URBANY Dominique. Pseudonymes : MARTIN (1929-1934), MULLER (1935), PROSPER (1941-1944)

Par Henri Wehenkel

Né le 29 mars 1903 à Kopstal (Luxembourg), mort le 21 octobre 1986 ; instituteur ; secrétaire général du Parti communiste luxembourgeois (PCL), délégué au VIIe congrès de l’IC.

Dominique Urbany
Dominique Urbany

Fils d’un ouvrier mineur, Urbany fut instituteur jusqu’à sa destitution en 1934. En 1923 il épousa Claire Feltgen qui était en dernière année de l’École normale. Son fils René (1927-1990) lui succéda en 1976 à la tête du Parti.

Membre de la Jeunesse socialiste, Dominique Urbany participa en tant que délégué-remplaçant au congrès du Parti socialiste qui se tint à Differdange le 1er et 2 janvier 1921 et il quitta la salle avec la minorité communiste pour fonder le PCL. Nommé instituteur dans un village du Nord du pays, il fonda avec le socialiste Hubert Clement le Syndicat des instituteurs, membre de l’Internationale des travailleurs de l’enseignement (ITE). Georges Cogniot qui fit la connaissance d’Urbany dans la commission internationale des jeunes de l’ITE le décrit dans ses Mémoires comme « modeste, plein d’humour, homme de bon conseil et de sens droit, un des vaillants qu’aucune difficulté n’a jamais rebuté ».
En 1928, Urbany fut nommé instituteur dans la ville minière de Rumelange. Selon son autobiographie du 23 août 35 il n’était plus membre du PCL depuis 1923 et il avait adhéré au Parti ouvrier en 1928 « dans le but de créer une aile gauche en vue de l’adhésion au PCL ». Il fut secrétaire de la section locale socialiste jusqu’à son exclusion en décembre 1929. Depuis août 1929, il avait rejoint le PCL refondé sur décision de l’IC. Au début de 1930 il fut coopté dans la nouvelle direction.

Les délégués du Komintern envoyés sur place furent au début assez critiques à son égard. Dans son rapport du 12 août 31 « Richard » le jugeait « très dévoué envers le Parti et très lié aux ouvriers, mais sur le plan théorique extrêmement faible et impuissant ». « Werner » le considérait en octobre 1931 comme celui des membres du BP faisant « relativement la meilleure impression ». Il développait « sans aucun doute le plus d’initiative », mais il faisait aussi tous ses travaux « à la manière d’un maître d’école », c’est-à -dire avec « une certaine arrogance ». Cette enquête se termina par un avis de « Magnus » daté du 16 août 1932 qui estimait qu’ » on ne peut pas appliquer au Parti luxembourgeois les mêmes critères que pour un parti au fonctionnement normal » et qu’on se trouvait en face « d’un manque de sérieux. » « Magnus » en concluait : « Dans la situation présente il n’y a personne dans l’actuelle direction du Parti, à qui on pourrait confier la direction unique. »

La direction collective considérée par le Komintern comme un pis-aller marqua définitivement les relations à l’intérieur du groupe dirigeant. En janvier 1935, Urbany fut désigné secrétaire politique et il partagea le rôle de porte-parole du Parti avec Bernard qui reçut le titre nouveau de président du Parti. À partir de 1939-1940 Urbany dut partager le pouvoir avec Useldinger. Le Komintern avait tout intérêt à empêcher une concentration trop grande du pouvoir dans les sections nationales afin de mieux les contrôler. L’accession d’Urbany aux responsabilités de dirigeant du Parti était étonnante à un autre point de vue. Cet homme n’avait suivi aucune école du Parti et n’avait jamais visité l’URSS avant août 1935. Le discours qu’il prononça au VIIe congrès de l’Internationale communiste fut en fait sa consécration comme dirigeant du Parti.

L’implantation locale consolida la position d’Urbany au sein du Parti. Aux élections législatives de 1934, il arriva en deuxième position. Le gouvernement se hâta de procéder à sa destitution comme instituteur, ce qui ne fit qu’augmenter sa popularité. Élu conseiller communal de Rumelange, il fut privé de son mandat par décision gouvernementale et arrêté, quand il voulut se rendre au conseil communal.
La confiance que lui témoignaient les délégués du Komintern restait limitée, comme le montre l’affaire soulevée par les articles d’Useldinger en février 1937 (voir Kill). Berei reprocha à Urbany de s’être opposé à des sanctions contre celui-ci, d’avoir contrevenu aux règles élémentaires de la conspiration en indiquant la présence du délégué de l’IC dans une convocation confiée à la poste et de manquer de vigilance à l’égard du trotskysme.

Dans l’état actuel des sources il n’est pas possible de dire si la semi-retraite d’Urbany à partir du début de 1940 correspondit à un limogeage ou à une mesure de sécurité en vue du combat illégal. En octobre 1940, Urbany fut convoqué par la Gestapo qui le relâcha, croyant qu’il avait abandonné toute activité politique. Il en profita pour rejoindre aussitôt Bruxelles, où se trouvait l’antenne du Komintern. Il fut chargé de rédiger pour le compte du Komintern un bulletin hebdomadaire Radio Moscou qui diffusait les nouvelles d’origine soviétique. En même temps il resta en relations avec le Parti luxembourgeois. Un conflit l’opposa au printemps 1941 à Useldinger qui dirigeait l’organisation clandestine et refusa d’obtempérer à une convocation à Bruxelles. L’enjeu semble avoir été la politique de Front national. Le nouveau virage de l’Internationale se heurtait à des résistances au niveau local. Après le retour d’Urbany et de Kill en septembre 1944 un modus vivendi s’établit entre les deux dirigeants. En 1945 Urbany fut élu au Parlement et en 1946 il entra au gouvernement, après la mort accidentelle du Dr Charles Marx. Il dirigea le Parti et la fraction parlementaire communiste jusqu’en 1976.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76068, notice URBANY Dominique. Pseudonymes : MARTIN (1929-1934), MULLER (1935), PROSPER (1941-1944) par Henri Wehenkel, version mise en ligne le 27 janvier 2010, dernière modification le 5 octobre 2010.

Par Henri Wehenkel

Dominique Urbany
Dominique Urbany

SOURCES : RGASPI, 495 130 16-37, 495 233 1. — Archives nationales Luxembourg, Justice 76 ; Affaires étrangères 3724 ; fonds Bodson, dossierSteichen. — Centre Jean Kill, Luxembourg.Dossiers : Témoignages, Biographies. — (D. Urbany), 40 Jahre Kommunistische Partei, Luxembourg, 1961. — G. Cogniot, Parti pris, t. 1, Paris, 1976, p. 111.— Centre Jean Kill (ouvr. coll.), Beiträge…, op. cit. — H. Wehenkel, Der Antifaschistische Widerstand…, op. cit. — H. Wehenkel, Dominique Urbany, maître d’école, SEW-Journal, n° 2, Luxembourg, 1987.

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