LACOSTE André, Abel, Joseph.

Par André Balent

Né le 11 décembre 1905 à Espira-de-l’Agly (Pyrénées-Orientales), mort le 22 septembre 1987 à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) ; ouvrier maçon à Rivesaltes ; militant de la CGTU, puis de la CGT ; militant du PC ; résistant des Pyrénées-Orientales puis de l’Ariège ; dirigeant clandestin du PC et du FN de l’Ariège ; organisateur des maquis du Pays de Foix et du Pays d’Olmes ; dirigeant syndical avant et après la Seconde Guerre mondiale dans les Pyrénées-Orientales ; administrateur de caisses de sécurité sociale des Pyrénées-Orientales ; conseiller municipal de Rivesaltes.

André Lacoste était le fils de Jean, propriétaire agricole âgé de 47 ans en 1905 et d’Émilie Telasco, sans profession, âgée de 39 ans à cette même date. Veuve, sa mère dut travailler comme ouvrière agricole afin de subvenir aux besoins de ses trois enfants. .Son village d’origine, Espira-de-l’Agly est seulement distant de 4 km de Rivesaltes où il s’installa et où il milita, à l’exception des mois, intenses, de clandestinité.

Il travailla à partir de l’âge de treize ans comme ouvrier agricole pendant une année. Puis il fut embauché comme manœuvre dans une entreprise du Bâtiment. En 1926, il quitta Espira pour effectuer son service militaire au 37e régiment d’infanterie coloniale. Gravement blessé pendant des manœuvres, il fut réformé et à son retour, il reprit avec difficulté son métier de maçon.

André Lacoste exerça la profession d’ouvrier maçon à Rivesaltes où il se maria le 14 janvier 1928 à Rivesaltes avec Yvonne Grau dont il eut trois enfants. André Lacoste se manifesta en premier lieu avant tout comme syndicaliste, d’abord à la CGTU dès 1928 (pendant la grande grève des ouvriers agricoles de Rivesaltes, imposant mouvement qui décida de son engagement) puis à la CGT réunifiée en 1935. La militance syndicale le conduisit à adhérer ensuite au PC en 1930.

Il vécut avec intensité les années 1934-1936 en participant aux manifestations qui préparèrent la victoire du Front populaire. Très actif en juin 1936, pendant la grève générale, il exalta, selon son camarade et ami très proche, Émile Dardenne, « l’occupation des chantiers et des usines ».

En septembre 1936, il était secrétaire du syndicat CGT du Bâtiment de Rivesaltes nouvellement créé et qui groupait trente-cinq adhérents. Au mois de mars 1937, André Lacoste était secrétaire de l’Union locale des syndicats CGT de Rivesaltes et de la Bourse du Travail de cette ville. Il occupa cette fonction jusqu’à la dissolution du Parti communiste, en septembre 1939. Présent au XXVIe congrès de l’Union départementale CGT des Pyrénées-Orientales (Perpignan, salle du « Centro español », 19 décembre 1937) à l’issue duquel les syndicalistes communistes devinrent majoritaires et évincèrent les ex-confédérés de la direction, André Lacoste fut élu à la commission administrative de l’Union départementale et à la commission de propagande. Délégué au XXVIIe congrès de l’UD-CGT (Le Boulou, 18 décembre 1938), il fit une intervention en faveur du rapport moral d’André Saunières mis en cause non seulement par les ex-confédérés mais également par quelques ex-unitaires. Il fut également, ainsi que le révèle une lettre qu’il adressa au président du conseil général des Pyrénées-Orientales, à propos de la grève des ouvriers qui participaient à la construction du pont Salengro (aujourd’hui, pont Joffre) à Perpignan, secrétaire de la 32e région fédérale des travailleurs du Bâtiment, du Bois et des Matériaux de construction (Pyrénées-Orientales et Aude). Il demeura secrétaire de la Région fédérale du Bâtiment de décembre 1937 à septembre 1939.

Actif aussi dans le cadre de la solidarité à l’Espagne républicaine, il assuma, à partir du début de 1937, la coordination du passage clandestin de volontaires des Brigades internationales (Voir aussi Dardenne Émile, Gendre André) et coordonna l’action des passeurs par Céret (avec Michel Bordet et Gaston Cardonne), Las Illas (Voir Dabouzi François) et L’Albère ; par Prats-de-Mollo (avec l’instituteur François Roig) ; par Banyuls-sur-Mer ; par mer, par Agde (Hérault) et Sète (Hérault). Pour mener à bien cette tâche, il collaborait avec des communistes héraultais, Vincent Siciliano, André Chassefière). Il accompagna parfois des volontaires jusque au cœur de combats en cours, comme la bataille de Tremp, sur le front du Sègre (mai 1938) pendant laquelle (Lacoste faillit tomber entre les mains des franquistes, ou celle de l’’Èbre (juillet-novembre 1938) . Après la Retirada, Lacoste fut présent lors de l’arrivée des réfugiés à Prats-de-Mollo, Le Perthus et Cerbère (Pyrénées-Orientales) et, comme beaucoup de responsables syndicaux, s’occupa de leur sort lorsqu’il furent internés dans les camps de la côte roussillonnaise.

À la fin de 1939, son nom fut inscrit sur la liste départementale des « suspects du point de vue national » dressée à l’occasion de la dissolution du Parti communiste. Il fut chassé des organismes directeurs des syndicats confédérés en janvier 1940 comme les militants du PC.

En septembre 1939, il fit partie du premier « triangle » régional clandestin du PC avec Joseph Baurès et François Cavaillez. Il confectionnait des tracts sur une ronéo cachée au mas Bernis près de Rivesaltes.

Il fut arrêté le 24 août 1940 en même temps peu après Émile Dardenne et peu avant Georges Comaills, autre Rivesaltais, non adhérent du PC, arrêté le 18 août pour avoir refusé de se découvrir lors d’une manifestation pétainiste. Cette quadruple arrestation —un autre communiste rivesaltais, Antoine Lévy fut aussi arrêté— serait liée aux « incidents » du 17 août 1940 lorsque 200 « Sénégalais » , « indigènes coloniaux rapatriables » manifestèrent devant la mairie de Rivesaltes. Les communistes « notoires » du crû furent aussitôt soupçonnés d’avoir inspiré cette manifestation de militaires « indigènes ». Tous quatre connurent dans un premier temps le même destin. Transféré avec ses compagnons le 9 septembre 1940, d’abord à Castelnaudary (Aude), André Lacoste fut ensuite conduit à Montgey (Tarn) afin d’y être « interné administrativement ». Au cours d’une marche de transfert, son ancienne blessure militaire fut réactivée. Hospitalisé à Carcassonne (Aude), il fut libéré le 20 novembre 1941.

Il participa bientôt à la résistance d’obédience communiste et acquit d’importantes responsabilités dans les FTPF, le FN et l’appareil clandestin du PC. Dès la fin de 1941, il récupérait des armes et des munitions et était en contact avec Julien Dapère. Il intégra les FTPF des Pyrénées-Orientales en décembre 1943. Le CMR lui confia aussitôt la responsabilité du secteur de la vallée de l’Agly, dans le nord du département du détachement « Babeuf » de la 411e compagnie, actif dans la basse vallée de l’Agly et le nord du Roussillon. Il participa à la création de groupes de FTP « légaux », répartis dans plusieurs communes de cette zone. Mais cette implantation demeura faible. André Lacoste était alors connu sous les pseudonyme d’ « Abel », son second prénom de l’état civil. Pour des raisons de sécurité, André Lacoste se réfugia en Ariège le 12 avril 1944. Après son départ dans le département voisin, le détachement Babeuf de la 411e compagnie ne comprenait plus que deux hommes et était à réorganiser totalement.

En Ariège, il fut bientôt chargé d’importantes fonctions, devenant le responsable du PC clandestin et du FN. Il fut aussi promu à l’état major départemental des FTPF et devint « inspecteur des maquis » (FTPF) du département. Ceux qui étaient implantés dans le Pays d’Olmes et dont il avait supervisé, après Georges Delcamp, la formation furent attaqués. De violents combats eurent lieu, opposant les maquis des FTP et des guerrilleros de l’AGE aux Allemands, miliciens et GMR, à Vira (9 juin 1944) et à Roquefixade (6-7 juillet 1944) où 16 maquisards furent tués. Il retrouva à l’occasion Amilcare Calvetti*, de Sète (Hérault), ancien responsable des FTP des Pyrénées-Orientales, devenu commandant du maquis de Vira.

Le 18 août 1944, les FTPF purent entrer à Pamiers évacué par les Allemands. Un "tribunal du peuple" fut rapidement mis en place. Sa création fut décidée par André Lacoste. Cette juridiction d’exception a été remarquée car elle agit pendant une durée relativement longue, du 19 au 31 août 1944. Certes, elle permit de réguler la fureur de populations civiles révulsées par le déchaînement de violences perpétrées, au cours des semaines précédents, par les forces d’occupation et les vichystes. Du fait même de son caractère expéditif, des "bavures", comme celle dont fut victime Joseph Laborde, ne purent être évitées. Cependant, les femmes condamnées, au nombre de sept, si elles furent tondues et furent victimes d’humiliations supplémentaires dues à leur genre, avaient réellement été coupables de graves faits de collaboration. En prenant le contre-pied de Pierre Laborie, auteur d’une communication remarquée au colloque de Foix (Pays pyrénéens et pouvoirs centraux, 1 à 3 octobre 1993) sur ce thème, Claude Delpla a corrigé une de ses conclusions. Il a pondéré aussi le jugement de Laborie en faisant remarquer que, si autour de 200 personnes furent arrêtées, le tribunal du peuple a ordonné d’en relâcher environ 150 par manque de preuves ou parce qu’elles étaient manifestement innocentes.

André Lacoste a aussi couvert le crime de guerre commis par les guerrilleros de l’AGE, le 19 août 1944, le soir même de la libération de Foix dont ils avaient été la cheville ouvrière. Au Couderc (Le Merviel, commune maintenant rattachée à celle de Dun), vingt-cinq officiers allemands, dont une femme, furent passés par les armes, sans jugement, par des hommes de la 3e brigade de l’AGE (Ariège). On ne pouvait pas leur reprocher d’avoir commis des crimes dans la répression de la Résistance. Circonstance aggravante, cinq d’entre eux, dont la femme, étaient des membres de l’organisation de résistance anti-nazie, d’obédience communiste, le Travail allemand ! Les corps ne furent exhumés que entre 1965 et 1970, sous la conduite d’Aimé Gos. Interrogé par Claude Delpla sur cet événement, Lacoste ne lui donna que de vagues réponses. Des précisions furent finalement apportées par Claude Delpla et Jean-Jacques Pétris au tout début des années 2010.

Il revint dans les Pyrénées-Orientales dès septembre 1944 afin de reprendre sa place à l’UD-CGT et assurer la reconstitution de la 32e Région fédérale du Bâtiment.

Le XXIXe congrès de l’UD-CGT des Pyrénées-Orientales à Perpignan, 15 février 1946, l’élut à la commission administrative et il devint secrétaire permanent de l’UD des syndicats CGT des Pyrénées-Orientales (le secrétaire général était Pierre Terrat*). André Lacoste siégea pendant de nombreuses années à la CA de l’UD-CGT. En 1946, il fut élu secrétaire du conseil d’administration de la caisse primaire d’Assurance maladie des Pyrénées-Orientales. En 1974, il était toujours délégué à la caisse primaire de sécurité sociale comme représentant de la CGT au collège des salariés : il avait été successivement élu premier vice-président (juillet 1947), 5e vice-président (juin 1950) et président (novembre 1955) au conseil d’administration de la caisse primaire de sécurité sociale des Pyrénées-Orientales. À cette date, la CGT détenait 20 mandats sur 30 (64,2, 4 %) aux conseils des caisses départementales de Sécurité sociale et des Allocations familiales.

Le 14 février 1984, il fut l’un des signataires de l’appel départemental « Pour la démocratie, nous refusons la haine ». En 1986, il écrivit une autobiographie qui mit l’accent sur la période de la résistance ariégeoise et son activité à la Caisse primaire de sécurité sociale des Pyrénées-Orientales.. André Lacoste adhérait à la FNRDIP, à l’UNRPA —dont il était le président d’honneur à Rivesaltes et membre du bureau départemental— et à l’ARAC dont il était le président départemental en 1987. Il fut aussi, après la 2e Guerre mondiale, conseiller municipal de Rivesaltes. Après son décès soudain, il fut enterré civilement le 24 septembre 1987. Son vieil ami Émile Dardenne lui rendit un dernier hommage dans Le Travailleur Catalan.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76491, notice LACOSTE André, Abel, Joseph. par André Balent, version mise en ligne le 3 mars 2010, dernière modification le 28 novembre 2021.

Par André Balent

ŒUVRE : Cinquante ans de vie militante, Perpignan, imprimerie Sofreix,1986, 61 p.

SOURCES : Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, 3 M 11-98 ; 2 E 4741, état civil d’Espira-de-l’Agly. — Arch. com. Rivesaltes, état civil. — André Balent, notice DBMOF, t. XXXIII, 1988, pp. 65-66. — André Balent, « Les réseaux clandestins d’aide à l’Espagne républicaine en Catalogne du Nord, passages de volontaires et d’armes (1936-1939) », in André Balent & Nicolas Marty, Catalans du Nord et Languedociens et l’aide à la République espagnole (1936-1946), Perpignan, Presses universitaires de Perpignan & Ville de Perpignan, Direction de la culture, 2009, pp. 37-51. — Roger Bernis, Les Pyrénées-Orientales sous la IVe République, Thèse de droit (dactylographiée), Montpellier, 1971. — Roger Bernis, Roussillon politique. Du réséda à la rose, 1. Le temps de quatrième, Toulouse, Privat, 1984, p. 267. — Michel Cadé, Le parti des campagnes rouges. Histoire du Parti communiste dans les Pyrénées-Orientales 1920-1939, Marcevol (Pyrénées-Orientales), Éditions du Chiendent, 1988, 347 p. [en particulier les pp. 233-234]. — Émile Dardenne, « Adieux à André Lacoste », Le Travailleur Catalan, 2 octobre 1987. — Claude Delpla, La Libération de l’Ariège, Toulouse, 2019, 514 p. [en particulier, les pp. 319-345, 387, 460-461, 462-470]. — Ramon Gual & Jean Larrieu, « Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane », II b , « De la Résistance à la Libération », Terra Nostra, 93-94-95-96, Prades, 1998, p. 479, p. 498, p. 506. — André Lacoste, Cinquante ans de vie militante, Perpignan, Imprimerie Sofreix, 61 p. — Pierre Laborie, « Entre histoire et mémoire, un épisode de l’Épuration en Ariège : le tribunal du peuple de Pamiers, 18-31 août 1944 », in : dir. Michel Brunet, Serge Brunet, Claudine Pailhès, Pays pyrénéens et pouvoirs centraux (XVIe - XXe siècles), Actes du colloque de Foix 1-3 octobre 1993, Foix, Association des Amis des archives de l’Ariège, Conseil général de l’Ariège, Université de Toulouse- Le Mirail, s. d. (1996), Tome II, pp. 267-283. — Jean Larrieu, « Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane », I, « Chronologie des années noires », Terra Nostra, Prades, 89-90, p. 51. — Olivier Nadouce, L’Ariège, terre de résistance. La bataille de Vira, Alan Sutton, Saint-Cyr-sur-Loire, 2008, 157 p., [p. 40, p. 45, p. 157]. — Georges Sentis, Les communistes et la résistance dans les Pyrénées-Orientales, 1, Dans la tourmente, février 1939 – novembre 1942, Lille, Marxisme / Régions, 1983, pp. 79-80. — Georges Sentis (éd.), Les archives des FTP catalans (hiver-printemps 44), Lille, Marxisme / Régions, 1984, p. 7, p. 58, p. 66. — Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales. Biographies, Lille, Marxisme / Régions, 1994. pp. 21-22. — L’Action syndicale, août-septembre 1937, janvier 1938, janvier 1939, 15 mars 1946. — Le Socialiste des Pyrénées-Orientales, 23 décembre 1938. — Le Travailleur catalan, 3 octobre 1936, 13 mars 1937, 30 juillet 1938. — L’Indépendant, 14 février 1984. — L’Indépendant, Perpignan, 24 septembre 1987, avis mortuaires. — Entretien avec Émile Dardenne, 13 octobre 1974.

ICONOGRAPHIE : DBMOF, XXIV, 1985, cliché hors texte, grève du bâtiment en 1937. — Balent & Marty, op. cit., 2009 p. 43, grévistes du Bâtiment à Rivesaltes, 1937. — Nadouce, op. cit., p. 40, pp. 156-157, photo de groupe : commémoration de la bataille de Roquefixade (Ariège), juillet 1945, au centre, au premier plan.

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