Par José Gotovitch
Né le 18 mai 1891 à Verviers (province de Liège), mort au camp de concentration de Neuengamme, le 17 juin 1942 ; ouvrier ourdisseur, dirigeant fédéral du PCB, militant syndical du textile, rapporteur devant la section latine du Profintern en 1934.
Issu d’une famille d’ouvriers tisserands de la région lainière de Verviers, ayant deux frères et trois sœurs se situant aux frontières du petit commerce, de l’artisanat et du monde ouvrier, Jean Fuya termina l’école primaire et commença à travailler à 15 ans comme apprenti ourdisseur, puis comme ourdisseur qualifié. Il se marie en 1921. Avant la crise, il se situe dans la « bonne aisance ouvrière », trois salaires nourrissant le ménage : celui de sa femme (Jeanne Gouvy, née en 1885), nettoyeuse d’étoffe, syndiquée et issue d’une famille socialiste ouvrière et militante, et de son fils, tisserand, né en 1906 (enfant de Jeanne, légitimé par mariage).
Secrétaire adjoint du syndicat des ourdisseurs, section de la Centrale ouvrière textile de 1924 à 1929 et membre de son comité exécutif, il particulièrement actif depuis 1906 dans les nombreuses grèves qui secouent le textile. Dès 1929 il prend des responsabilités au SOI dont il assura le secrétariat fédéral de 1929 à 1932, et figura parmi les fondateurs des Amis de l’URSS. Il est membre du cercle de Libre Pensée, « les Solidaires ». En 1930, le PCB fit appel à lui et dès 1932 il fit partie du secrétariat fédéral de Verviers, à l’agit-prop et au travail syndical. Il est rédacteur de l’organe syndical du PC verviétois, La Défense Ouvrière. Son entrée au Parti coïncide avec son exclusion du syndicat socialiste et il assure dès lors bénévolement le secrétariat de l’O.S.R.
En 1934 Verviers est secoué par une très longue ( 22 février-30 juillet) et très dure grève dans le textile, industrie emblématique de la région. Répression policière, patronale, hostilité social-démocrate se conjuguent pour isoler les grévistes et les réduire. Jean Fuya préside le comité central de grève. Il assure la rédaction et la sortie des journaux et des tracts. Il sera d’ailleurs condamné en juillet 1934 pour délit de presse. Il est définitivement réduit à l’état de chômeur, l’embauche lui étant partout refusée. Il vivra du salaire de sa femme et de son fils. D’octobre à novembre 1934, il est appelé à Moscou pour faire rapport sur la grève devant le secteur latin du Profintern. Aux élections communales de 1938, il figure en 4e position sur la liste communiste d’Andrimont et sera désigné comme conseiller suppléant, le PC ayant obtenu deux sièges.
Sa formation politique est selon ses propres dires « confuse » et réduite, faite essentiellement de la lecture de quelques brochures alors qu’une bibliothèque anarchiste lui procura dans sa jeunesse une certaine culture générale. Au niveau central, il ne fit qu’une apparition unique lors d’un Comité central élargi de 1932. L’on peut s’interroger sur cette absence de « carrière » ainsi que la non- sélection pour l’ELI de ce cadre réellement inscrit dans les luttes ouvrières, dans un parti largement déficitaire en cadres prolétaires populaires. Sans doute la spécificité verviétoise, particulièrement riche en cadres communistes de qualité et bien implantés, ( Cf Joseph Leemans*) empêcha la promotion de « trop » de militants issus de la région. Chômeur, Fuya assura bénévolement des charges militantes et sera l’une des victimes de l’opération « Barbarossa », rafle des militants communistes le 22 juin 1941. Enfermé au fort de Huy, il fit partie du premier convoi de déportés belges vers l’Allemagne en septembre 1941. Il meurt à Neuengamme, emporté par l’épidémie de typhus qui ravagea le camp de concentration.
Par José Gotovitch
SOURCES : RGASPI, 495-193-98. Service des Victimes de Guerre, Bruxelles, dossier Prisonnier Politique. — Xavier Botterman, Histoire du mouvement communiste à Verviers (1919-1940), Bruxelles, Carcob, 2009. — Administration communale de Dison. — État civil.