Par Alain Dalançon
Né le 27 août 1935 à Nabeul (Tunisie), mort le 12 mars 2012 à Lyon (IVe arr.) ; professeur ; militant syndicaliste du SNET puis du SNES, trésorier national (1967-1980) ; militant mutualiste de la CASDEN, trésorier national adjoint.
Fils de Sion Haddad, commerçant, et de Fortunée Guez, sans profession, Théodore Haddad fut élevé avec ses quatre frères et sœurs dans la communauté juive de Nabeul. Durant sa jeunesse, il fut membre actif des Éclaireurs israélites de France.
Après ses études secondaires effectuées au lycée de Tunis, Théo Haddad fut élève à l’École supérieure de commerce de Tunis puis intégra en 1958 l’École normale supérieure de l’enseignement technique (section D, sciences économiques) où il obtint le CAPET d’économie et gestion.
Il épousa le 4 août 1959 une professeur certifiée avec laquelle il eut un enfant.
Nommé au lycée technique de Roubaix (Nord), il y accomplit toute sa carrière comme professeur certifié, jusqu’en 1995. Il obtint par ailleurs le diplôme d’expert-comptable.
Syndiqué au Syndicat national de l’enseignement technique dès l’ENSET, Théo Haddad y milita dans l’académie de Lille dans le courant « Unité pour une action syndicale efficace », fut membre du bureau de la section régionale et membre suppléant de la commission administrative nationale en 1965-1966. Engagé à gauche, il adhéra au Parti socialiste autonome (1959-1960) mais pas au Parti socialiste unifié et resta ensuite sans affiliation politique.
En raison de ses compétences, il fut proposé par la section académique (S3) du nouveau SNES de Lille et Étienne Camy-Peyret pour faire partie de la nouvelle direction nationale « Unité et Action » en 1967, et y assumer la responsabilité de trésorier national, fonction à laquelle il se consacra avec beaucoup de compétence jusqu’en 1980, avec plusieurs trésoriers adjoints successifs, Albert Daum puis Claude Bénédite et enfin Georges Ferrand.
Théo Haddad, avec le concours du secrétaire administratif François Blanchard, s’appliqua à définir une véritable politique financière qui faisait défaut jusqu’alors au syndicat, afin qu’il puisse se doter des outils nécessaires à son fonctionnement et sa croissance (le SNES passa en effet d’un peu plus de 50 000 adhérents en 1967 à plus de 90 000 en 1975). Ainsi le SNES embaucha des salariés en plus grand nombre et se rendit acquéreur de la presque totalité de l’immeuble, au 1 de la rue de Courty (Paris, VIIe arr.), où il ne possédait au départ qu’un étage, d’une ancienne crèmerie rue de Bourgogne qui devint le siège du journal L’Université Syndicaliste, s’étendit rue de Villersexel et acheta, pour le compte des S3 de la région parisienne, un ensemble de bureaux square Villaret-de-Joyeuse (XVIIe arr.). Il incita également les sections académiques à acheter, grâce à des prêts bancaires à la CASDEN, des locaux dont le syndicat national était le propriétaire ; ainsi presque tous les S3 disposaient de leurs propres locaux à la fin de son mandat. Il fit également procéder à une rationalisation de la gestion du fichier des adhérents et du routage de L’US grâce à l’utilisation des premières techniques informatiques. Il organisa dès le début des années 1970 un fonds spécial « Action », alimenté notamment par l’appel aux syndiqués à verser une heure de salaire, pour financer les dépenses exceptionnelles liées à l’organisation des manifestations et à la production de matériels spécifiques (affiches, tracts, films…) pour les campagnes du syndicat en direction de l’opinion publique.
Théo Haddad fit passer une grande partie des finances du SNES sur des comptes à la Caisse d’Aide Sociale de l’Education Nationale et milita pour que le syndicat ne se désintéresse pas des diverses mutuelles liées à « l’Empire de la FEN ». Il devint ainsi membre du bureau de la CASDEN banque populaire. Il participa par ailleurs à de nombreuses rencontres internationales du SNES et apporta sa contribution à la réflexion du syndicat sur le développement des enseignements technologiques.
Les relations d’Haddad avec Gérard Alaphilippe, à partir du moment où ce dernier devint secrétaire général adjoint en 1971, ne furent jamais excellentes. Ce dernier, insatisfait du contrôle que les trésoriers adjoints auraient pu exercer, fit engager comme salarié un militant communiste toulousain, Max Guedj, afin de gérer le personnel et d’apporter son concours dans la gestion des finances. Mais les deux militants s’entendirent fort bien.
Les relations entre Haddad et Alaphilippe s’envenimèrent en 1979-1980 à la suite de l’échec de la vente des immeubles du SNES, afin d’acheter de nouveaux locaux plus vastes et fonctionnels dans le quartier du Châtelet. La Caisse centrale de coopération économique avait en effet renoncé à acquérir les locaux du syndicat, la DATAR et la préfecture de Région ayant refusé son extension à Paris. Mais Alaphilippe soupçonna dans cette affaire, où le SNES, selon lui, risquait d’être l’otage de l’« Empire de la FEN », un véritable double complot contre la direction, ce qu’il dénonça devant les membres de la tendance Unité et Action de la CA nationale.
Un repreneur pour l’immeuble du Châtelet fut cependant trouvé par les trésoriers Haddad et Ferrand et le SNES n’eut pas à payer de dédit. Georges Ferrand fit un rapport circonstancié devant le secrétariat national du 14 juin 1980 sur les raisons juridiques et administratives qui avaient empêché la réussite de l’opération mais démentant les soupçons d’intervention politique visant à nuire au syndicat. Alaphilippe resta cependant convaincu de la validité de sa thèse qui ne fut pas combattue publiquement par les deux trésoriers ; ceux-ci préférèrent s’abstenir de participer à la réunion de tendance du conseil national des 24 et 25 juin et donner leur démission, en spécifiant qu’elle était motivée par des désaccords sur les méthodes de travail de la direction nationale. Étienne Camy-Peyret, secrétaire général, annonça cette démission au CN. Haddad et Ferrand furent remplacés immédiatement par Jean Reynaud et Bernard Flageollet.
Théo Haddad reprit ses cours et, tout en continuant à rester fidèle au SNES et à Unité et Action, poursuivit son militantisme dans le département du Nord au comité de section de la MGEN, au CA de la MRIFEN et au plan national au bureau de la CASDEN-Banque populaire dont il devint trésorier adjoint. En tant que représentant de cette banque mutualiste, la retraite professionnelle venue, il assistait à tous les congrès du SNES jusqu’en 2006, et retrouvait ses anciens camarades avec beaucoup de plaisir.
Par Alain Dalançon
SOURCES : Arch. IRHSES (SNET, Congrès SNES, CA, Trésorerie, L’Université syndicaliste. — Renseignements fournis par l’intéressé. — Témoignages oraux de militant-es du SNES.