DEBOCK Louis, Guillaume

Par Louis Bretonnière, Michel Cordillot

Né le 12 avril 1822 à Lille (Nord), mort le 8 décembre 1891 à Bruxelles (Belgique) ; typographe et poète ; quarante-huitard ; membre de l’Internationale ; syndicaliste de la typographie ; communard.

Fils de Séraphin Debock, tisserand, et de Reine Direick, en 1846, Louis Debock fonda avec Georges Duchêne, Coutant, Bouchet, Lesourd, Joseph Mairet, un groupe qui publiait des brochures sur des sujets d’actualité intéressant la classe ouvrière.

Lors de l’insurrection de février 1848, il se battit et fut légèrement blessé lors de l’attaque du Château d’Eau, place du Palais-Royal. Quelques jours après l’insurrection, il se rendit en délégation auprès de Proudhon avec les frères Mairet, Duchêne et Vasbenter, pour lui demander de collaborer au journal Le Représentant du Peuple, à la rédaction et à l’administration duquel eux-mêmes avaient accepté de participer. Après quelques hésitations (à cause du titre qui ne lui convenait pas), Proudhon accepta finalement.

Le 25 mars 1849, Debock fut l’un des membres fondateurs du Comité électoral typographique. Connu pour ses opinions engagées, il fut contraint de s’exiler au lendemain du coup d’État du 2 décembre 1851. Rentré en France clandestinement, il fit l’objet d’une condamnation à Lille pour avoir colporté des écrits interdits (25 F d’amende le 16 juin 1858). À l’occasion de l’amnistie de 1859, il rentra à Paris, donnant même des gages de son attachement à la politique étrangère de l’empire en publiant ses « Strophes sur la question d’Italie » :

Et vous, nobles enfants qui portez de la France

L’emblème de la gloire et de l’indépendance

Vers les rives du Pô,

Vous allez parcourir ces plaines où naguère

Les mêmes ennemis ont rencontré vos pères,

Arcole et Marengo !

Mais les temps ont changé ; à la soif des conquêtes

Qui toujours déchaînaient sur elles les tempêtes

Des États alarmés,

La grande nation oppose en récompense

Du sang de ses enfants la soif de délivrance

Des peuples opprimés.

En 1862, alors qu’il travaillait depuis un an à l’Imprimerie Paul Dupont, Debock fut l’un des instigateurs de la grève des compositeurs protestant contre l’introduction de femmes dans les ateliers. Traduit en justice en compagnie de six autres compositeurs, il apparut comme le principal porte-parole du groupe et fut condamné le 9 mai 1862 à 10 jours de prison et 16 francs d’amende ; ayant interjeté appel, il vit sa peine confirmée par un arrêt du 6 juin.

Quelques années plus tard, il fut l’un des premiers adhérents de l’Internationale, et il figura parmi les signataires, en février 1865, d’une déclaration « ouvriériste » – voir Aubert Jean. De janvier 1865 à l’élection de la Commission administrative de 15 membres qui suivit en octobre 1866 le congrès de Genève, il fit partie du bureau parisien de l’Internationale et fut, à ce titre, un des adjoints aux trois secrétaires correspondants : Tolain, Fribourg et Ch. Limousin. Il fut rédacteur à la Tribune ouvrière, 4 juin-9 juillet 1865, journal publié par le bureau parisien de l’AIT.

Pendant le Siège, Louis Debock servit comme lieutenant au 167e bataillon de la Garde nationale. Autour de 5 heures l’après-midi du 18 mars 1871, il entra à l’Imprimerie nationale avec Pindy et le 86e bataillon, et s’en empara au nom du Comité central. Il demanda au directeur Hauréau, qui refusa de la lui donner, la liste des ouvriers. Il fit alors venir le chef des travaux, qui lui communiqua le nom de quelques-uns d’entre eux, et à 2 heures du matin les affiches annonçant la victoire du Comité central couvraient les murs de la capitale.

Louis Debock assura la direction de l’Imprimerie nationale pendant toute la Commune. À l’exception des cadres supérieurs, le personnel fut conservé ; mais à la fin du mois de mars, sur l’injonction de Versailles, tous les employés et chefs de service s’en allèrent. Debock en profita pour faire nommer les chefs d’atelier par les ouvriers. Il encouragea aussi les ouvriers afficheurs à s’associer et fit régler les arriérés de salaire. Le 10 avril, il demanda à la municipalité du 4e arrondissement de « mettre un tambour à sa disposition afin de battre aux champs pour la cérémonie de la pose du drapeau de la Commune à l’Imprimerie nationale ».

Durant la Semaine sanglante, il fit tout pour éviter les destructions inutiles. En effet, le 24 mai, il donna l’ordre – sur leur demande – à Georges Debock, son fils, et André Alavoine « d’empêcher par tous les moyens possibles toute tentative d’incendie qui pourrait être faite aux Archives nationales ». Il écrivit en marge : « On ne doit pas ignorer que toute désobéissance aux ordres de la Commune ou du Salut public entraîne la peine capitale. » Si bien que d’après une note sans date mais postérieure à son procès, le directeur des Archives, demeuré à son poste, « a déclaré que grâce aux ordres donnés par le condamné, l’Imprimerie avait été préservée de l’incendie ».
Le soir du 24 mai, Debock se retira à Belleville où il réussit à faire composer diverses proclamations et affiches durant les derniers jours de lutte.

Le 21 février 1873, il fut condamné par contumace à la déportation dans une enceinte fortifiée.

Étant parvenu à échapper à l’arrestation, il arriva en septembre 1871 en Belgique, se fixa à Saint-Josse-ten-Noode dans la banlieue de Bruxelles. Il vécut réfugié dans cette ville, où il aurait présidé un cercle socialiste. Gracié le 20 mars 1879, il décida toutefois de ne pas rentrer en France et mourut dans sa ville d’adoption en décembre 1891 ou début janvier 1892. Un hommage lui fut rendu dans la rubrique « Nécrologie » de l’organe officiel de la Fédération française des travailleurs du livre où l’on se rappelait encore de lui comme d’un militant dévoué et d’un « poète très goûté ».
Il était marié et père d’un enfant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76421, notice DEBOCK Louis, Guillaume par Louis Bretonnière, Michel Cordillot, version mise en ligne le 18 février 2015, dernière modification le 30 juin 2020.

Par Louis Bretonnière, Michel Cordillot

ŒUVRE : Biquot réhabilité, critique d’une pochade en vers libres, intitulée « le Nez d’Biquot », Paris, Impr. de Prissette (1861), in-8°, 8 p., Bib. Nat. Ye 41 403. – Strophes sur la question d’Italie, Lille, impr. de Destigny (1859), Gr in-8°, 1 p., Bib. Nat., Ye 5777.

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/855, n° 1969. – Il semble que ce soit par erreur que les Arch. Belges attribuent à Debock cinq ans de prison en 1862 pour attentat à la pudeur. Elles le prénomment Gérôme au lieu de Guillaume (cf dossier de Sûreté générale 261 160 – en 1880 – aux Arch. Générales du Royaume. – Procès des ouvriers typographes, Paris, Poulet-Malassis, 1862 et Les Ouvriers typographes en appel, Paris, Poulet-Malassis, 1862 – Pour l’annonce de son décès, voir Typographie française. Organe officiel de la Fédération des travailleurs du Livre, XIe année, n° 247, 16 janvier 1892. – Paul Chauvet, Les Ouvriers du Livre en France, de 1789 à la constitution de la Fédération du Livre, Paris, Rivière, 1964. — État civil en ligne cote 5 Mi 044 R 143, vue 222. — Michel Cordillot (coord.), La Commune de Paris 1871. L’événement, les acteurs, les lieux, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, janvier 2021.
D’après les auteurs des Procès-verbaux, t. 1, p. 61, n 4, la Bibliothèque de la Ville de Paris possède une nombreuse correspondance adressée à Debock comme directeur de l’Imprimerie nationale.

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