Par Madeleine Singer
Né le 4 décembre 1921 à La Frette (Isère), mort le 26 septembre 1993 à Reims (Marne) ; professeur d’enseignement général (PEG) lettres ; membre du comité national du Syndicat général de l’Éducation nationale (SGEN) de 1964 à 1977, ainsi que du bureau national CET (collège d’enseignement technique) de 1970 à 1977.
Joseph Jacob était le benjamin des trois enfants d’Hippolyte Jacob, alors cocher, qui devint ensuite chauffeur de taxi. Celui-ci avait épousé Maria Bergeret, contremaîtresse dans une usine de soieries où elle travailla jusqu’à la retraite. Après avoir fait ses études primaires à La Frette, dans une école privée, Joseph Jacob entra au petit séminaire, puis poursuivit sa scolarité chez les Jésuites à Vienne (Isère) ; il y passa le baccalauréat, sans doute en occupant un poste de surveillant. Il partit ensuite à Lyon (Rhône) où il eut comme professeur Emmanuel Mounier qui s’intéressa à lui et l’aida à entreprendre une licence de droit. Mais en juin 1942, Joseph Jacob dut partir en Allemagne pour le STO (service du travail obligatoire) que les Allemands venaient d’instaurer avec l’accord du gouvernement de Vichy (Allier). À son retour en France, il fut réformé et entra à Lyon dans un centre d’apprentissage (CA), sans doute en qualité de moniteur, puis passa quelques mois à l’École nationale normale d’apprentissage (ENNA) de Lyon d’où l’on sortait PEG.
C’est alors qu’il rencontra Paulette Varry, infirmière et sage-femme à Reims. Comptant l’épouser en mai 1948, il demanda auparavant son affectation à Reims car sa future épouse désirait y poursuivre sa carrière jusqu’à la retraite qu’elle prit à 62 ans, vu la fatigue du métier. Joseph Jacob fut nommé en avril 1948 au CA Belin ; il passa en 1953 au CA dit « Neufchâtel » car il se trouvait dans une rue conduisant à Neufchâtel-sur-Aisne (Marne). Il y prit sa retraite en 1982, les CA étant dans l’intervalle devenus CET, puis LEP (lycée d’enseignement professionnel). Le sien s’appelle maintenant « Eiffel ».
On ne sait si à Lyon Joseph Jacob eut des contacts avec le Syndicat national des centres publics d’apprentissage (SNCPA), créé en 1946. Mais il dut très vite se syndiquer car en arrivant au CA « Neufchâtel », il fut responsable de la section locale du SNCPA. Quand le Lien des centres annonça le 2 février 1956 l’élection des représentants du personnel enseignant des centres au sein du comité départemental de l’Enseignement technique pour la Marne, Joseph Jacob figura parmi les trois candidats du SNCPA. La Marne faisait alors partie de l’académie de Paris car l’académie de Reims ne fut créée que le 1er janvier 1962 ; celle-ci comprit alors outre la Marne, la Haute-Marne, l’Aisne, les Ardennes et l’Aube. Quand en 1962 le SNCPA s’intégra dans le SGEN, Syndicalisme universitaire publia la liste des secrétaires académiques pour les CA devenus en 1959 CET. Pour Reims, c’était Joseph Jacob qui remplissait déjà cette fonction au sein du SNCPA devenu SNCET ; il la conserva jusqu’à ce qu’il devint en 1972 permanent confédéral.
Dès la création du bureau académique SGEN de Reims, il y figura comme secrétaire académique général adjoint aux côtés de Pierre Lherbier* qui rappela lors des obsèques de Joseph Jacob « le rôle capital que celui-ci avait joué dans la création, l’organisation et le développement de la section académique. Il anima et coordonna l’action syndicale dans les CET évidemment ; mais de mille manières et en particulier par les sessions de formation, il favorisa la syndicalisation dans les sections non enseignantes : agents de service, administration universitaire. Pour tout le personnel auxiliaire (enseignants, surveillants, agents), il fut l’ami, le conseiller et un recours respecté par l’administration. Ainsi contre les tendances au repli corporatiste, il tenait chaque jour le pari du syndicat général sans pour autant négliger les CET où il rechercha constamment l’unité d’action librement conclue entre les organisations syndicales ».
Syndicalisme universitaire fit plus d’une fois écho à la connaissance que Joseph Jacob avait de la situation dans les CET de son académie. Ainsi en octobre 1963, le bulletin syndical signala que ces CET avaient un nombre relativement important de postes non pourvus dans presque toutes les disciplines, les auxiliaires occupant plus de 40 % des postes budgétaires : par exemple à Reims-Neufchâtel, il y avait pour l’enseignement littéraire, sept auxiliaires et trois titulaires. Quand en 1977, Syndicalisme universitaire évoqua l’action à la base dans diverses régions, il cita notamment l’audience accordée au Syndicat par le Recteur de Reims (recrutement et formation des stagiaires externés) ainsi que l’action commune du SGEN académique avec le SNETP (Syndicat national de l’enseignement technique public) et le SNETAA (Syndicat national de l’enseignement technique et de l’administration académique) au sujet de la notation : 800 demandes de révision de ladite note avaient été formulées et les syndicats de l’académie de Reims réclamaient la réunion d’une commission administrative paritaire académique (CAPA) car il y avait une distorsion scandaleuse entre les notes.
Enseignant dans des établissements dont la finalité était de former des professionnels qualifiés, Joseph Jacob s’était dès le départ intéressé aux problèmes généraux du monde du travail. Il rédigea pour l’encart de Syndicalisme universitaire consacré aux CET, le 7 avril 1965, un long article, « La formation professionnelle et l’avenir des collèges techniques ». Deux ans plus tard, en mai 1967, sous le titre « Polyvalence et spécialisation », il rapporta dans le bulletin syndical « un point de vue patronal » qui confirmait, disait-il, les réserves déjà formulées par le secrétaire national SGEN des CET, Jules Béneton, au sujet du Brevet d’enseignement professionnel (BEP) ; Joseph Jacob avait en effet assisté à une conférence du spécialiste de la formation professionnelle, donnée le 11 avril à la Chambre de commerce de Reims : les jeunes qui sortent des CET avec un CAP (Certificat d’aptitude professionnelle) peuvent, disait ce dernier, exercer immédiatement le métier qu’ils ont appris, alors que les titulaires du BEP seront inutilisables à court terme et auront besoin d’une formation complémentaire.
En même temps luttant contre les sectarismes ou les préjugés, Joseph Jacob prouvait la laïcité de son organisation par son adhésion au Parti socialiste (PS) ainsi qu’en défendant la laïcisation des statuts confédéraux. En 1964 il contribua en effet au passage de la CFTC à la CFDT, tant en organisant des réunions de section dans les CET qu’en participant à celles qui rassemblaient les syndicats appartenant à l’Union locale (UL) et à l’Union départementale (UD). Il ne se contentait pas d’un syndicalisme étriqué et prit part à tous les combats de la Confédération. Dans les années 1958-1962, il s’était soucié de la défense des libertés publiques et de la paix en Algérie ; aussi joua-t-il un rôle actif chaque fois que la CFTC appelait à manifester avec les étudiants et les autres syndicats ; un de ses collègues se souvient encore aujourd’hui de l’avoir vu un jour debout sur le toit d’un autobus. De même dix ans plus tard, en Mai 68, il participa aux rencontres intersyndicales ainsi qu’aux manifestations.
Or ces préoccupations n’inspiraient pas seulement son action locale. Membre titulaire du comité national du SGEN depuis 1964, Joseph Jacob prit part activement à tous les débats. En mai 1967 Paul Vignaux*, secrétaire général, présenta au comité national un long rapport sur les « Trente ans d’action syndicale du SGEN » : il y rappelait notamment que le Syndicat s’était opposé à la Charte du travail instaurée par le gouvernement de Vichy, laquelle instituait le syndicalisme unique et obligatoire, et par conséquent intégrait celui-ci dans l’Etat. Ce furent les questions de Joseph Jacob qui lancèrent la discussion sur la notion d’intégration. À ce même comité national, il évoqua l’expérience de l’unité d’action dans les CET et analysa les résultats du deuxième tour des élections législatives qui avait eu lieu le 12 mars : il y voyait un réflexe de contestation sociale et pas seulement un courant unitaire. Ce scrutin avait en effet été marqué par une progression de la gauche.
Joseph Jacob participa plus étroitement à l’action nationale à partir de 1970, car lors du congrès de mars, il fut élu membre du bureau national CET. Il y demeura jusqu’à ce qu’au congrès de 1977, l’équipe dirigée par Jules Béneton fut mise en minorité. Depuis le changement de majorité intervenu en 1972 au sein du SGEN, la section nationale des CET était la seule ayant conservé les anciens dirigeants qui avaient soutenu Paul Vignaux et Charles Piétri. À ce congrès de 1977, le rapport d’orientation de J. Béneton fut rejeté et une autre secrétaire nationale, Christine Berthonnet, fut élue. Joseph Jacob quitta donc les organes directeurs, c’est-à-dire le comité national et le bureau national CET.
Il se consacra dès lors à son académie et à son rôle de secrétaire national CFDT qu’il garda jusqu’à la retraite. En effet en 1972, il était devenu permanent de la Confédération et appartint au « secteur action économique, emploi, éducation permanente ». L’organigramme confédéral indique qu’il avait en charge les problèmes d’enseignement, de la petite enfance aux IUT (Institut universitaire de technologie), et par conséquent les relations avec les syndicats d’enseignants, de la Recherche et les fédérations de parents d’élèves. Il suivait les différentes instances qui traitaient du congé individuel de formation et de la formation professionnelle ; il faisait partie du conseil de gestion du Fonds de la formation professionnelle. Aussi lorsqu’en 1974, le SGEN organisa avec la CFDT une conférence « Éducation et société », c’est lui qui, avec Raymond Lebescond*, secrétaire confédéral également, présenta dans Syndicalisme universitaire cette « étape de la réflexion confédérale sur l’enseignement ». La conférence se déroula du 1er au 3 mars et réunit environ 150 participants dont les quatre/cinquièmes étaient des syndicalistes : militants désignés par les Unions régionales et les fédérations CFDT ou militants SGEN. Le reste était constitué par des personnalités extérieures choisies pour leurs compétences : journalistes, sociologues, spécialistes de l’enseignement et de l’éducation. Pendant cette période 1972-1982, Joseph Jacob représenta la CFDT tant au Conseil supérieur de l’Éducation nationale qu’au conseil d’administration de l’ONISEP (Office national d’information sur les enseignements et les professions).
Ce syndicaliste était aussi un militant politique qui très tôt adhéra au Parti socialiste (PS) ; il fut candidat du PS lors des élections législatives de juin 1968 et de mars 1978 dans la troisième circonscription de Reims, la première fois comme suppléant, la deuxième fois comme titulaire. Dans les années 1990, il cotisait toujours au PS, mais on ne le voyait plus guère à la permanence, vu son état de santé. Dès qu’il fut à la retraite, Joseph Jacob fit partie de la section départementale des retraités SGEN où l’on n’a pas oublié sa présence souriante. Tant que sa santé le lui permit, il se préoccupa des rapports entre le SGEN et la CFDT, se soucia des problèmes de formation professionnelle et permanente. Il fut l’un des piliers régionaux du SGEN-CET et un membre actif de son équipe nationale.
Par Madeleine Singer
SOURCES : M. Singer, Le SGEN 1937-1970, Thèse Lille III, 3 vol. (Arch. Dép. Nord, J1471) ; Histoire du SGEN, Presses universitaires de Lille, 1987 ; Le SGEN. Des origines à nos jours, Paris, Le Cerf, 1993, collection « Histoire ». (Arch. Dép. Nord, J1578). — Le lien des centres (1952-1961). — Syndicalisme universitaire (1962-1977). — Hommage du SGEN à Joseph Jacob, Profession éducation, novembre 1993. — Lettre de Paulette Jacob, son épouse (lettre accompagnée de l’allocution prononcée par P. Lherbier lors des obsèques de Joseph Jacob), à M. Singer, 9 novembre 2000. — Lettre d’Annie Kuhnmunch, conservateur des archives confédérales, à M. Singer, 12 décembre 2000. — Lettre de P. Lherbier à M. Singer, 29 janvier 2001. — Entretien avec Madeleine Dupuis (militante du PS ayant bien connu Joseph Jacob), le 6 juin 2001 (archives privées). — État civil de La Frette.