GUYOT Pierre

Par Marc Giovaninetti

Né le 20 avril 1938 à Paris (XIIIe arr.) ; ajusteur ; militant communiste.

Pierre Guyot naquit au moment de la fin des espoirs du Front populaire, deuxième enfant d’un des dirigeants les plus en vue du Parti communiste français, Raymond Guyot, président de la Fédération des Jeunesses communistes de France et secrétaire général de l’Internationale communiste des Jeunes, qui venait alors d’être élu député en remplacement de Paul Vaillant-Couturier décédé. La famille s’installa dans sa circonscription électorale, au Kremlin-Bicêtre (Seine, Val-de-Marne).

Au début de l’été 1939, tous partirent en URSS pour des vacances et les responsabilités du père au Komintern. La mère de Pierre, Fernande, y resta bloquée avec ses deux enfants pendant près de six ans par la guerre, tandis que son père rentrait d’abord en France pour être mobilisé, revint en Russie après avoir déserté avant la fin de la Drôle de guerre, et repartit clandestinement en France après l’entrée en guerre de l’URSS. Pendant la guerre, les enfants Guyot, Pierre et sa sœur aînée Raymonde, devinrent très copains avec les garçons de Maurice Thorez et Jeannette Vermeersch, exilés comme eux entre Moscou et Oufa.

Fernande et ses enfants ne purent rejoindre la France qu’en mars 1945. Pour Pierre commença alors la vie d’un enfant de la nomenclature, rythmée par des vacances dans les camps des élites communistes en URSS, des escales à Prague chez sa tante Lise London et sa famille avant l’arrestation d’Artur London. Au début des années 1950, Raymond Guyot, devenu 1er secrétaire de la Fédération de la Seine, aménagea avec sa famille dans un luxueux appartement de la place de la République, réservé au Parti. Bien que les occupations militantes des parents les contraignissent à souvent laisser leurs enfants, la famille était très unie. Pierre suivit sa scolarité primaire dans le IIIe arrondissement, et y adhéra et milita aux Jeunesses communistes, puis au Parti communiste. Rebuté par les études secondaires, il opta pour une formation professionnelle au lycée Dorian, en sortit avec une qualification d’ajusteur, et commença à travailler en usine.

Appelé au service militaire en mai 1958, après ses classes en Alsace il décida de suivre l’exemple d’Alban Liechti* et de quelques dizaines d’autres jeunes communistes, en écrivant au Président de la République son refus d’aller servir en Algérie dans une guerre coloniale. Son père supervisait cette campagne en faveur de l’insoumission, relayée par les JC, malgré l’inquiétude éprouvée par les parents pour leur fils en raison de la notoriété de leur famille et de la situation politique et militaire trouble et tendue à l’extrême. Transféré en Algérie, Pierre renouvela sa lettre de refus, soutenu en métropole par une campagne de meetings et de tracts reproduisant sa photo et ses courriers. Il fut condamné à deux ans de prison, comme la quarantaine de jeunes communistes dans sa situation, ses parents étant empêchés de venir assister à son procès. Il purgea sa peine d’abord en Algérie, puis à Marseille et enfin au pénitencier agricole de Casabianda en Corse, dans des conditions tout à fait supportables. Pierre y reçut plusieurs fois la visite de son père, devenu sénateur. Là, les condamnés apprirent que le Parti désapprouvait finalement l’insoumission. La petite communauté d’une dizaine de jeunes communistes se divisa entre ceux qui désapprouvaient ce revirement du PCF et son manque soutien, derrière Alban Liechti, et ceux qui soutenaient inconditionnellement les décisions, comme Pierre Guyot. Libéré en septembre 1960, le jeune homme dut encore effectuer ses deux ans de service militaire, mais sans être renvoyé en Algérie.

Pierre Guyot se maria à Givors en juillet 1961 ; le couple, avant de divorcer, eut deux filles, qui toutes deux sont devenues membres du PCF.

En 1962, Pierre Guyot assista au 8e Festival mondial de la Jeunesse à Helsinki.

L’essentiel de sa vie professionnelle et militante se déroula à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), où il demeura longtemps, puis à Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis). Dans le film documentaire de Jacques Willemont et Pierre Bonneau, La Reprise du travail chez Wonder, en 1968, il apparaît parmi les ouvriers interviewés comme « l’homme à la cravate ».

Bien que familier avec les cadres dirigeants du Parti communiste, lui-même n’exerça jamais de responsabilité de haut niveau hiérarchique. Lorsque son père fut écarté du bureau politique et de sa direction de la section internationale, en 1972, une altercation opposa Pierre Guyot à Georges Marchais*, mais leurs relations restèrent néanmoins convenables.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76173, notice GUYOT Pierre par Marc Giovaninetti , version mise en ligne le 3 février 2010, dernière modification le 24 août 2010.

Par Marc Giovaninetti

SOURCES : Arch. Nat. (Fontainebleau), 19890464, article n° 1, dossier 446. — Arch. du PCF (Bobigny), 283 J 70. — Entretiens personnels, novembre 2002. — Paul Thorez, Les Enfants modèles, Lieu commun, 1982. — Alban Liechti, Le Refus, Le Temps des cerises, 2005. — L’Humanité, 1958-1962. — Entretiens avec Fernande Guyot, 2001-2006, avec Alban Liechti, 2007.

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