Par Michel Dreyfus
Né le 26 juillet 1886 à Paris, mort le 28 mai 1926 à Moscou (URSS) ; ouvrier menuisier puis ouvrier de l’aviation ; membre de la commission administrative de la CGT ; membre du comité directeur (1921-1924) puis du bureau politique (1924) du Parti communiste ; présent à plusieurs congrès de l’IC et de l’Internationale syndicale rouge, délégué de la CGTU auprès de l’ISR (1925-1926).
Ancien coureur cycliste, ébéniste, Joseph Tommasi, entré au Parti socialiste en 1909, se syndiqua la même année. Hostile à l’Union sacrée, il dénonça, lors du 19 congrès de la CGT (Paris, 1918), la ligne suivie par la majorité depuis quatre ans. Entré à la commission administrative de la CGT en 1919, il se prononça contre le rapport moral lors de son 20e congrès (Lyon, septembre 1919) puis participa à la création du comité provisoire des syndicats minoritaires de la CGT dont P. Monatte était secrétaire. Il était alors secrétaire adjoint de l’Union syndicale de la Voiture-Aviation.
Élu secrétaire de l’Union des syndicats de la Seine aux côtés de G. Monmousseau* et E. Dudilieux* en décembre 1920, il participa au congrès de Tours et rallia le Parti communiste.
Délégué au congrès constitutif de l’ISR en juillet 1921, il signa la résolution finale prônant l’établissement d’un lien organique entre cette dernière et l’IC. Quelques jours plus tôt, le 22 juin, il avait prononcé un discours lors de la séance d’ouverture du IIIe congrès de l’IC. À son retour, il dut démissionner du secrétariat de l’Union des syndicats de la Seine, sous la pression des CSR (comités syndicalistes révolutionnaires) qui lui reprochaient sa position lors de la constitution de l’ISR. Tout en récusant l’idée de subordination des syndicats au Parti, Tommasi qui avait pris alors un travail de linotypiste, se rangea désormais parmi les syndicalistes-communistes, groupés autour de Monatte, Monmousseau* et Rosmer*, dont l’organe était La Vie ouvrière.
Lors du 1er congrès du PC (Marseille, décembre 1921), il fut élu au comité directeur et, dans la crise engendrée par la non-élection de Souvarine*, tenta de tenir une position intermédiaire. Devenu rédacteur de la page syndicale de l’Humanité, avec A. Rosmer*, G. Tourette et V. Godonnèche, il eut en 1922 la responsabilité du bulletin bimensuel de l’ISR, La Lutte de classes. En mars 1922, il fut délégué au congrès de Rome du Parti communiste italien puis chargé de préparer le congrès de la CGTUà Saint-Étienne (25 juin-1er juillet).
Au congrès de Paris du PC (octobre 1922), Tommasi, qui se rangeait alors dans la Gauche, annonça que cette dernière s’abstiendrait dans tous les votes et lança un appel à l’Internationale communiste. Il démissionna de son poste de rédacteur à l’Humanité et signa divers textes de la Gauche. Il participa aux Cahiers communistes lancés par Souvarine* en riposte à la prise de contrôle du Bulletin communiste par le Centre qui en avait confié la direction à Paul Louis. Comme les autres leaders de la gauche, il approuva les résolutions du IVe congrès de l’IC imposant un rééquilibrage entre tendances au sein du comité directeur.
Au conseil national tenu à Boulogne (21 janvier 1923), il remplaça Treint*, emprisonné, au secrétariat général, avec les mêmes droits que Sellier*. Membre du BP, il fut désigné par J. Humbert-Droz*, lors du conflit entre Treint* et les rédacteurs de l’Humanité, pour assister aux réunions quotidiennes de la rédaction. Délégué de la Fédération de la Voiture-Aviation au IIe congrès de la CGTU (Bourges, 12-17 novembre 1923), il ne fut élu à aucun poste de direction de la Confédération mais, par son rôle et ses fonctions au sein du PC, il symbolisait la fusion des traditions du syndicalisme français avec le mouvement communiste et l’arrivée des éléments ouvriers dans le mouvement révolutionnaire.
Au 3e congrès du PC (Lyon, janvier 1924), il fut réélu au comité directeur, entra au bureau politique et devint membre du bureau d’organisation puis secrétaire de la commission syndicale. En mars 1924, le BP proposa de le désigner comme délégué auprès de l’IC en remplacement de Souvarine* mais le comité directeur refusa. Dans le conflit né entre Souvarine* et la direction du PC, relatif aux orientations du Parti russe, Tommasi se rangea, non sans hésitations, aux côtés de la direction. Il était également membre du comité central du Secours ouvrier international.
Le 12 juin 1924, avec Marrane et Treint*, il assista à la réunion de l’Exécutif élargi de l’IC et approuva la résolution excluant Souvarine*. Cependant, son manque d’enthousiasme lui fit perdre sa place au bureau politique remanié après le Ve congrès de l’IC. En août 1924, lors d’une réunion de la Fédération de la Seine, au cours de laquelle les opposants du Parti (M. Chambelland,
R. Ranc) intervinrent, Tommasi préféra quitter la salle. En octobre 1924, il aurait trouvé un emploi au Cinéma du peuple. Fin novembre 1924, il assista à la réunion de la Fédération de la Seine qui décida d’exclure Chambelland, Monatte et Rosmer*.
Parallèlement à ses activités politiques et syndicales, Tommasi avait mis sur pied dès 1921, à la demande de Minev (Stepanov*), un réseau de correspondants dans les usines d’aviation qui aurait fourni aux Soviétiques des « informations de première main ». Il aurait été recruté par Stepanov*. Repéré par les services du contre-espionnage du ministère de la Guerre, Tommasi dut s’enfuir fin 1924, échappant de peu à l’arrestation à son domicile, rue de Chaligny (Paris, XIIe arr.).
Installé à l’hôtel « Lux » à Moscou, il fut délégué de la CGTU auprès de l’ISR. En janvier 1925, il demeurait en relations épistolaires avec Herclet* et Monmousseau*, signant ses lettres à ce dernier « Alexandre ». Lecteur du Bulletin communiste de Souvarine*, il devint un sympathisant déclaré de l’Opposition à la direction du PC français. En février 1926, lorsque Victor Engler vint à Moscou comme seul représentant des opposants, Tommasi participa avec lui et Lucien Laurat* à l’élaboration des déclarations que fit Engler au plénum de l’IC.
Tommasi mourut prématurément. Il était compagnon d’Hélèna Bronstein, proche parente de Léon Trotsky et ce fut ce dernier qui prononça son éloge lors de ses funérailles.
Par Michel Dreyfus
SOURCES : RGASPI 495 270 5175 : questionnaire du 18 novembre 1925. — Notice par J.L. Panné, DBMOF, t. 42. — P. Broué, Histoire de l’Internationale…, op. cit.