JANSEN Paul, Pierre. Pseudonyme dans la Résistance : JACQUELIN

Par Laurent Besse

Né le 31 juillet 1914 à Metz (Moselle), mort le 22 octobre 2001 à La Chapelle-en-Vercors (Drôme) ; résistant dans le Vercors ; directeur et délégué des Maisons des jeunes et de la culture dans l’académie de Grenoble et dans l’Est de la France, délégué adjoint puis délégué général de la FFMJC (1962-1975).

Né, en Moselle alors allemande, d’un père manutentionnaire devenu chef de service dans entreprise de chaussures de Metz et d’une mère sans profession, il est l’aîné de trois frères. Il fit ses études au collège Saint-Clément de Metz tenu par les Jésuites et échoua au baccalauréat. Après une nouvelle tentative suivie d’un échec au lycée de Metz, il se résolut à entrer dans l’entreprise où travaillait son père. Il fit son service militaire à la base aérienne de Metz et y découvrit la radio et devint rapidement radio-amateur. Ayant repris son emploi dans l’usine de chaussure, il créa, dans le contexte du Front populaire, une section d’aviation populaire dans l’esprit des CLAP (centres laïques d’aviation populaire) soutenus par Léo Lagrange. Il y regroupa des adolescents de milieu populaire, dont son jeune cousin André Jager. Il créa également une formation prémilitaire de lecteurs au son (morse). Par ailleurs, il devint membre de la LFAJ (Ligue française des auberges de la jeunesse). En 1939, il fut mobilisé dans l’armée de l’air. Après la débâcle, démobilisé à Toulouse, il revint à Metz, d’où sa famille fut expulsée en septembre ou octobre 1940. Lui-même s’était enfui peu avant, sous une fausse identité. Après avoir erré à Lyon, la famille Jansen se dirigea vers Romans sur Isère (Drôme), capitale de la chaussure. Paul Jansen devint alors professeur de lettres dans un collège de Villars de Lans. Insatisfait, il participa du 1er septembre au 30 novembre 1941, au deuxième stage de formation de chefs de maisons de jeunes à Chamarges près de Die (Drôme), organisé par le secrétariat à la Jeunesse, avec l’appui en particulier des Éclaireurs de France. L’école de Chamarges, dirigée par l’éclaireur Maurice Rouchy dépendait de l’école des cadres d’Uriage qui y délégua en particulier Joffre Dumazedier*. À l’issue de sa formation et d’un stage complémentaire à l’école des sports aériens, Paul Jansen devint instructeur à l’école de Chamarges, avant de prendre la direction de la maison de jeunes de Romans début mars 1942.

À partir de l’automne 1942, il fut en contact avec des hommes de l’Armée secrète. Tout en préservant l’image d’une maison de jeunes neutre, Paul Jansen entraîna une poignée d’adolescents dans des actions de résistance. On compte parmi eux le futur spécialiste de Shakespeare Richard Marienstrass et Marcel Jansen (1923-1985) (dit Le Mohican), frère cadet de Paul Jansen, qui prit clandestinement des photographies du maquis. En juin 1943, le camp d’été de la maison de jeunes sur le plateau du Vercors se transforma en camp de préparation militaire. Au cours des mois suivants, le groupe cacha des armes et réceptionna des parachutistes anglais. En juin 1944, la section du lieutenant Jacquelin (Paul Jansen), membre du groupe Daniel, participa aux combats du Vercors, décrocha mais ne se dispersa pas, et prit part à la libération de Valence et Romans. Le sous-lieutenant Paul Jansen intégra le 11e cuirassiers. Il fut cité à l’ordre de la division et reçut la croix de guerre. Il épousa une jeune fille de La Chapelle-en-Vercors, Denise Vallier (1920-2009), résistante. Le coupla eut quatre enfants.

Paul Jansen reprit un temps son poste à la maison des jeunes de Romans qui fut autorisée, à la différence de la majorité des autres, à reprendre son activité. Il fut en lien avec la République des jeunes fondée à Lyon en septembre 1944 autour d’André Philip*, pour favoriser la naissance de maisons des jeunes démocratiques. Après avoir dirigé quelques semaines une maison de jeunes à Chambéry en mars 1945, Paul Jansen devint délégué régional de la République des jeunes pour l’académie de Grenoble, mais refusa le poste de délégué général à Paris. La république des jeunes se transforma en Fédération française des MJC (FFMJC) de 1946 à 1948 Il fut muté sur sa demande à Metz, où il devint délégué régional pour l’Est et le Nord à partir de septembre 1946.. Paul Jansen développa pendant une douzaine d’années une activité très importante, en particulier dans les départements alsaciens et lorrains qui furent des bastions des MJC : soutien aux activités culturelles, contact avec les autorités locales, formation des bénévoles. Il anima par ailleurs un ciné-club à la MJC de Metz et prit des responsabilités au conseil d’administration de la FFCC (Fédération française des ciné-clubs), ainsi qu’à la section Est de l’ANCEJ (Association nationale du cinéma pour l’enfance et la jeunesse). En novembre 1957, il finit par accepter la demande d’Albert Léger, délégué général de la FFMJC, de venir épauler le siège national, alors à Neuilly-sur-Seine. Il y retrouva son cousin André Jager qu’il avait recruté à la Libération comme directeur de maison de jeunes et, qui, depuis 1950, avait bâti en compagnie d’Albert Léger l’appareil administratif de la fédération. Délégué général adjoint, Paul Jansen participa à la grande expansion des MJC à partir de l’automne 1959, lorsque celles reçurent l’appui du haut-commissaire Maurice Herzog qui entendait développer les loisirs organisés des jeunes. Après le départ anticipé d’Albert Léger* pour cause médicale en septembre 1961, c’est Lucien Trichaud* qui devint délégué général de la fédération et non Paul Jansen. Ce dernier désapprouva la politique de Lucien Trichaud*, qu’il jugeait trop personnelle, mais il ne suscita pas d’opposition ouverte.

Celle-ci éclata au grand jour dans un contexte de crise interne et de conflit avec l’autorité de tutelle, lorsque Lucien Trichaud* démissionna de ses fonctions en avril 1969 et appela à la création de fédérations régionales scissionnistes. Soutenu par le ministre Comiti, qui dénonçait une FFMJC politisée, Lucien Trichaud* reçut l’appui de nombreux membres du conseil d’administration, dont André Philip*, ainsi que des délégués. Au siège fédéral, seuls demeurent fidèles à la FFMJC maintenue, Paul Jansen et André Jager. Catholiques de gauche, ne pouvant être soupçonnés ni de philo-communisme, ni de soutien aux revendications du syndicat du personnel, ils apparaissaient comme les garants de l’indépendance de la FFMJC tant vis-à-vis du gouvernement que du personnel. À ce titre, ils jouaient un rôle essentiel dans la préservation de la FFMJC qui, à l’issue de la crise, regroupa les deux-tiers des MJC et plus des trois-quarts de celles qui employaient des directeurs salariés. Devenu délégué général, Paul Jansen fut à la tête d’un centre fédéral qui se résuma désormais à un tandem avec André Jager, les autres postes de délégués ayant été supprimés par le gouvernement. Il réussit à normaliser les relations avec le ministère de tutelle, en jouant en particulier de son statut de bouclier contre l’influence communiste. Ses relations avec le président du conseil d’administration Paul Jargot* furent « rugueuses » pour reprendre une de ses expressions, mais malgré tout, en 1975 lorsqu’il quitta la délégation générale, Paul Jansen laissa une fédération qui avait retrouvé ses effectifs de 1969 malgré des moyens administratifs extrêmement réduits. À l’issue d’une procédure de succession difficile, c’est André Jager* qui lui succéda à la délégation générale.

Paul Jansen se retira dans le Vercors, où il continua, jusqu’à son décès en 2001, à œuvrer pour la vie locale, l’éducation populaire et la mémoire du Vercors, dans le cadre de l’Association nationale des pionniers et combattants volontaires du Vercors.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76323, notice JANSEN Paul, Pierre. Pseudonyme dans la Résistance : JACQUELIN par Laurent Besse, version mise en ligne le 12 février 2010, dernière modification le 7 février 2022.

Par Laurent Besse

ŒUVRE : « La naissance des MJC » dans Geneviève Poujol (dir.), Éléments pour l’histoire de l’éducation populaire, INEP, Marly-le-Roi, 1976. — Paul Jansen, Reporter au maquis, Photos de Marcel Jansen, Éd. Peuple libre, Valence, 1994.

SOURCES : Arch. Jansen, Arch. Dép. Val-de-Marne (546J) et entretien avec Paul Jansen, La Chapelle-en-Vercors, sept. 1997. — Notice biographique de Paul Jansen rédigée par André Jager et entretiens avec André Jager, Paris et Marc Malet, Annecy. — Laurent Besse, Les MJC 1959-1981. De l’été des blousons noirs à l’été des Minguettes, PUR, Rennes, 2008. —Jean-Claude Leroyer, Les adhérents de la M.J. de Romans dans la résistance, Romans, MJC Espace de recherche, 1991 (à utiliser avec précaution).

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