Par Claude Pennetier, Justinien Raymond
Né le 16 août 1886 à Saint-Juéry (Tarn), mort le 18 janvier 1940 à Saint-Juéry ; apprenti, puis employé et journaliste ; élu communiste du XIIIe arr. de Paris, il entra en dissidence en 1929 et milita au POP.
Fils de Pascal, Jean, Marie Gélis, ouvrier métallurgiste de la région d’Albi et de Marie-Louise Fabre, Louis Gélis avait une sœur. Entré en apprentissage au sortir de l’école primaire aux usines du « Saut du Tarn », il organisa le premier syndicat de sa bourgade. Engagé volontaire à Albi le 29 septembre 1904, à la 2ème compagnie d’ouvriers d’artillerie, il fut libéré le 29 septembre 1907, mais il se lança vite dans le journalisme : il fut rédacteur à La France d’Albi, à l’Action tarnaise d’Albi où il exprimait des opinions antimilitaristes. Il fut également rédacteur au journal l’Union républicaine d’Aurillac. Jeune encore, il adhéra au Parti socialiste SFIO, fut secrétaire de la section de Saint-Juéry et directeur du journal L’Action tarnaise jusqu’à la guerre de 1914 qui le mobilisa pour plus de quatre ans. Parti le 2 août comme simple fantassin, il eut une première citation en Champagne puis blessé, passa dans l’artillerie. Il obtint une seconde citation en octobre 1916 dans la Somme. Blessé grièvement à Craonne le 30 mars 1917, il accéda au grade de sous-officier.
Domicilié depuis le 18 mai 1918 à Paris, Hôtel de Paris (1er arrondissement), il était célibataire et se rendait fréquemment dans le Cantal.
À son retour, ses activités syndicales lui fermèrent les portes des entreprises métallurgiques du Tarn. Les circonstances l’amenèrent à Aurillac (Cantal) en qualité de rédacteur de l’Union républicaine. Signe de sa popularité, ses camarades socialistes du Tarn lui auraient proposé l’investiture pour les élections législatives de novembre 1919. Mais la Fédération du Cantal lui fit la même proposition et il accepta. Il fut cependant élu conseiller municipal de Saint-Juéry le 30 novembre 1919 et il se présenta au conseil général dans le canton de Villefranche-d’Albigeois (Tarn) le 14 décembre 1919. Le journal socialiste L’Aube sociale, dont il assurait la direction politique en novembre 1919, le présentait ainsi : « Grand gaillard de trente-trois ans (...) Figure énergique, regard vif et assuré et une langue qui n’est pas toujours à la poche ; avec cela un joli trou dans le dos et la main gauche inerte, seules richesses que lui vaut la Victoire (...) il fut de longues années secrétaire de Jaurès » (6-12 novembre 1919). Les électeurs du Tarn lui donnèrent 4 802 voix sur 61 940 inscrits. Il participa au congrès de Tours (25-30 décembre 1920) porteur de cinq mandats (deux pour l’adhésion sans réserve, deux pour l’adhésion avec réserve, un pour l’amendement Blum) et intervint le 25 décembre 1920. L. Soubeyre lui abandonna bientôt le secrétariat de la Fédération communiste du Cantal. Aux élections sénatoriales de janvier 1921, Gélis recueillit 18 voix sur 580 inscrits (3,1 %). Il dota la Fédération d’un journal, L’Égalité, dont le premier numéro parut le 16 décembre 1922. L’Égalité du 23 décembre 1922 annonça : « Le comité fédéral est certain que tous les camarades du Parti (...) suivront l’exemple du camarade Gélis et démissionneront des loges maçonniques et de la Ligue des droits de l’Homme. »
À la conférence des secrétaires fédéraux du 22 janvier 1922, Gélis avait proposé l’ajournement de la discussion sur le front unique. Il représenta le Cantal au conseil national de janvier 1923. Des groupes communistes locaux lui demandèrent d’être candidat aux élections cantonales à Saignes, le 28 janvier 1923. Il accepta mais le comité directeur du 22 janvier l’accusa d’avoir agi sans avertir le Bureau politique. On ignore ses résultats précis (environ 90 voix). Il parla lui-même d’un « nombre de voix infime, ridicule obtenu par le candidat communiste » (10 février 1923) et dans l’Égalité du 24 février 1923, Gélis annonça que la « veste » du 28 janvier était la dernière qu’il prendrait dans le département car le Bureau politique l’appelait à Paris comme rédacteur à l’Humanité chargé des comptes rendus des débats de l’Hôtel de Ville. La rubrique politique du journal lui fut bientôt confiée. Le Bureau politique le désigna provisoirement comme secrétaire de rédaction du journal le 9 avril 1924 et définitivement après le départ de Maurice Chambelland* le 5 mai.
Aux élections municipales de mai 1925, candidat dans le quartier Maison-Blanche (XIIIe arr.), il recueillit 3 125 voix (24,47 % des inscrits) et fut battu. La mort du conseiller radical Henri Rousselle, survenue le 30 novembre 1925, laissait aux communistes l’espoir d’une victoire aux élections partielles des 21 et 28 février 1926. Le Bureau politique du 5 décembre 1925 avait préféré la candidature de Gélis à celle de Jégou. Il fut élu au second tour par 4 309 voix contre 3 018 au radical Daussy, sur 12 613 inscrits et 8 958 votants. Il appartint à la 6e commission du conseil municipal (Eaux, égouts, hygiène). Évoquant son mandat trois ans plus tard, le commissaire spécial indiquait qu’il avait « rempli très activement son mandat ; rendant service sans esprit de parti (...) y compris aux ecclésiastiques ». Il concluait que Gélis « ne se montre pas sectaire et ne pratique guère la lutte de classe dans son quartier » (cité par P. Plagnard, op. cit.). Cette action locale « au ras du sol » lui fut très vite reprochée par des militants communistes.
Bon orateur, Gélis fut souvent utilisé dans la région parisienne et en province ; ainsi en février 1928, il parla à Decazeville, Aurillac, Tours, Châtellerault. Spécialisé dans la question des lotissements et des zoniers, il était très écouté des publics de la banlieue et des arrondissements périphériques de Paris. Le 25 février 1929, le commissaire spécial annonça que le Parti communiste ne souhaitait pas le représenter aux élections municipales, mais il n’en fut rien, et Gélis conserva son siège dès le premier tour, le 5 mai 1929. Il recueillait 6 411 voix (3 376 en 1926) sur 13 638, confirmant ainsi la solidité de son implantation. Sa politique de présence, de relations personnelles, de menus services et de réalisations pratiques le rendit invulnérable sur le plan électoral quand il se fut séparé du PC.
Peu après sa réélection de 1929 il se trouva, avec cinq autres élus municipaux, Jean Garchery*, Louis Sellier*, Charles Joly*, Louis Castellaz* et Camille Renault, en conflit avec la direction du PC qui voyait en eux des politiciens opportunistes. Ils refusèrent de faire amende honorable, protestèrent par une affiche « au prolétariat » et par une brochure, Le Réquisitoire des six. Exclus du Parti, ils constituèrent le POP (Parti ouvrier-paysan).
C’est donc comme communiste dissident qu’en 1932, il se présenta aux élections législatives dans le XIIIe arr. (1re circonscription : Croulebarbe Maison-Blanche) avec comme adversaires, Semard*, candidat communiste, le député sortant Piquemal*, élu comme communiste en 1928 et passé à la SFIO, et un candidat de droite. Louis Gélis se posa en « champion d’une politique d’édification et non de bavardages et de destruction ». En tête au premier tour avec 5 179 voix (27,6 % des 18 719 inscrits), il l’emporta au ballottage avec 8 246 suffrages dont 6 628 lui venaient de son quartier municipal de Maison-Blanche alors que Croulebarbe ne lui en donnait que 1 618. Il s’inscrivit au groupe d’Unité ouvrière, entra aux commissions de l’Enseignement, des Beaux-Arts notamment, s’attacha aux questions sociales dans le prolongement de son action municipale, problème du logement intéressant les locataires, questions posées par les fonds de commerce, le chômage.
Avec l’ensemble du POP fusionné avec le Parti socialiste-communiste de Paul Louis, Gélis appartint au PUP (Parti d’unité prolétarienne). Sous ce drapeau, il fut réélu conseiller municipal en 1935, au premier tour, par 7 136 voix (48,88 % des inscrits), et en 1936 il fut réélu député, battant le communiste Monjauvis qui avait abandonné la 2e circonscription pour venir le déloger : il obtint 8 136 et 9 783 voix (38,1 et 45,9 % des 21 338 inscrits), contre 7 347 et 8 347 au candidat communiste. Le candidat de droite, A.-L. Boulanger (3 352 voix) se retira et nombre de ses suffrages allèrent à Gélis. Comme en 1932, Gélis devait sa réélection au quartier de Maison-Blanche qui lui donna 7 477 voix contre 2 306 venues du quartier de Croulebarbe. Il était donc élu hors de la discipline du Front populaire. Il siégea, entre autres, aux commissions de la Santé et du Suffrage universel.
Un de ses derniers actes politiques fut l’approbation donnée aux accords de Munich avec son groupe de « l’union ouvrière et républicaine ». Malade, il se retira dans son bourg natal où il mourut au début de 1940.
Par Claude Pennetier, Justinien Raymond
SOURCES : Arch. Nat. F7/12977, F7/12992, F7/13090, F7/13260, F7/13262, F7/13263, F7/13264. — Arch. Nat. 19940448/128 dossier 11263 — Arch. Dép. Cantal, 7 M 11. — I.M.Th., bobines 32, 44, 64, 97. — Le Cri des Travailleurs, 13 décembre 1919. — L’Égalité, 1922-1923. — Ça ira, 21 janvier 1930. — L’Humanité, 6 et 13 mai 1929, 22 avril 1935. — Le Temps, 7 et 14 mai 1929. — P. Plagnard, Mémoire de Maîtrise, op. cit. — Le Réquisitoire des Six, Paris, Imprimerie centrale de la Bourse, 1929, 69 p. — J. Jolly, Dictionnaire des Parlementaires français. — Le Congrès de Tours, édition critique, op. cit. — Le Conseil municipal, nos édiles, op. cit. — J. Estivill, Recherches sur les socialistes et les communistes aux élections municipales et à l’Hôtel de ville de Paris, Mémoire de Maîtrise, Paris I, 1980. — Note de Jacques Girault et