DELCROIX Albert [DBK]

Par Claude Coussement

Né le 26 mars 1894 à Espierres (Belgique), fusillé par l’occupant le 6 mars 1944 ; militant du PCB, volontaire des Brigades internationales en Espagne, chauffeur d’Eugène Fried à Bruxelles, convoie Thorez et Duclos.

Orphelin d’une famille de fermiers, après des études secondaires commerciales, Albert Delcroix s’engagea à l’armée à 17 ans. Grand et connaissant les chevaux, il fut incorporé dans la cavalerie et combattit pendant quatre ans sur le front de l’Yser. Démobilisé comme Maréchal des logis, dégoûté de l’armée, humaniste anticlérical et assez intransigeant, il adhéra au Parti communiste en 1932 à Tournai. Il émigra à Bruxelles. Féru de photographie, il achetait des appareils, les réparait et les revendait. Il développait des photos pour les livrer bénévolement à La Voix du Peuple, l’organe du parti. Ayant travaillé jusqu’à ses dix-huit ans dans une filature de Roubaix, il était alors courtier de profession, négociant en laine.

Généreux de tempérament, enthousiaste et chaleureux, il combattit dans les brigades internationales de mars 1937 à juin 1938 avec le grade de sergent (Cavalerie de la 12e Brigade, ensuite comme responsable politique à Benicassim, enfin au service du personnel de la base d’Albacète). À l’été 1939, le PCB le mit à la disposition du délégué du Komintern Eugène Fried comme chauffeur. Albert Delcroix éprouvait une grande admiration pour Fried et celui-ci dut avoir assez confiance en lui pour le faire coopérer avec Eve Fontaine et Renée Bodart qui faisaient partie de son appareil personnel.

Lorsque Maurice Thorez déserta et rejoignit la Belgique le 4 octobre 1939 , il fut accueilli à Bruxelles dans la voiture d’Albert Delcroix, qui l’hébergea brièvement à son domicile cité Fontainas. Jacques Duclos suivit le même itinéraire les jours suivants et les réunions des deux hommes se tinrent plusieurs fois chez lui. Le fils aîné de Maurice Thorez et la petite Marie, fille de Fried, y furent logés à leur arrivée. Les rencontres de Fried et Thorez s’effectuèrent à bord de la voiture de Delcroix tournant dans la capitale. Afin de ne pas éveiller de soupçons, une jeune communiste belge, Sonia Leit, siégeait aux côtés du conducteur. Selon un message radiotélégraphique envoyé au Secrétariat du Komintern, Albert Delcroix devient à partir du 10 janvier 1940, le point de passage obligé, pour tous ceux qui doivent rencontrer le délégué de l’IC ou un membre son appareil.

C’est par lui que passeront, par exemple, les techniciens hollandais en radiotélégraphie qui seront appelés ultérieurement à Bruxelles par Fried.

Le 1er février 1940, il déménagea au 55 de l’Avenue de la Porte de Hal, un commerce de vélo appelé « Sport-France, »que Fried lui fit reprendre pour servir de couverture. Sous l’occupation, une imprudence mit fin à cette collaboration. Une conversation téléphonique de l’épouse d’Albert Delcroix avec une amie, elle-même liée à un responsable communiste clandestin recherché, est interceptée par la Gestapo. Celle-ci atterrit au domicile des Delcroix. Albert réussit à apaiser leur méfiance, mais il croit nécessaire de couper immédiatement toute relation avec Fried, qui avertit le Komintern le 9 mars 1943. Avec son fils Serge, Delcroix se consacra désormais à l’impression et la diffusion de l’organe clandestin, Le Drapeau Rouge. Il avait acheté un lot de feuilles chez le papetier Cremer de Saint Gilles. Lorsque celui-ci fut arrêté, la police allemande remonta jusqu’à lui et sa famille ne le vit pas rentrer le soir du 23 juillet 1943. Ils passèrent en jugement le 16 janvier 1944. Les enfants Delcroix virent leur père pour dernière fois à sa sortie du Palais de Justice de Bruxelles où, avant de monter dans la voiture cellulaire, il leur fit comprendre par un petit signe qu’il était condamné à mort. Son exécution a lieu le 6 mars 1944 avec celle de plusieurs condamnés gardés comme otages à la suite d’un attentat commis à Bruxelles

Son fils Serge, dirigeant de la Jeunesse communiste, avait été arrêté le 26 mai 1942. Il fut déporté à Mauthausen où il mourut le 26 mai 1942. Sa fille Suzanne, courrière de l’appareil financier du Parti avait été arrêtée le 16 juillet 1943. Également déportée en Allemagne et condamnée à trois ans de travaux forcés, elle s’évada en janvier 1945 et se cacha jusqu’à son rapatriement en Belgique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76136, notice DELCROIX Albert [DBK] par Claude Coussement, version mise en ligne le 1er février 2010, dernière modification le 3 octobre 2010.

Par Claude Coussement

SOURCES : Entretiens avec Sonia Delcroix, Suzanne Pirart-Delcroix, Sonia Leit, Renée Bodart, Lucette Bouffioux, Alphonse Bonenfant. — Rapport de Giulio Ceretti du 9 septembre 1940 au Komintern, RGASPI, 495,270,9373, f.54 ; télégrammes échangés entre Fried et le Komintern les 10/01, 2 juin, 22 juin, 12 septembre 1941 et 9 mars 1942, RGASPI 495,184,6. — Dossiers Albert et Serge Delcroix à l’Administration des victimes de guerre. — Le Drapeau Rouge, édition clandestine, n° 64 de mars 1944. — CARCOB, dossier de Suzanne Pirart-Delcroix ; RGASPI, dossiers belges des Brigades. — José Gotovitch, Du rouge au tricolore, qui comprend en particulier des notices sur Albert, Serge et Suzanne Delcroix.

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