables ». Smeral appartint également à la Commission syndicale du CE de l’IC créée en avril 1926. Le 25 octobre 1926, avec 30 autres dirigeants (Treint*, Togliatti*, Roy, Kuusinen, etc), Smeral signa une déclaration demandant la destitution de Zinoviev* de la direction de l’IC. En mars 1927, il fut envoyé en mission par le Komintern en Orient où il aurait joué « un rôle important dans la défaite des éléments opportunistes au sein du Parti populaire révolutionnaire de Mongolie », selon l’article qui lui fut consacré par L’Encyclopédie tchécoslovaque, cité par J. Rupnik. Avec J. Humbert-Droz*, il représenta l’IC lors du 6e congrès du Parti communiste chinois tenu l’été 1928, peu avant le VIe congrès mondial de l’IC, dans un établissement de la GPU à proximité de Moscou. En août 1929, il fut envoyé par l’Exécutif de l’IC en mission en Palestine lorsqu’éclatèrent le 22 août des émeutes arabes antijuives. On le retrouve en 1934 en Mongolie extérieure.

La signature du Traité soviéto-tchécoslovaque en mai 1935 provoqua un tournant du PCT en faveur de la défense de la République tchécoslovaque. Cette réintégration du PCT dans la vie politique nationale qui correspondait à l’orientation générale défendue par Smeral explique son bref retour dans la vie politique de son pays : il fut élu sénateur en 1935 et membre du comité central du PCT en 1936.
Il n’en poursuivit pas moins ses missions à l’étranger. En tant que membre du Comité mondial de lutte pour la paix et contre le fascisme, il arriva à Paris en novembre ou début décembre 1936 pour remplacer W. Mûnzenberg* tombé en disgrâce, à la tête de la fraction communiste intervenant dans les organisations de masse antifascistes. Les 20 et 21 décembre 1936, Smeral intervint à la place de Münzenberg à l’assemblée générale du Rassemblement universel pour la paix (RUP). Les 9 et 10 janvier 1937, Smeral eut une conversation détaillée avec Duclos* et Thorez*. Dans un rapport envoyé le 13 janvier 1937, il donna la composition de la « fraction permanente » telle qu’il l’envisageait et qui devait intervenir dans des organisations de masse telles que le Comité mondial contre la guerre et le fascisme, Rassemblement universel pour la paix, etc. Pendant plus d’un an, il envoya à Moscou de nombreux rapports sur son activité où, curieusement, il ne semble pas avoir mentionné le rôle de Fried* qu’il connaissait depuis le début des années 1920. Chercha-t-il à se soustraire de sa tutelle ou Fried* était-il trop occupé par ailleurs ? En 1937, Smeral fit un bref voyage en Suisse pour rebâtir dans ce pays un comité du Rassemblement universel pour la paix mais cette mission se solda par un échec. Puis il resta en France jusqu’en janvier 1938.
À partir de cette date, il vécut en tant qu’émigrant en Union soviétique. Il semble que dans les années 1937-1938, des dossiers aient été préparés contre lui dans la perspective d’un éventuel procès qui, en définitive, n’eut pas lieu.

Il aurait épousé, semble-t-il, une fille bâtarde de Staline .

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76048, notice SMERAL Bohumir par Michel Dreyfus, version mise en ligne le 26 janvier 2010, dernière modification le 26 janvier 2010.

Par Michel Dreyfus

SOURCES : Les Archives J.H. Droz, tome 2, op.cit. — J.H. Droz, De Lénine à Staline. Dix ans au service de l’Internationationale communiste, 1921-1931, Neuchatel, La Baconnière, 1971. — J. Rupnik, Histoire du Parti communiste tchécoslovaque. Desorigines à la prise du pouvoir, Paris, Presses de la FNSP, 1981, 288 p. — B. Studer, Un parti sous influence…, op. cit. — P. Huber, Les organes dirigeants du Komintern…, op. cit. — A. Kriegel, S. Courtois, Eugen Fried…, op. cit. — P. Broué, Histoire de l’Internationale communiste…, op. cit. — A. Vaksberg, Hôtel Lux…, op. cit. — Notes de M. Pantéleiev.

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