HEINERICH Eugène

Par Françoise Olivier-Utard

Né le 4 avril 1901 à Schiltigheim (Basse-Alsace, Alsace-Lorraine annexée), mort le 11 novembre 1986 à Strasbourg (Bas-Rhin) ; tourneur aux ateliers SNCF de Bischheim (Bas-Rhin) ; militant communiste du Bas-Rhin ; conseiller municipal (1945-1959) et premier adjoint au maire (1945-1947) de Schiltigheim.

Son père, Eugène Heinerich, était tourneur aux ateliers de construction du chemin de fer (situés sur le ban communal de Bischheim, qui jouxte Schiltigheim, commune de la banlieue industrielle au nord de Strasbourg) et membre du Parti social-démocrate allemand. Catholique de naissance, il s’était complètement détourné de la religion. Sa mère, Marguerite Haberbusch, mourut lorsqu’il était très jeune. Son père se remaria et eut trois enfants. Eugène Heinerich fils fit ses études à l’école primaire communale de Schiltigheim et fit ensuite un apprentissage de mécanique. Il devint compagnon. À la fin de 1920, il entra aux Ateliers de Bischheim devenus français et se syndiqua immédiatement à la CGT, puis à la CGTU. Il adhéra au Parti communiste et fut donc un des membres fondateurs du parti en Alsace. Il côtoya Georges Wodli, Albert Erb, Alfred Daul et Louis Kieffer. Il épousa Caroline dite Lina Kern (1904-1989), belle-sœur d’Albert Erb. Le couple eut deux enfants, pour lesquels il demanda systématiquement des dérogations pour l’enseignement obligatoire de religion dans un département concordataire. Sa fille Antoinette épousa Charles Werling, futur permanent CGT de la SNCF. La famille Heinerich fut donc une dynastie de cheminots communistes et libres penseurs.

En 1939, la famille Heinerich fut évacuée à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire), où les Ateliers de Bischheim avaient été repliés, puis elle fut envoyée à Langeac (Haute-Loire). C’étaient les seuls Alsaciens en résidence dans cette ville. L’adaptation fut facilitée par le fait que la famille Heinerich parlait couramment français, fait assez rare en milieu populaire alsacien à cette époque. De bons contacts purent s’établir. Les Heinerich rentrèrent en Alsace annexée de fait en 1941. Eugène refusa de germaniser son prénom sur la boîte aux lettres et refusa aussi d’entrer à l’Opferring (Cercle du sacrifice, substitut provisoire du parti nazi destiné aux Alsaciens). Contraint cependant d’adhérer à une organisation dépendant du parti pour ne pas perdre son emploi à la Reichsbahn, il décida d’entrer dans celle qui lui paraissait la moins compromettante, le Reichsluftschutzbund (Fédération de défense passive du Reich ). Cela consistait à intervenir en cas de bombardement pour déblayer les zones sinistrées. Il fut ainsi réquisitionné lors du bombardement de 1943. Il échappa à la grande vague d’arrestation des militants syndicaux et politiques qui s’abattit sur Alsace en 1942. Le réseau clandestin étant alors démantelé, ses activités de résistance consistèrent surtout à aider les familles de prisonniers et déportés. Son jeune fils Charles fut ainsi chargé de porter des colis de viande que le camarade Édouard Meyer, employé boucher, préparait pour eux.

Au lendemain des élections du 24 septembre 1945, le maire socialiste de Schiltigheim, Adolphe Sorgus*, choisit Heinerich comme premier adjoint. Le Parti communiste avait 9 élus sur 27 conseillers. Heinerich fut chargé de l’attribution des logements aux sinistrés. La crise du logement et la vétusté des équipements de banlieue rendaient cette tâche particulièrement difficile. Par ailleurs, il ne pouvait plus exercer son métier à plein temps à la SNCF, ce qui posait des problèmes financiers à sa famille. En 1947, il fut réélu mais perdit son poste d’adjoint au maire car la municipalité passa à droite, une alliance RPF-MRP–SFIO l’ayant emporté. Le Parti communiste représentait cependant encore 21,4 % des voix. Aux élections d’avril 1953, Heinerich, en tête de la liste communiste, fut réélu. Il ne se représenta plus en 1959.

En 1953, lorsque l’affaire Erb éclata et que ce dernier fut exclu de la CGT puis du PCF, ainsi qu’un certain nombre de militants cheminots, Heinerich se sentait plutôt proche des exclus et ne trouvait rien à redire au sujet de la vente de chaussures organisée par la coopérative des cheminots. Il trouvait au contraire qu’elle rendait bien des services. Il continua cependant à prendre sa carte au Parti.

Après 1946, lorsqu’il ne fut plus adjoint au maire, la SNCF fit des difficultés pour sa réintégration et il fallut l’intervention du médecin d’entreprise, lui-même ancien résistant, pour l’obtenir. Il prit sa retraite en 1960 mais fut victime d’une attaque paralysante dans les mois qui suivirent son départ. Il ne milita plus qu’à La Liberté, société de musique de Schiltigheim.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76313, notice HEINERICH Eugène par Françoise Olivier-Utard, version mise en ligne le 12 février 2010, dernière modification le 15 août 2010.

Par Françoise Olivier-Utard

SOURCES : L’Humanité d’Alsace et de Lorraine, 28 avril 1953, 28 avril 1953. — Léon Strauss, « L’évolution politique de Schiltigheim, 1914-2005), in Armand Peter (dir), Schiltigheim au XXe siècle, BF éditions, Strasbourg, 2007, p. 21 et 261. — Entretien avec Charles Heinerich, fils d’Eugène Heinerich, 26 janvier 2010. — Entretien avec son gendre Charles Werling, 17 septembre 1998.

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