GRÉSA Jacques, Prudent, Pierre

Par André Balent, Robert Debant, Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 16 mai 1898 à Canet (Pyrénées-Orientales), mort dans la nuit du 26 au 27 juillet 1964 à Canet ; inspecteur des contributions directes ; syndicaliste et militant communiste ; conseiller municipal du XIXe arr. de Paris (1935-1938), député de Haute-Garonne (1945, 1947-1951).

Jacques Grésa dans les années 1940
Jacques Grésa dans les années 1940
Assemblée natonale, Notices et portraits, 1946

Jacques Grésa naquit à Canet dans une famille de commerçants. Son père est cependant noté comme cultivateur sur son acte de naissance. Se destinant à l’enseignement, il réussit le concours d’entrée à l’École normale, mais la guerre interrompit ses études. Démobilisé, pilote aviateur breveté, il entra par concours dans l’administration des finances comme vérificateur principal puis comme contrôleur principal.

Il adhéra au Parti communiste en 1925 et devint bientôt secrétaire du rayon de Narbonne.

Lors des élections législatives de 1928, il fut choisi comme candidat du « Bloc ouvrier et paysan » dans la circonscription de Narbonne, composée des cantons de Narbonne et de Coursan, où l’audience du Parti socialiste était prépondérante. Le candidat de ce dernier étant Yvan Pélissier, député sortant ; celui des radicaux, Roger Gourgon, jeune et brillant avocat. Au nom du mot d’ordre « Classe contre classe », Jacques Grésa s’était refusé à tout contact préalable avec le Parti socialiste SFIO et sa campagne se montra aussi hostile à l’un qu’à l’autre de ses adversaires. Il obtint au premier tour 1 125 voix, soit un peu plus de 10 % des suffrages exprimés ; Y. Pélissier en avait recueilli 4 839 et Gourgon 4 817. L’écart qui le séparait de son principal concurrent s’avérant extrêmement faible, Pélissier chercha à obtenir le désistement du candidat communiste en sa faveur. Les amis de Grésa lui firent connaître qu’ils répondraient seulement à ce vœu s’il donnait son approbation publique à certaines de leurs revendications, telle l’amnistie, conditions qui furent refusées. Grésa se présenta donc au second tour mais il ne réunit cette fois que 408 voix ; soit à peu près 3,50 % des suffrages exprimés. Une grande partie de son électorat avait jugé opportun de voter pour Pélissier, qui fut élu avec 5 705 voix contre 5 472 à Gourgon. En 1927, l’administration préfectorale envisagea de prendre des sanctions contre J. Grésa, en raison du peu de réserve dont il faisait preuve malgré sa qualité de fonctionnaire. Une lettre de Poincaré au préfet (30 janvier 1928) conseillait d’y surseoir.

Nommé à Colombes (Seine) en 1930, Grésa abandonna le secrétariat du rayon de Narbonne à P. Sempéré et quitta le Bureau régional du Languedoc. Il reprit aussitôt ses activités au 15e rayon de la région parisienne. La police l’appréhenda le 29 janvier 1931 à Colombes, alors qu’il distribuait des tracts de la CGTU. Lui-même appartenait à la direction du Syndicat national des contributions indirectes affilié à la Fédération autonome des fonctionnaires. Il était, en 1934, secrétaire de la section communiste du XIXe arr. de Paris — où il habitait depuis 1933 — et membre du comité régional Paris-Ville. Il présidait le club sportif ouvrier des abattoirs de la Villette.

Candidat communiste aux élections municipales des 5 et 12 mai 1935 dans le quartier du Pont-de-Flandre (XIXe arr.), il recueillit au premier tour 1 088 voix sur 3 965 inscrits et 3 380 votants (Bourgain socialiste SFIO 354). Il conquit le siège au second tour avec 1 668 voix contre 1 371 au radical Martinaud-Déplat (3 323 votants). Les élus communistes le désignèrent comme secrétaire de la fraction communiste à l’Hôtel de Ville. Il fit partie de la 2e commission du conseil municipal (Police et Domaine) et au conseil général, des 8e (Beaux-Arts) et 11e (Contrôle technique des travaux). Le Conseil d’État annula son élection en même temps que celles de Gaston Auguet et de Raymond Bossus. Il fut réélu au premier tour le 1er décembre 1935 avec 1 835 voix mais démissionna en février 1938. Entre temps les électeurs de la 2e circonscription du Ier arr. de Paris l’avaient élu député. Il avait recueilli le 26 avril 1936, 6 075 voix sur 16 590 inscrits et 14 883 votants. Face à Martineau-Déplat, il l’emporta le 3 mai par 7 504 voix contre 7 067, sur 14 770 votants. Membre de la commission des Finances, il fut rapporteur du budget sur l’Imprimerie nationale.

Après le Pacte germano-soviétique et l’interdiction du Parti communiste, Grésa participa à la création du groupe parlementaire GOPF (Groupe ouvrier et paysan français), continuation du groupe communiste. Arrêté le 8 octobre 1939 et déchu de son mandat le 21 janvier 1940, il fut condamné le 3 avril 1940, par le 3e Tribunal militaire de Paris, à cinq ans de prison, 4 000 francs d’amende et cinq ans de privation de ses droits civiques. Il effectua sa peine à la prison de Poitiers puis à Maison-Carrée (Algérie) avant d’être libéré par les troupes anglo-américaines en 1942. Fernand Grenier, commissaire de l’Air au gouvernement d’Alger, le prit comme directeur de son cabinet civil, puis Charles Tillon, ministre de l’Air, fit de même. A suite de son passage au ministère Tillon, il laissa un ouvrage intitulé Complot contre l’aviation (Paris, 1946, Editions France d’Abord, 218 p.).

Grésa fut élu député de Haute-Garonne en 1945 et 1947 mais perdit son siège en 1951. Il était, en 1962, vice-président de l’association France-Espagne et secrétaire général du Comité national de défense des victimes du franquisme. Il fut aussi, de 1947 à 1953, conseiller municipal de Toulouse.

Jacques Gresa fut le cosignataire du projet de loi déposé le 24 juillet 1948 par André Marty, député communiste de la Seine concernant l’enseignement du catalan dans l’enseignement public. Ce projet fut signé par tous les parlementaires d’origine catalane - c’est à dire, outre A. Marty, Léo Figuères et André Tourné* députés des Pyrénées-Orientales, Jacques Grésa, Jean Cristofol*, député des Bouches-du-Rhône, Jean Llante*, député de l’Aude – et un Languedocien, Raoul Calas, député de l’Hérault, qui avait résidé et milité à Rivesaltes dans les années 1920. Allant très loin, ce projet aboutit sous une forme très édulcorée, la loi Deixonne de 1951.

Mais son activité parlementaire se détacha surtout dans quatre domaines : les problèmes de l’aviation, tant civile que militaire ; les questions intéressant la fonction publique (il déposa notamment une proposition de loi le 21 novembre 1950 demandant la revalorisation des retraites de la fonction publique) ; la protection des brevets d’invention, avec le dépôt de deux propositions deloi, le 23 décembre 1946 et le 13 mai 1947 ; les problèmes budgétaires, à la commission des finances où il intervint sur des problèmes très divers comme les crédits pour le reclassement des fonctionnaires ou, le 12 février 1948, sur le maintien des orchestres régionaux. Le 17 décembre 1946, il vota la confiance au gouvernement Léon Blum*, mais, le 4 mai 1947, après la rupture du tripartisme, il la refussa au gouvernement de Paul Ramadier*. Comme les parlementaires communistes, il s’opposa, alors que la guerre froide faisait rage, à la ratification du plan Marshall (7 juillet 1948), au statut du Conseil de l’Europe (9 juillet 1949) et au pacte atlantique (26 juillet 1949). Il vota contre la loi des apparentements (7 mai 1951).

Après ses mandats électifs, Jacques Grésa travailla à nouveau aux Contributions indirectes et habita dans le XIXe arrondissment de Paris.
Après avoir fait valoir ses droits à la retraite, il s’installa à nouveau à Canet, son village natal.

Jacques Gresa écrivit un ouvrage qui reste inédit concernant un illustre Canetois, le conventionnel Cassanyes*. Pour Robert Saut, historien canetois, qui a eu cet ouvrage entre ses mains, les idées véhiculées à propos de représentant en mission de la Convention participent de l’émergence du « mythe Cassanyes ». J. Grésa y était très en phase avec le discours communiste volontiers patriotique, mis en avant pendant le Front populaire et, surtout, pendant la Résistance et à la Libération : « Ainsi Cassanyes, petit médecin de campagne, patriote inflexible, soldat de la république, luttant contre l’armée de la monarchie espagnole, a-t-il sa place parmi les plus purs héros qui ont illustré, à travers les siècles, la lutte ardente et généreuse du peuple français pour l’indépendance et la grandeur de la France et de la République ».

Il s’était marié le 17 septembre 1930 à Compiègne (Oise) avec Aimée Bonaventure.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76306, notice GRÉSA Jacques, Prudent, Pierre par André Balent, Robert Debant, Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 12 février 2010, dernière modification le 23 août 2010.

Par André Balent, Robert Debant, Jean Maitron, Claude Pennetier

Jacques Grésa dans les années 1940
Jacques Grésa dans les années 1940
Assemblée natonale, Notices et portraits, 1946

ŒUVRE INÉDITE : Les patriotes catalans et le conventionnel Cassanyes, défenseurs de la République.
ŒUVRE : Un complot contre l’aviation, Éd. France d’abord, 1946, 248 p. — Écrits de prison, (Georges Sentis, éd.), Lille, Marxisme / Régions, 1983, 38 p. ; 2e édition avec une biographie de Jacques Grésa par Georges Sentis, Perpignan, Éditions Marxisme / Régions & Canet, Comité « Côte Radieuse » de l’ANACR-66, 2009, 66 p.

SOURCES : Arch. Jean Maitron, fiche Jacques Grésa. — Arch. privées André Balent. — Arch. Dép. Aude, 2 M 77, 5 M. — J. Jolly, Dictionnaire des Parlementaires français. — Le Conseil municipal, nos édiles, op. cit. — Jean-Marie Rossi, Charles Tillon, ministre de l’Air (septembre 1944-novembre 1945), Mémoire de Maîtrise, Paris I, 1995. — RGASPI, Moscou, 495 270 20. — DPF, 1940-1958. — Robert Saut, Les quatre saisons du conventionnel Cassanyes, préface de Philippe Rosset, Canet, Éditions Rivage des Arts, 1983, 296 p. (p. 286).— Etat civil.

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