HUBER Serge, Émile

Par Paul Boulland, Daniel Grason, Alain Prigent

Né le 21 janvier 1924 à Argenteuil (Seine-et-Oise, Val-d’Oise), mort le 30 décembre 2016 à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) ; métallurgiste ; résistant ; secrétaire des fédérations du PCF de Seine-Ouest et d’Ille-et-Vilaine ; membre suppléant du comité central du PCF (1956-1964) ; adjoint au maire de Rennes (1977-1995) ; conseiller régional de Bretagne (1977-1986).

Serge Huber
Serge Huber

Les parents de Serge Huber, de nationalité suisse, émigrèrent en France et s’installèrent à Argenteuil. Son père travailla comme brodeur. À la suite du décès prématuré de son mari, le 1er mai 1940, à quarante ans, Mme Huber dut élever seule ses quatre enfants. C’est dans ces circonstances qu’à l’âge de seize ans, Serge Huber alla travailler chez Gnome & Rhône à Gennevilliers (Seine, Hauts-de-Seine). En 1942, toujours à Gennevilliers, il entra à la SECAN qui fabriquait les ailes de l’avion allemand Heinkel. À partir de 1943, Serge Huber cotisa au Parti communiste clandestin. Au début de l’année 1944, il s’efforça de ralentir la production durant les horaires de nuit imposés par son entreprise. Il fut alors licencié et affecté chez Chausson, à l’usine G, où il travailla, entre autres, sur les prototypes d’autocars. Peu après, il s’engagea dans les FTP à Argenteuil. Serge Huber intégra le bataillon Hoche, constitué en novembre 1944 au Mont Valérien pour succéder à la colonne Fabien. Versé dans la 1ère armée française commandée par le général de Lattre de Tassigny, avec les commandos d’Afrique, il participa à la campagne d’Alsace et d’Allemagne, prenant notamment part aux combats de Cernay (Haut-Rhin) et de Staufen (Allemagne). Il se maria le 4 juin 1945 avec Suzanne, Thérèse Rothenmacher, à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine).

Démobilisé en mars 1946, il retrouva un emploi chez Chausson, à l’usine G de Gennevilliers, comme ouvrier tôlier sur la chaîne de montage des carrosseries d’autocars. Il adhéra immédiatement au PCF et à la CGT et devint rapidement délégué du personnel et au comité d’entreprise. Au sein du syndicat CGT, il participa à l’organisation des grandes grèves de 1947 et 1950. Il appartenait alors à une équipe de jeunes militants syndicaux chapeautée par Jacinto Jimenez, l’un des organisateurs de la solidarité avec l’Espagne républicaine dans le département de la Seine. Serge Huber devint secrétaire du syndicat CGT du groupe Chausson (Asnières, Gennevilliers, Meudon) et membre de l’Union syndicale des travailleurs de la métallurgie (USTM) pour la branche automobile, dirigée par Henri Beaumont. Toutefois, l’activité de la CGT connut chez Chausson des difficultés dont Serge Huber rendit compte dans son intervention à la 5e conférence de la Fédération de la Seine du PCF en décembre 1951 à Montreuil (Seine, Seine-Saint-Denis). En 1947, la CGT disposait d’une très forte influence dans l’usine (857 adhérents CGT pour 1 000 travailleurs) sous la direction d’une équipe mêlant communistes et non-communistes. En 1950, la CGT et le PCF menèrent une violente campagne contre les militants trotskystes de Chausson qui avaient organisé au cours de l’été une brigade de jeunes volontaires pour la Yougoslavie, afin de participer à la construction de l’université de Zagreb. Ils étaient dénoncés régulièrement par des tracts et des articles dans la presse communiste, en particulier Octave Vieillard*, ouvrier de l’usine d’Asnières. La même année, la « grève rouge » initiée par la direction communiste du syndicat déboucha sur un échec après cinq semaines de conflit, provoquant un reflux majeur de la CGT (250 syndiqués sur 1500 salariés). Face à ce constat, Serge Huber plaida pour un retour aux pratiques de démocratie ouvrière dans les syndicats. L’année suivante, lors du 18e congrès de la Fédération des travailleurs de la métallurgie d’octobre 1952, son intervention affichait une tonalité semblable. Après la manifestation violente contre la venue à Paris du général Ridgway, il soulignait que « Tout ce qu’il y avait en nous de sectarisme, de routine remontait en surface dans la préparation de cette manifestation. »

Secrétaire du syndicat CGT des Métaux de Gennevilliers, au début de 1953, Serge Huber fut élu quelques mois plus tard au comité de la fédération communiste de Seine-Ouest. Après lui avoir fait suivre une école centrale d’un mois, la direction fédérale proposa en mars 1955 de le promouvoir au bureau. Considéré par la Section de montée des cadres (SMC) comme « un militant très lié aux travailleurs de l’usine [Chausson] et des autres usines », il accéda au secrétariat fédéral et devint permanent de la fédération Seine-Ouest en juin 1955. Il fut reconduit dans cette responsabilité l’année suivante et assura, aux côtés de Roger Linet*, le secrétariat de la section communiste de Renault Billancourt où 56 000 salariés étaient employés à l’époque. À ce titre, il fut élu au comité central, comme suppléant, lors du XIVe congrès du PCF tenu au Havre (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) du 18 au 21 juillet 1956. Après l’attaque des locaux de l’Humanité et du PCF, le 7 novembre 1956, Serge Huber organisa la riposte chez Renault, emmenant le cortège qui participa à la manifestation parisienne du lendemain. Au printemps 1957, il suivit l’école centrale de formation politique de quatre mois. Dans le même temps, accaparé par ses responsabilités à la section Renault, il fut ramené au bureau fédéral de Seine-Ouest en avril. Il fut reconduit au comité central, toujours comme suppléant, lors du XVe congrès (Ivry-sur-Seine, 1959) et lors du XVIe congrès (Saint-Denis, 1961). En février 1960, le secrétariat du PCF le désigna pour suivre les organisations de masse aux côtés de Roland Leroy, nouveau responsable du secteur. Domicilié à Asnières depuis une décennie, Serge Huber fut victime d’une tentative de plastiquage de l’OAS contre son immeuble, dans la nuit du 24 janvier 1962. L’explosion d’une bombe au rez-de-chaussée détruisit la loge de la concierge, tenue par sa belle-mère.

Au même moment, une grave crise secouait la fédération d’Ille-et-Vilaine. Officiellement en retrait de la vie politique pour des raisons de santé, Émile Guerlavas* venait de quitter son épouse Simone Guerlavas*, elle-même secrétaire de l’UD-CGT. Guerlavas fut relevé de ses fonctions par la direction nationale du PCF qui craignait que sa situation familiale ne crée un scandale dans ce département très catholique. Émile Guerlavas signa son dernier éditorial dans le supplément départemental de l’Humanité Dimanche du 15 avril 1962. La direction nationale du PCF proposa à Serge Huber de reprendre les affaires en main à Rennes. Huber qui n’avait aucune attache en Bretagne accepta cette responsabilité et arriva à Rennes au printemps 1962. Dans cette période, il signa un certain nombre d’éditoriaux et participa, au titre du PCF, à la réunion du 5 juillet 1962 célébrant, avec des travailleurs algériens de la région de Rennes et des représentants du FLN, l’indépendance de leur pays. Il prononça également l’allocution lors de la fête fédérale de juillet 1962. Le 27 janvier 1963, lors de la conférence fédérale, Serge Huber fut élu premier secrétaire de la fédération, en présence de Roland Leroy. Émile Guerlavas fit son autocritique à la tribune, se déclarant prêt à assumer les tâches que le parti voudrait bien lui confier. Dès son arrivée, Serge Huber eut également à gérer les effets de la crise de l’UEC à l’université de Rennes, en particulier autour du philosophe Robert Lamblin*. Ce dernier conservait toutefois le souvenir d’un dirigeant « politiquement assez ouvert » et critique envers l’héritage du stalinisme.

Serge Huber ne fut pas réélu au comité central lors du XVIIe congrès (Paris, mai 1964) afin de se consacrer à ses responsabilités en Ille-et-Vilaine. Le nouveau secrétaire fédéral fixa comme objectif prioritaire l’implantation du PCF dans les entreprises du département, notamment dans les usines Citroën de La Barre-Thomas et La Janais, implantées à la fin des années 1950 dans le cadre d’un plan national de déconcentration. Aidé par Christian Bertin*, secrétaire permanent de la fédération, Serge Huber travailla activement à la réalisation de cet objectif malgré la politique répressive de la direction, l’opposition « musclée » du syndicat maison, la CFT, et l’absence de traditions politiques dans une main-d’œuvre ouvrière jeune et issue du monde rural. Ils purent s’appuyer sur un premier noyau de militants souvent issus des milieux chrétiens, comme Yannick Frémin et Joseph Cussoneau venus de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). L’activité de la fédération communiste connut dans les années suivantes une importante progression qui se traduisit par la création de nombreuses cellules et sections, le doublement de ses effectifs et la diffusion jusqu’à 50 000 exemplaires de son journal rennais, animé par Yves Brault*. La venue à Rennes de Roland Leroy pour une initiative en direction des chrétiens réunit 2 000 personnes. Celle de Georges Marchais en 1977, rassembla 4 000 participants.

Serge Huber fut candidat aux élections législatives du 23 juin 1968 dans la circonscription de Rennes Sud, obtenant 10,4 % des suffrages exprimés (7 178 voix). Son score était en recul par rapport à celui de 1967 où il avait atteint 8 713 voix et 12,46 % des suffrages exprimés. Il fut à nouveau candidat aux élections législatives de mars 1973, dans la même circonscription, obtenant 9 128 voix soit 11,52 % des suffrages exprimés. En 1976, il dirigea les négociations avec le PS en vue d’un accord pour les élections municipales de 1977. À l’issue du scrutin, le PCF obtint un résultat inédit avec 14 conseillers. Élu au conseil municipal de Rennes, Serge Huber devint adjoint au maire chargé des problèmes de l’eau, poste qu’il occupa pendant trois mandats, jusqu’en 1995. Désigné par les fédérations, il siégea également au conseil régional de Bretagne, entre 1977 et 1986. En 1977, il abandonna ses responsabilités fédérales et laissa sa place de premier secrétaire à Michel Collet* puis quitta le comité fédéral lors de la conférence suivante.

En 1995, il ne se représenta pas aux municipales. Il avait souhaité que son successeur à la gestion de l’eau engage un processus de municipalisation. La reconduction de l’affermage l’affecta profondément : « Alors que nous défendions les services publics, je n’étais pas d’accord pour que nous fassions le contraire concernant l’eau qui est la source de la vie ». La même année, il cessa toute activité pour raison de santé et quitta le PCF. Il reprit sa carte en janvier 2009, après le XXXIVe congrès de décembre 2008 : « Il me semblait que la politique du Front de gauche était porteuse d’avenir ». Il vit aujourd’hui entre Rennes et sa résidence des Côtes d’Armor.

Serge Huber fut promu au grade de chevalier de la Légion d’honneur, en avril 1999, au titre de ses 51 ans d’activités professionnelles, de service militaire et de fonctions électives. Cette décoration lui fut remise par Jean-Claude Gayssot, ministre de l’Équipement, des Transports et du Logement dans le gouvernement de Lionel Jospin.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76365, notice HUBER Serge, Émile par Paul Boulland, Daniel Grason, Alain Prigent, version mise en ligne le 18 février 2010, dernière modification le 23 octobre 2020.

Par Paul Boulland, Daniel Grason, Alain Prigent

Serge Huber
Serge Huber

SOURCES : Arch. comité national du PCF. — Regards sur l’Ille-et-Vilaine, supplément de l’Humanité Dimanche. — Bretagne Nouvelle, hebdomadaire des fédérations du PCF de Bretagne (1968-1981). — Bernard Massèra et Daniel Grason, Chausson, une dignité ouvrière, Syllepse, 2004. — Michel Pigenet, Les « Fabiens » des barricades au front (septembre 1944 – mai 1945), l’Harmattan, 1995. — Michel Pigenet, Au cœur de l’activisme communiste des années de guerre froide. « La manifestation Ridgway », l’Harmattan, 1992. — Claude Poperen, Renault regards de l’intérieur, Éd. Sociales, 1983. — Robert Lamblin, Une vie : autobiographie sociale, politique, philosophique, l’Harmattan, 2005. — Notes de Christian Benoit. — Entretien téléphonique du 23 janvier 2010 et lettre du 15 février 2010 à Daniel Grason. — État civil.

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