JOLIVET Jean, Gaston, Marie, Louis

Par Madeleine Singer

Né le 9 janvier 1925 à Saint-Cloud (Seine-et-Oise), mort le 8 mars 2018 à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) ; docteur ès lettres, directeur d’études à l’École pratique des hautes études (EPHE) ; membre du bureau national du Syndicat général de l’Éducation nationale (SGEN) de 1958 à 1962.

Jean Jolivet était l’unique enfant de Louis Jolivet, inspecteur du contentieux à la « Société des chemins de fer économiques », chemins de fer à voie étroite ayant des réseaux dans quelques régions de France, employé selon l’acte de naissance. Celui-ci était syndiqué à la CFTC et avait épousé Marceline Pénin qui était secrétaire aux Pompes Guinard. Jean Jolivet fit ses études secondaires au lycée de Saint- Cloud et passa le baccalauréat en 1943. Il prépara au Lycée Louis-le-Grand l’entrée à l’ ENS où il fut admis en 1945. Licencié de philosophie en 1946, il fut reçu à l’agrégation de philosophie en 1949. Étant de la classe 1945, il fut « considéré comme ayant satisfait à ses obligations militaires ». Il enseigna donc aussitôt au lycée Carnot à Dijon et fut muté en 1950 au lycée d’Évreux.Il se maria dans cette ville en décembre 1951 avec Annie Lacroix. Nommé sur sa demande en 1952 au lycée Bugeaud à Alger, il devint en 1955 chercheur au CNRS car il s’était spécialisé dans la philosophie latine et arabe médiévales.

Nommé maître-assistant à la Sorbonne en 1961, il passa en cette qualité à Nanterre en 1964, puis l’année suivante à l’EPHE. En 1970 il y obtint une direction d’études, « Religions et philosophies dans le christianisme et l’Islam au Moyen-âge », poste qu’il occupa jusqu’à sa retraite en 1993. Il avait été en même temps jusque 1992 directeur au Centre d’histoire des sciences et de la philosophie arabe, dont l’équipe est associée au CNRS et à l’EPHE. Il avait soutenu en 1969 sa thèse, Arts du langage et théologie chez Abélard, avec une thèse secondaire, L’intellect selon Kindî, et fut l’auteur de nombreux ouvrages. Il avait épousé en 1951 Anne Lacroix ; ils eurent deux enfants, l’une journaliste, l’autre institutrice.

Vers 1950 il avait fait la connaissance de Paul Vignaux* dont il avait lu un livre traitant de la philosophie médiévale. Il adhéra au SGEN l’année suivante, en étant au lycée d’Evreux. Spécialiste du monde arabe, il écrivit à la demande de Paul Vignaux des articles pour Reconstruction. En mai 1956 il donnait une documentation de base qui permettait de « s’initier aux choses de l’Islam » : pour éclairer les problèmes politiques qui se posaient alors, il indiquait les rapports entre la religion et la société dans le monde musulman, la place du syndicalisme, les relations de la communauté musulmane avec le marxisme et, d’une manière générale, les sociétés étrangères. En janvier 1957 il présentait avec Pierre Cournil « Le Moyen-Orient arabe » : les conditions économiques et sociales (population, ressources, etc.), la situation politique.

On comprend qu’au troisième colloque pour la solution du problème algérien, le 17 avril 1958, il se soit trouvé aux côtés de Paul Vignaux*, de Jean Brocard et de Jean Mousel* ; pour la première fois en effet les organisations syndicales étaient invitées à ces colloques organisés depuis juin 1957 par des membres de l’Enseignement supérieur et du CNRS ; Jean Jolivet figurait dans la délégation SGEN à titre de « conseiller technique » selon l’expression de Syndicalisme universitaire. La même délégation SGEN se retrouva au colloque du 30 mai 1959. Si la présence de Jean Jolivet n’est plus attestée dans les comptes rendus des colloques de 1960 et 1961 qui se déroulèrent en province, celui-ci travaillait sur ces questions tant avec Paul Vignaux qu’au syndicat : le comité national des 2- 3 mai 1959 s’en était préoccupé et avait donné mandat au bureau national de suivre les travaux de ces colloques. Or par une décision du comité national du 13 décembre 1958, Jean Jolivet était devenu membre suppléant du comité national, au titre de l’Enseignement supérieur et du CNRS, et désigné ensuite comme membre du bureau national, les articles 14 et 45 du règlement permettant de procéder à cette cooptation.

Siégeant également au bureau du SGEN-Supérieur, il représenta avec Jean-Louis Hamel la section du Supérieur à la conférence de presse de l’UNEF qui, le 2 février 1961, réclamait notamment l’allocation d’études ainsi qu’une allocation-logement. A la demande de Paul Vignaux, Jean Jolivet avait écrit en 1958 un article sur « l’enseignement et le sens civique et politique » pour La Dépêche du Midi. Aussi lorsqu’en avril 1959 la Revue militaire d’information consacra un numéro entier à l’enseignement français, Jean Jolivet fut chargé par Paul Vignaux de faire dans Syndicalisme universitaire une mise au point : il montra que la prétention des militaires à être des éducateurs était dangereuse, au moment où dans l’armée se révélait une conception inquiétante de la défense des « valeurs de notre civilisation » car elle préconisait une « action psychologique », c’est-à-dire le conditionnement des hommes au moyen de techniques d’endoctrinement.

En 1962 Jean Jolivet quitta le bureau national et cessa de militer au SGEN car il était trop pris par ses recherches personnelles. Toutefois, vu son expérience de l’Algérie, il accepta d’être élu suppléant de Madame David qui siégeait au comité national au titre des relations culturelles et il demeura dans cet organisme jusqu’en 1964. Il redevint alors simple adhérent ; sans démissionner du SGEN en 1973 avec Paul Vignaux, il se détacha peu à peu du syndicat et cessa finalement de cotiser dans les dernières années de sa carrière. Elu au comité national du CNRS en 1967, il y siégea jusqu’en 1986.

À Rueil-Malmaison, sa commune de résidence, il avait été secrétaire local du Comité Vietnam de 1966 à 1968, puis secrétaire local du Secours rouge de 1970 à 1973, assurant à ce titre la liaison avec l’organisme central. Il ne faut pas confondre cette organisation avec le Secours rouge international, fondé en 1933 et lié au Parti communiste. Le Secours rouge auquel travaillait Jean Jolivet datait de 1970 : son Comité d’initiative comprenait d’anciens communistes exclus ou dissidents, d’anciens membres des réseaux de soutien au FLN ainsi que des militants de Mai 1968. Il avait pour but de soutenir et d’organiser la résistance populaire aux diverses formes d’exploitation économique, politique, sociale (travail, logement, transports, etc.). Actif pendant trois ans, il se désagrégea ensuite.

En 1997 Jean Jolivet continuait à travailler, comme il le faisait depuis qu’il était à la retraite, dans les deux domaines qui étaient les siens : la philosophie médiévale latine et la philosophie classique arabe Il était chevalier des Palmes académiques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76430, notice JOLIVET Jean, Gaston, Marie, Louis par Madeleine Singer, version mise en ligne le 23 février 2010, dernière modification le 28 juin 2021.

Par Madeleine Singer

ŒUVRE : outre les deux thèses, publiées l’une chez Vrin, l’autre chez Brill (Leyde), notons entre autres Abélard ou la philosophie dans le langage, Paris, Seghers, 1969. — « La philosophie médiévale en Occident », dans Histoire de la philosophie, I, Paris, Gallimard, 1969. — Shahrastani, Livre des religions et des sectes, II, trad., intr. et notes, avec G. Monnot, Peeters/Unesco, 1993. — Philosophie médiévale arabe et latine, Vrin, 1995.

SOURCES : M. Singer, Le SGEN 1937-1970, Thèse Lille III, 1984, 3 vol. (Arch. dép. Nord, J 1471) ; Histoire du SGEN, 1987, PUL. — Cahiers Reconstruction (1956- 1957). — Syndicalisme universitaire (1958-1967) — Lettres de Jean Jolivet à M. Singer, 6 juillet 1995, 22 juin 1997, 13 juillet 1997, 29 août 1997. (archives privées).— Etat civil.

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