VUYOVIC Vojislav appelé Voja (orthographié parfois VUJOVIC ou VOUJOVIC selon les transcriptions). Pseudonyme : WOLF (DBK)

Par Pierre Broué

Né le 15 janvier 1897 à Pozarevac en Serbie, exécuté en URSS le 3 octobre 1936 ; de nationalité serbe ; militant des Jeunesses socialistes en France puis communiste, dirigeant de l’ICJ (Internationale communiste des jeunes) ; membre de l’Opposition unifiée ; déporté ; libéré en 1928 puis arrêté en 1936.

Vojislav Vuyovic, appelé Voja, naquit dans une famille nombreuse aisée. Il fit de brillantes études secondaires au lycée de Pozarevac, une petite ville dans laquelle il commença à s’intéresser à l’activité politique, entrant en 1912 au Club républicain socialiste, suivant dans un cercle des cours de marxisme en 1913, année de son adhésion, très jeune, au Parti social-démocrate serbe (SSDP).

Mobilisé en 1916, il fut affecté à un bataillon de troupes alpines cantonné en France, près de Barcelonnette, où il resta jusqu’en octobre 1917. Il alla ensuite à Paris où il s’inscrivit à la Faculté de droit, fréquenta le cercle des étudiants serbes de Paris et anima un groupe d’environ vingt-cinq partisans de la révolution russe. Il adhéra aux Étudiants socialistes (dont étaient membres Ernest Labrousse, qui ne fit que passer, ainsi que Simone Téry, Vital Gayman*, André Chamson), puis aux Jeunesses dont il devint l’un des dirigeants. Marié à Paris avec une ancienne des Étudiants socialistes, qu’il avait connue étudiante en pharmacie, Charlotte Caspar, il était père d’un enfant français, plus tard acteur très connu sous le nom de Michel Auclair.

En novembre 1919, il fut délégué à Berlin, sous le nom de Wolf, au congrès de fondation de l’Internationale communiste des jeunes, la KIM. Il produisit une excellente impression sur ses formateurs, dont Willy Münzenberg. En décembre suivant, il prit part à Genève au congrès international des étudiants socialistes où il se lia d’amitié avec Jules Humbert-Droz*. L’année suivante, il fut appelé à travailler à Berlin pour le WEB (Secrétariat d’Europe occidentale) auprès d’Ia. S. Reich, « le camarade Thomas », et assura les liaisons de la KIM entre Paris, la Suisse, Vienne et Berlin. Dans les intervalles, il était toujours actif dans le comité français de la IIIe Internationale et les JS.

Après une arrestation, suivie d’une brève détention, en novembre 1920, il prit ses distances vis-à vis de la France. Au IIe congrès de la KIM, déplacé à Moscou en 1921, il fut élu membre du comité exécutif et son secrétaire, avec le Russe Chatskine, et représenta l’ICJ à la direction du Komintern. Il fit partie de la délégation communiste à la conférence des trois Internationales à Berlin en avril 1922. En 1923 il fut chargé de la direction de l’agitation antimilitariste dans la Ruhr occupée par les troupes françaises, où il était secondé par la Française Rosa Michel*. Selon Victor Serge*, il était l’un des dirigeants communistes le plus totalement convaincus de la proximité de leur victoire en Allemagne.

De même que sa compagne polono-russe Regina Lvovna Budzinskaia, dite Rega, recteur de la KUNMZ (Université communiste pour les minorités nationales d’Occident) de 1920 à 1927, il sympathisa avec la Nouvelle opposition de Zinoviev* et se retrouva en 1926 dans l’Opposition unifiée. Il fut dénoncé cette année-là pour « travail fractionnel » en Europe par son ex-camarade des JC et du PCF, Jacques Doriot*, et rappelé à Moscou. Il fit connaître à ses camarades de fraction le texte secret d’une intervention de Staline sur la question chinoise et défendit les positions de l’Opposition unifiée à l’Exécutif de l’Internationale communiste dont il fut exclu en même temps que Trotsky en septembre 1927.

Exclu du Parti russe lors du 15e congrès, il fit partie du premier groupe d’exilés, envoyé à Astrakhan d’abord, d’où il correspondit avec Jules Humbert-Droz*, puis à Saratov. Contrairement à la plupart des autres ex-zinoviévistes, il ne capitula pas à ce moment et constitua avec Safarov le groupe des « sans chef », capitula à sa suite, mais quelques mois plus tard, en 1929. Il fut alors réintégré, et travailla au secrétariat des Balkans de l’Internationale communiste. Il fut vraisemblablement proche, voire membre du Bloc des oppositions de 1932 avec les autres membres de son groupe. Il fut arrêté de nouveau après l’assassinat de Kirov en janvier 1935, condamné à cinq ans de travaux forcés et envoyé avec Budzinskaia au politisolator de Souzdal, où se trouvaient alors M.N. Rioutine et I. N Smirnov ; il fut ensuite transféré à l’isolateur de Verkhnéouralsk, puis présenté par la presse stalinienne comme complice des « conspirateurs » jugés au premier procès de Moscou en août 1936. Condamné le 2 octobre 1936, il fut exécuté le 3 octobre 1936 (source : liste du charnier de Boutovo).

Son frère aîné, Radomir, appelé Rade Vuyovic, dit Licht, né à Pozarevac le 8 septembre 1895, l’avait rejoint à Paris pour s’inscrire en faculté de médecine, mais milita avant tout au sein de l’association Étudiants socialistes et du Comité de la IIIe Internationale. Après une arrestation, il fut expulsé de France en 1921. Secrétaire de la KIM pour les Balkans en 1921, il fut envoyé en Yougoslavie comme « instructeur » du Komintern auprès du PCY, et devint son secrétaire d’organisation. Arrêté en juin 1927, il resta dans une prison yougoslave jusqu’en octobre 1932, y traduisit l’Anti-Dühring d’Engels pendant sa détention. Libéré sur parole, il s’enfuit, gagna Vienne, puis Moscou où il travailla dans l’appareil du Komintern. Rade Vuyovic fut arrêté en septembre 1938, condamné à cinq ans de prison et liquidé à une date qui n’a pas été précisée lors de sa réhabilitation en juin 1958.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76101, notice VUYOVIC Vojislav appelé Voja (orthographié parfois VUJOVIC ou VOUJOVIC selon les transcriptions). Pseudonyme : WOLF (DBK) par Pierre Broué, version mise en ligne le 29 janvier 2010, dernière modification le 17 décembre 2021.

Par Pierre Broué

SOURCE : Bronislav Gligorijevic, Izmedu Revolucije i Dogme. Voja (Vojislav) Vujovic uKominterni, Zagreb, 1983.

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