GUISSET Joseph, André, Côme

Par André Balent

Né le 5 avril 1901 à Prats-de-Mollo (Pyrénées-Orientales), mort le 20 janvier 1978 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; berger, employé, paysan ; dirigeant du Parti communiste à Perpignan et dans les Pyrénées-Orientales ; militant de la CGTU puis de la CGT ; résistant, déporté en Allemagne.

Jusqu’à l’âge de vingt ans, Joseph Guisset vécut à Prats-de-Mollo où ses parents André et Marie Guisset, âgés respectivement de trente et un et vingt-sept ans en 1901, étaient paysans propriétaires. Sa mère (dont le nom de jeune fille était également Guisset) était apparentée à une famille de riches paysans de Prats-de-Mollo, les Aris. Tout jeune, Joseph Guisset participa aux travaux agricoles. Il fréquenta l’école primaire de sa ville natale jusqu’à l’âge de treize ans après avoir obtenu le Certificat d’études primaires. Bon élève, il aurait dû suivre les cours d’une EPS mais la Première Guerre mondiale l’en empêcha. Pendant toute la durée du conflit, alors que la plupart des hommes valides étaient mobilisés, Joseph Guisset fut employé comme berger à la ferme de sa grand-mère. C’est en gardant les moutons dans les vallées et les montagnes pratéennes qu’il se découvrit des talents de poète. Joseph Guisset est en effet l’auteur de nombreuses poésies d’inspiration bucolique ou politique, en catalan surtout, mais aussi en français et en castillan.

C’est pendant la guerre de 1914-1918 que Joseph Guisset commença à réfléchir à la politique. Le conflit, qui se prolongeait et dont on n’entrevoyait pas la fin, le révoltait. En 1916, un militant socialiste (Campsolinas ?) lui parla de Brizon et de son journal, La Vague. Joseph Guisset se fit envoyer cette publication qu’il distribua la nuit dans les maisons de la ville mais aussi dans les fermes isolées avec un soldat trépané et démobilisé. La Vague fut bien accueillie par la population pratéenne. Toutefois Joseph Guisset lui-même estime que l’écho qu’elle reçut fut " superficiel ". En 1921, il partit à Mostaganem (Algérie) effectuer son service militaire au 4e Régiment de Tirailleurs algériens. Ayant obtenu le brevet militaire à l’issue de la préparation militaire, il put quatre mois après son incorporation, devenir caporal. Il passa ensuite un concours qui lui permit d’accéder à la fonction de secrétaire du colonel commandant la place de Mostaganem. Joseph Guisset qui avait acquis, en autodidacte, une culture assez diversifiée, obtint à ce concours de meilleures notes que des instituteurs ou des bacheliers.

Libéré de ses obligations militaires, il revint à Prats-de-Mollo où il résida pendant un an. Là, il fit connaissance de Jean Guisset* qui organisait le Parti communiste et haranguait les paysans sur le champ de foire de la ville. Il assista au discours que tint Jean Guisset et au cours duquel ce dernier fut surnommé " Deschanel ".

Il s’engagea ensuite dans les Douanes et fut affecté à Sin-le-Noble (Nord). Dans cette localité, il assista à diverses réunions publiques organisées par le Parti communiste. Il y fit également la connaissance d’un brigadier des Douanes, sympathisant du Parti communiste. Ne supportant pas la structure hiérarchique de l’administration des Douanes, il donna sa démission en 1926 et s’installa à Perpignan (Pyrénées-Orientales) où il travailla à la BNC (Banque nationale du Commerce). Joseph Guisset se maria avec Thérèse, Rosa, Espérance Rius, native de Serdinya (Pyrénées-Orientales) et soeur de Michel Rius*.

Si Joseph Guisset était déjà sensibilisé par les thèses du Parti communiste, c’est l’influence de son cousin André Colomer*, militant libertaire fondateur du journal L’Insurgé (qui après avoir effectué un voyage en Russie soviétique avait rejoint les rangs du Parti communiste et figurait aux côtés d’Henri Barbusse et de Romain Rolland au nombre des premiers dirigeants nationaux des " Amis de l’URSS ") qui le détermina à y adhérer.

En 1928 quatre militants, Chiroleu*, Masnou*, Pacouil* et Sistach* assuraient la direction du PC à Perpignan. Ils refusaient de donner la carte du parti à Joseph Guisset et ne consentirent enfin à lui délivrer une carte (d’abord une carte de sympathisant, puis finalement une carte d’adhérent à part entière) qu’au moment du meeting d’André Colomer à Perpignan. En effet ce dernier, pour préparer l’organisation matérielle de sa réunion publique, ne contacta pas la direction du rayon communiste de Perpignan mais son cousin Joseph Guisset qui se rendit alors, rue Hoche, au local du parti...

Joseph Guisset suivit la campagne du candidat du Parti communiste, Biboulet* dans la circonscription de Prades pour les élections législatives du 12 avril 1928. Il tint à cette occasion plusieurs réunions publiques, notamment à Serdinya (Voir Rius Michel*) et à Escaro (Voir Galindo Paul), villages agricoles et miniers du Conflent. Il fit là ses premiers pas de militant communiste. Biboulet compléta sa formation politique et lui apprit à parler en public. Mais le maire de Rivesaltes tomba malade pendant sa campagne électorale et mourut peu après (on l’enterra le 1er mai 1928). La grande grève des ouvriers agricoles de Rivesaltes impulsée par la CGTU, le Parti communiste et les anarchistes (1928) se solda par un grave échec. Rivesaltes " la Rouge " cessa d’être le grand bastion du Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales qu’elle avait été depuis le congrès de Tours. Le nouveau maire communiste de Rivesaltes, Dominique Roujou* était loin d’avoir les qualités de leader populaire de son défunt beau-père, Biboulet. Par ailleurs, les dirigeants du Parti communiste à Perpignan qui avaient manifesté leur désaccord avec la ligne de leur parti, notamment au moment des élections législatives d’avril 1928, étaient de plus en plus contestés par la direction nationale et par les représentants de l’IC en France. Grâce à son cousin André Colomer, Joseph Guisset était connu à Paris où l’on songea de plus en plus à lui pour remplacer des dirigeants discrédités. Ainsi, il avait été désigné comme candidat aux élections au conseil d’arrondissement dans le canton de Perpignan-est, le 14 octobre 1928. Malgré une dure campagne à l’issue de laquelle il fut licencié de l’agence perpignanaise de la BNC où il travaillait, il ne recueillit que 333 voix alors que le socialiste SFIO Laurent Casse* était élu dès le premier tour avec 2 552 suffrages. Dès son adhésion au Parti communiste, Joseph Guisset était en contact avec Firmin Pélissier* et Raoul Calas*, dirigeants de la Région du Midi du Parti communiste à laquelle les Pyrénées-Orientales furent rattachées dès la " bolchevisation " et jusqu’en août 1934, date de la création de la Région catalane. Au début de 1929, il fut contacté par un représentant de l’IC en France, " Pierre ", qui vint le trouver à son domicile. Finalement, le 9 février 1929, au terme d’une assemblée générale des cellules perpignanaises, Pierre Pacouil*, François Chiroleu*, Émile Masnou* et Sistach furent exclus du Parti communiste. Proposé par " Pierre ", Calas* et Pélissier*, Joseph Guisset se vit confier la responsabilité du rayon de Perpignan et fut chargé de la propagande et de l’organisation pour le département des Pyrénées-Orientales. Amoindri par une vague de démissions qui suivit l’exclusion des quatre principaux dirigeants perpignanais, le Parti communiste était pour ainsi dire réduit à l’état de groupuscule. Pendant quelque temps, l’organisation de ce Parti à Perpignan, réduite à une cellule ne rassembla plus que huit adhérents. Après l’échec de la grève des ouvriers agricoles, la cellule de Rivesaltes (Voir Dardenne Émile*), était au plus bas ; le Parti communiste n’allait pas tarder à perdre la mairie qu’il tenait depuis 1921. Des cellules subsistaient à Céret, (Voir Matheu Ferréol*, Paloma Jean*, à Millas, voir Gendre André*, et à Cerbère chez les cheminots, Voir Tolza Irénée*). Dans le Haut-Vallespir, à Prats-de-Mollo, en Conflent chez les mineurs du fer d’Escaro et de Serdinya et chez les cheminots de Villefranche, dans quelques villages de la Plaine viticole comme Canohès, de petits noyaux militants ou des adhérents isolés maintenaient encore des contacts avec le rayon de Perpignan. Joseph Guisset fut aidé dans sa tâche de reconstitution de l’organisation du Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales par les dirigeants de la région du Midi, Firmin Pélissier*, Raoul Calas* et, plus tard Étienne Fajon*. Mais il se heurtait à l’essor du Parti socialiste SFIO (Voir Payra Jean*). De plus la ligne du Parti communiste, pendant la " troisième période " de l’IC était le plus souvent incomprise par des sympathisants potentiels qui étaient choqués par la dénonciation constante du " social-fascisme " de la SFIO. Aussi, bien que Joseph Guisset ait su faire preuve d’incontestables talents d’organisateur et de leader populaire, les résultats de son action furent malgré tout limités. Après s’être renforcé en 1929-1930 le Parti communiste était, en 1932, en déclin. J. Guisset fut candidat du PC aux élections municipales du 6 mai 1929. Il recueillit 505 voix (inscrits : 12 104 ; votants 8 938 ; exprimés 8 904).

Lorsqu’il accéda à la direction du rayon de Perpignan, Joseph Guisset entreprit de remettre sur pied des cellules qui avaient disparu et d’en organiser de nouvelles. Ainsi furent reconstituées ou fondées les cellules de Perpignan, Pollestres, Canohés, Rivesaltes, Céret, Cerbère, Serdinya, Prats-de-Mollo, Villefranche. Ainsi à Céret, le 1er août 1929, il était à la tête d’une manifestation qui, en dépit de l’isolement du Parti communiste groupa un grand nombre de personnes derrière les militants de la cellule locale ; après avoir affronté les gendarmes qui avaient arrêté un militant communiste (Puig) les manifestants assiégèrent ces derniers dans la sous-préfecture à laquelle ils voulaient mettre le feu ; Joseph Guisset prit la parole pour calmer leur ardeur. À la même époque Joseph Guisset intervenait systématiquement dans les réunions publiques qu’organisait la SFIO : il porta la contradiction aux militants locaux de ce Parti et à ses leaders nationaux, comme Ramadier, de passage en Roussillon. Joseph Guisset était rapidement devenu un orateur capable d’électriser ses auditoires : le plus souvent il s’exprimait en catalan, la langue des couches populaires dans les Pyrénées-Orientales. À Saint-Assiscle, quartier à dominante ouvrière de Perpignan où il résidait, Joseph Guisset fut très vite populaire.

Il fut candidat dans le canton de Perpignan-est lors du renouvellement partiel des conseils généraux du 18 octobre 1931. Il mena une ardente campagne, se déplaçant à bicyclette dans les communes rurales du canton. Son principal adversaire n’était autre que Jean Payra*, leader de la SFIO dans les Pyrénées-Orientales. Joseph Guisset n’obtint qu’un faible nombre de suffrages et Jean Payra fut élu dès le premier tour avec 3 422 voix contre 391 à Joseph Guisset, 2 517 à Carrère, radical, maire d’Elne et 434 à Joly, conservateur.

Licencié de la BNC Joseph Guisset s’embaucha dans le bâtiment comme ouvrier charpentier. Au début des années 1930, la CGTU était, à Perpignan, dans un piteux état ; elle n’était guère implantée que chez les cheminots. Joseph Guisset entreprit de reconstituer les syndicats unitaires de la capitale du Roussillon. Lorsqu’il adhéra au syndicat CGTU des ouvriers du bâtiment celui-ci ne disposait plus que de deux militants : Llugain et Mirailles. Il en fut élu secrétaire et essaya de le renflouer en s’appuyant sur le mouvement des chômeurs qu’il impulsait par ailleurs. En mai 1929 (ou 1930 ?), le syndicat unitaire des ouvriers menuisiers lança un mot d’ordre de grève. Pour populariser cette lutte, Joseph Guisset rédigea des affiches manuscrites. La grève, qui dura 29 jours, reçut un important soutien populaire mais se solda pourtant par un cuisant échec : le syndicat unitaire des ouvriers menuisiers de Perpignan s’effondra. Plus aucun patron ne voulut embaucher Joseph Guisset qui avait été licencié comme beaucoup de ses camarades à la suite de cette grève. Il fut contraint de pratiquer les métiers les plus divers — chauffeur, ouvrier agricole, employé municipal, marchand de poissons, ... — pendant des durées souvent très brèves. Joseph Guisset poursuivit toutefois ses activités au sein de la CGTU et du mouvement des chômeurs. C’est à partir de ce mouvement qu’il réussit à redonner quelque consistance aux syndicats unitaires. Le 23 janvier 1932, la police le surprit dans le lit de la rivière Têt en train d’animer une réunion de chômeurs. Il fut arrêté et conduit devant le service anthropométrique. Traduit devant le tribunal de simple police de Perpignan le 20 février 1932, il fut condamné à 1 F d’amende pour rassemblement sur la voix publique. Peu avant la réunification du mouvement syndical, le mouvement des chômeurs rassemblait quelques centaines d’ouvriers à Perpignan et il fut à la base de la reconstitution de la CGTU dans cette ville. Joseph Guisset continuait d’animer des grèves et, en septembre 1935, il conduisit une grève de cent chômeurs qui s’étaient embauchés pour les vendanges. À la suite de cette lutte, il fut condamné par défaut par le tribunal administratif de Perpignan à trois mois de prison et à 10 francs d’amende pour " tentative d’entrave à la liberté du travail et violation de propriété ". Sur opposition, ce jugement fut confirmé le 20 novembre 1935 en ce qui concerne la peine de prison. Le 22 avril 1936, sur appel à Montpellier (Hérault), cette peine fut réduite de six semaines. En 1935, Joseph Guisset participa au congrès départemental de réunification des syndicats unitaires et confédérés. Avant la Seconde Guerre mondiale, il fut pendant plusieurs années secrétaire du syndicat CGT du Bâtiment et des Travaux publics.

Si Joseph Guisset obtint quelques succès dans son action syndicale, il n’en fut pas toujours de même au plan politique. Les effectifs du Parti communiste s’amenuisèrent dans les Pyrénées-Orientales. Le rayon de Perpignan devint un sous-rayon qui dépendit directement de la direction régionale à Béziers. Joseph Guisset en était le secrétaire. Il était également, en 1932, trésorier de la cellule de Perpignan. En juin 1932 cette cellule regroupait d’après le préfet des Pyrénées-Orientales, 78 adhérents (parmi lesquels une trentaine de militants authentiques) et 105 sympathisants. Le préfet signalait dans un rapport au ministre de l’Intérieur que " le nombre des inscrits diminue tous les jours ". Ce ne fut qu’à partir de 1934 que le Parti communiste commença à revivre à Perpignan et dans les Pyrénées-Orientales. La riposte énergique aux agissements des ligues d’extrême-droite qu’il sut impulser localement, explique en grande partie l’afflux de nouveaux adhérents. En août 1934, les organisations communistes des Pyrénées-Orientales furent séparées de la région du Midi : la Région catalane était fondée. Les directions départementale et locale (Perpignan) du Parti communiste furent remaniées. Des militants qui avaient dirigé le parti pendant la " troisième période " de l’IC s’éclipsèrent partiellement au profit de nouveaux cadres qui s’étaient affirmés dans les mois qui suivirent les événements de février 1934 et à la faveur du tournant stratégique qu’était en train d’opérer le Parti communiste. Joseph Guisset devint secrétaire de la cellule de Perpignan, à la suite du départ de son beau-frère, Michel Rius* à Béziers lors de la création de la Région catalane : en décembre 1934, la cellule de Perpignan regroupait 180 adhérents et environ 250 sympathisants. Joseph Guisset siégea jusqu’en septembre 1939 au comité de la Région catalane, mais ne fut pas élu à son bureau. (Voir Terrat Pierre*). Plus tard, lorsque la cellule de Perpignan fut divisée du fait de l’augmentation du nombre d’adhérents, Joseph Guisset fut chargé du secrétariat de la cellule de son quartier, Saint-Assiscle. En 1934, J. Guisset fut candidat à deux scrutins. Le 7 octobre, il se présenta dans le canton de Perpignan-ouest aux élections du conseil général, il obtint 406 voix. Le candidat SFIO, le représentant de commerce Brice Bonnery*, obtint 1 218 suffrages et fut en ballottage favorable pour le second tour de scrutin. Le 9 décembre 1934, il fut à nouveau candidat dans le canton de Perpignan-ouest pour une élection au conseil d’arrondissement. Il recueillit 222 voix. Joseph Guisset déploya une grande activité dans le cadre des comités Amsterdam-Pleyel contre la guerre et le fascisme dans les Pyrénées-Orientales en organisant la réunion constitutive d’Elne qui rassembla, autour de militants du Parti communiste diverses personnalités de la région comme l’écrivain Ludovic Massé* ou le docteur Michel Coste. Au cours de plusieurs réunions publiques dans diverses communes, il tenta d’étoffer l’implantation du Mouvement Amsterdam-Pleyel mais il se heurta très souvent à l’hostilité des sections socialistes SFIO. En 1935, Joseph Guisset était président du comité Amsterdam-Pleyel de Perpignan. Ce fut au nom de cette organisation qu’il prit la parole lors du grand " rassemblement populaire " du 14 juillet 1935, place Arago, à Perpignan. Il fut une seconde fois candidat du PC à Perpignan lors des élections municipales du 6 mai 1935. Sur 715 voix (inscrits 14 004 ; votants 11 034 ; exprimés 10 783), il fut le candidat de la liste BOP qui obtint le plus de voix (moyenne de la liste : 673 voix).

De 1935 à 1939 Joseph Guisset, membre du comité régional du Parti communiste et secrétaire de cellule ne fut plus qu’un dirigeant de second plan. Il avait des responsabilités dans divers mouvements de masse : Secours rouge, associations de locataires, syndicat CGT du Bâtiment et des Travaux publics. En 1937-1938, il animait toujours le comité des chômeurs qu’il avait mis sur pied au début des années 1930. Ce comité reprit son activité en mars 1937. Joseph Guisset signa régulièrement une chronique des " sans travail " dans Le Travailleur catalan, hebdomadaire régional du Parti communiste.

Mobilisé en septembre 1939, il fut tout d’abord affecté au 4e bataillon de chasseurs pyrénéens à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales). " Suspect du point de vue national ", il aurait pu avoir des ennuis avec la Sécurité militaire s’il n’avait été " couvert " par un colonel compréhensif. Par la suite, il rejoignit avec son unité le Doubs puis le Territoire de Belfort où il prit part aux combats de mai-juin 1940. Prisonnier en Allemagne, il put se faire rapatrier en 1942.

De retour en Roussillon, Joseph Guisset participa à la lutte clandestine dans le triple cadre du Parti communiste, du Front national et des Francs-Tireurs et Partisans. Son nom de clandestinité fut M. Antoine. Pendant quelque temps, il prit le maquis dans la forêt de Boucheville au-dessus du petit village de Vira (Pyrénées-Orientales). Là s’étaient réfugiés des militants clandestins — comme Julien Dapère qui avait réorganisé le Parti communiste en 1941 et 1942— traqués par la police vichyssoise. Le maquis de Vira fut d’ailleurs davantage un refuge qu’un foyer de résistance armée : ceux qui s’y rendirent fabriquèrent du charbon de bois qu’ils revendaient pour survivre dans la montagne. Joseph Guisset quitta Vira pour Perpignan en décembre 1942 alors que les forces armées allemandes avaient occupé la zone sud.

Il était en contact avec André Sola, infirmier à l’hôpital de Perpignan, militant communiste et responsable départemental du Front National, Sébastien Rius* futur infirmier et communiste, responsable des FTP, Julien Panchot* responsable du Parti communiste clandestin à Canohés. Pendant la période qui va de son séjour à Perpignan jusqu’à son arrestation en avril 1944, Joseph Guisset dut changer plusieurs fois d’emploi. Il travailla d’abord comme secrétaire orienteur à la " maison du prisonnier ". Mais, soupçonné d’avoir des activités dans la Résistance, il dut quitter cette place et fut employé pendant quelque temps à la conserverie Saint-Mamet, près de Perpignan. Un résistant, Descous, ancien secrétaire du député SFIO de Céret, Joseph Parayre*, lui trouva finalement une place sûre chez Pons, fabricant de cannes à pêche à Perpignan, route d’Elne. Pendant plusieurs mois Joseph Guisset s’occupa des revues FTP recommandées par Sébastien Rius* que lui présentait Salies, un vieux cheminot communiste, qui servait d’intermédiaire.

Joseph Guisset fut arrêté par la Gestapo le 12 avril 1944. Il fut interné à la Citadelle de Perpignan puis à Compiègne avant d’être déporté au camp de concentration de Neuengamme, en Allemagne. Joseph Guisset ne survécut à cette épreuve que parce que, en tant que détenu politique, il bénéficia de la solidarité active de ses camarades de " commando ". Membre de l’organisation clandestine du camp, il était commandé dans son travail par un instituteur social-démocrate allemand qui aidait de son mieux les " politiques " qu’il avait sous ses ordres. Joseph Guisset put survivre jusqu’à la libération du camp par une unité de l’armée américaine : paralysé et ne pesant plus que 32 kg, il fut soigné à Bruxelles avant de pouvoir regagner Perpignan.

Il reprit bientôt ses activités politiques et syndicales " avec bien plus de fougue " qu’avant 1939, ainsi que le notait le service départemental des Renseignements généraux dans un " rapport d’enquête ", n° 6911/05 du 26 juillet 1948. Il aurait pu devenir maire de Prats-de-Mollo s’il avait accepté de figurer en tête de la liste communiste lors des élections municipales de 1945 ; de même il refusa un poste de permanent syndical. Il siégea au comité de la Fédération communiste des Pyrénées-Orientales et fut élu secrétaire adjoint de l’Union locale des syndicats CGT de Perpignan. Dans le rapport cité ci-dessus Joseph Guisset était qualifié de " syndicaliste convaincu, toujours prêt à payer de sa personne, contrairement à certains qui, plus prudents, se contentent de manoeuvrer dans la coulisse ". Comme dans les années 1930-1934 Joseph Guisset se consacra, entre 1945 et 1947 à la cause des chômeurs. En mai 1948, il anima une importante grève d’ouvriers agricoles. Le 13 mai 1948, à la tête d’un groupe de grévistes il pénétra dans la propriété de Jean Roux à Château-Roussillon (commune de Perpignan) et vida des récipients contenant des produits cryptogamiques destinés au sulfatage des vignes. Le propriétaire, qui estimait le préjudice causé à 3 000 F, déposa une plainte qui reposait uniquement sur le témoignage du seul régisseur. Le 5 juin 1948, alors que le RPF des Pyrénées-Orientales organisait une réunion publique où Gaston Palewsky devait prendre la parole, Joseph Guisset arma de fusils et de grenades quelques militants syndicalistes qui se trouvaient dans les locaux de la Bourse du Travail. Après s’être adressé aux passants en catalan, il prit la tête d’un groupe de militants communistes qui pénétrèrent dans la salle Arago de Perpignan et empêchèrent la tenue du meeting du RPF. Il y eut une échauffourée au cours de laquelle fut frappé Joseph Rous [de Puyvalador]* (homonyme du député SFIO de Prades entre 1932 et 1940) alors président de la section du RPF de Perpignan et futur (1961-1983) maire de Puyvalador (Pyrénées-Orientales). Ce dernier porta plainte pour coups et blessures contre Joseph Guisset. Le 6 novembre, Fernand Cortale*, secrétaire fédéral du PCF (voir ce nom) écrivait dans les colonnes du Travailleur Catalan, hebdomadaire de la Fédération communiste des Pyrénées-Orientales : " le 10 novembre (date de l’audience correctionnelle du tribunal de Perpignan devant lequel comparut Joseph Guisset), Perpignan républicain ne laissera pas condamner Joseph Guisset, ancien déporté des camps de la mort. " Joseph Guisset fut condamné à six jours de prison avec sursis. Entre temps il avait constitué un syndicat CGT chez Pons, fabricant de cannes à pêche chez qui il travaillait depuis son retour d’Allemagne et il déclencha une grève à la suite de laquelle il fut licencié (vers 1947-1948). Ne pouvant plus trouver de travail à Perpignan ni dans les communes voisines — plus aucun patron ne voulait embaucher un tel agitateur — il dut se résoudre à acheter une petite exploitation agricole sur laquelle il pratiqua la polyculture. Sa nouvelle profession, qui l’occupait beaucoup, l’amena à renoncer aux fonctions qu’il exerçait au sein du PCF et de la CGT. Désormais, Joseph Guisset était un simple militant de base du PCF. Il prit alors sa plume pour écrire sous le pseudonyme de " L’espigolaire " (le glaneur, en catalan) dans les colonnes du Travailleur Catalan, de virulents pamphlets rédigés en langue catalane : après son élection à la mairie de Perpignan en 1959, Paul Alduy (qui aujourd’hui (1976) est toujours maire de cette ville) fut la cible favorite de Joseph Guisset.

Après la mort de sa femme en 1964 — il s’étaient mariés en septembre 1925 — et après avoir pris sa retraite, Guisset put exercer ses talents de poète qui s’étaient déjà manifestés lorsqu’il travaillait, dans son adolescence, comme berger à Prats-de-Mollo. Il avait déjà écrit, avant 1960, pour la station de la RTF de Perpignan, en collaboration avec Julià Gual (originaire de Mataró, province de Barcelone, Espagne, poète catalan, secrétaire du violoncelliste Pau (Pablo) Casals, réfugié politique en 1939) un conte en langue catalane : L’Angeleta de Nadal (La petite Angèle de Noël). À partir de 1965, il écrivit des poésies (plusieurs dizaines), en catalan, français et castillan dont quelques-unes ont été publiées dans diverses revues.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76319, notice GUISSET Joseph, André, Côme par André Balent, version mise en ligne le 12 février 2010, dernière modification le 16 juin 2015.

Par André Balent

OEUVRE : Articles dans Le Travailleur catalan, hebdomadaire de la Fédération communiste des Pyrénées-Orientales, dont une série d’articles en catalan publiés sous le pseudonyme de " L’espigolaire " (le glaneur). — En collaboration avec Julià Gual : L’Angeleta de Nadal, conte radiodiffusé. — Nombreux poèmes dont certains sont inédits.

SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, versement du cabinet du préfet (16 septembre 1959), liasse 50 (" suspects " 1940-1959), renseignements généraux, rapport d’enquête n° 6 911/65 daté 28 juillet 1948 qui retrace les divers épisodes de la vie militante de Joseph Guisset de 1929 à 1948, note du service départemental des renseignements généraux datée 10 novembre 1948 ; versement du cabinet du préfet (13 septembre 1951), liasse 64 (Parti communiste 1932-1933), annexes au rapport du préfet des Pyrénées-Orientales au ministre de l’Intérieur (21 juin 1932), rapport du commissaire spécial détaché à Perpignan au préfet des Pyrénées-Orientales (15 juin 1932) ; liasse 177 (Parti communiste en 1933-1934 et SFIO en 1934), annexes au rapport du préfet des Pyrénées-Orientales au ministre de l’Intérieur, 28 décembre 1934 ; liasse 187 (suspects années 1930), notice individuelle de police, 10 juin 1932. — Arch. com. Perpignan, état civil. — Le Cri socialiste, 13 octobre et 15 décembre 1934, 11 mai 1935, 13 juillet 1935. — Le Travailleur Catalan, hebdomadaire de la Région catalane du Parti communiste (années 1936-1939). — Le Travailleur du Languedoc, 27 octobre 1934, hebdomadaire de la région du Midi du Parti communiste. — Léo Figuères, Jeunesse militante-Chronique d’un jeune communiste des années 30-50, Paris, 1971, 256 p. — Horace Chauvet, La politique roussillonnaise (de 1870 à nos jours), Perpignan, 1934, 256 p. — Michel Cadé, Le parti des campagnes rouges. Histoire du Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales 1920-1939, Marcevol, éditions du Chiendent, 1988, 346 p. — Le Cri socialiste, 13 octobre et 15 décembre 1934, 11 mai 1935, 13 juillet 1935. — Interview de Joseph Guisset, Perpignan, 24 décembre 1974.— Etat civil.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable