GRANDO René

Par André Balent

Né le 2 juillet 1897 à Thuir (Pyrénées-Orientales), mort le 15 septembre 1973 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; agent d’assurances, agriculteur, voyageur-représentant-placier ; journaliste et écrivain ; militant du Parti socialiste SFIO dans les Pyrénées-Orientales.

René Grando naquit à Thuir, importante bourgade viticole de la plaine du Roussillon dans une famille de tradition républicaine. C’était le fils de François Grando, tailleur et de Solange Solère.

Après avoir fréquenté l’école primaire de Thuir, René Grando poursuivit sa scolarité à l’EPS de Perpignan. Il obtint le Brevet élémentaire. Il fut, à l’EPS de Perpignan l’élève d’un jeune professeur de Français, socialiste, originaire de la région lyonnaise, Jean-François Charvet. Dans Le Cri socialiste du 18 juin 1932, R. Grando a évoqué avec chaleur le souvenir de ce maître qui l’influença beaucoup.
Le 15 août 1914, le bureau de recrutement (militaire) de Perpignan considéra René Grando — qui ne pesait qu’une cinquantaine de kg — comme inapte au service armé. Il fut cependant mobilisé un an plus tard, en août 1915 (fut-il volontaire ?). Il fit la Première Guerre mondiale dans les régiments suivants : 76e RI, 71e RI, un régiment du train. En 1916, il prit part aux combats de Verdun, puis, en 1918, fit la campagne d’Alsace. Il fit ensuite partie des troupes d’occupation françaises en Rhénanie et fut démobilisé le 18 avril 1919. René Grando était titulaire de plusieurs décorations : croix du combattant, médaille de Verdun, médaille commémorative française, médaille commémorative interalliée.

La Grande Guerre laissa, sur René Grando, des traces indélébiles et fit de lui un pacifiste convaincu et militant.

Après sa démobilisation, René Grando quitta (en quelle année ?) Perpignan pour Paris où il mena, semble-t-il, une vie de Bohème (témoignage de son fils René). Avant la Seconde Guerre mondiale, toujours d’après le même témoignage, il se serait marié plusieurs fois.

À Paris il travailla comme agent d’assurances mais fréquenta assidûment les milieux artistiques, littéraires et journalistiques. Il fut pendant quelque temps secrétaire de la chanteuse Lucienne Boyer. Il collabora à Pantagruel, hebdomadaire spécialisé dans la critique des spectacles et des expositions artistiques.

Dans les années 1930, René Grando s’installa à Perpignan. Il fut quelque temps agriculteur. Mais il continuait de s’intéresser assidument aux arts plastiques et à la littérature. Marcel Maynéris qui fut le secrétaire fédéral administratif de la SFIO nous le dépeignit, le 10 juillet 1983, comme un « type un peu bohème », « intellectuel sans ressources », « sûr de lui » qui vivait, pour l’essentiel, de son travail de « pigiste » (propos que ne dément pas son fils René). Il collaborait en effet à de nombreux journaux et revues parmi lesquels : Le Populaire (Paris), Le Cri socialiste (1930-1936), Le Socialiste des Pyrénées-Orientales (1936-1939), Le Coq Catalan (revue littéraire fondée et dirigée par Albert Bausil qui fut le « mentor » du chanteur CharlesTrenet),Tramontane (revue culturelle éclectique, de haute tenue, fondée et dirigée par Charles Bauby et qui parut à Perpignan, sans interruption de 1917 à 1971). En 1938, René Grando fonda Art et Action, revue mensuelle qui porta, avant la guerre, le sous-titre de « revue au service des lettres, des arts et du tourisme ». Autour de cette publication, il déploya une intense activité en organisant des expositions d’artistes de qualité, comme, celle des œuvres du peintre Fons-Godail, en janvier 1938 dont Le Socialiste des Pyrénées-Orientales (2 février 1938) se fit l’écho.

Dès 1919, René Grando s’était essayé à la littérature en publiant un premier recueil de poésies, Pourpres et Ors. En 1939, les éditions de la Revue (Perpignan) publièrent ses Poésies. Toujours avant 1939, il fit paraître un recueil de « chroniques de guerre », Guerre et Armistice et une pièce de théâtre à tonalité pacifiste, le Sang des hommes. Il convient de noter également une poésie plus « militante » (« À Roger Salengro. In Memoriam ») qu’il publia dans Le Socialiste des Pyrénées-Orientales du 26 novembre 1936.
Avant la Seconde Guerre mondiale, René Grando milita activement dans les rangs du Parti socialiste SFIO (auquel il adhéra en 1929) et de divers mouvements pacifistes comme la Ligue internationale des Combattants de la Paix, dont il fut, notamment en 1932, un des orateurs. Au mois de juin 1932, il fit, au titre de ce mouvement, une conférence sur « la paix par le désarmement » devant les Jeunesses socialistes SFIO des Pyrénées-Orientales. Au cours de cette réunion prirent également la parole Cyprien Lloansi et Germaine René-Grando (sans doute son épouse). Celle-ci, toujours au mois de juin 1932, déclara dans une réunion pacifiste à Cerbère qu’il fallait « ne plus faire d’enfants tant que les patries auront le droit de les assassiner ».
Au sein de la Fédération socialiste SFIO des Pyrénées-Orientales et de sa section de Perpignan, René Grando n’intervint de façon décisive qu’à une reprise, à la fin de 1937 et au début de 1938.

En décembre 1937, il devint le gérant et le secrétaire de rédaction de La Bataille socialiste des Pyrénées-Orientales, ce mensuel éphémère — ne parurent que trois numéros de décembre 1937 à février 1938 — avait pour objectif de structurer, dans les Pyrénées-Orientales, les partisans de Zyromski. Il convient de signaler ici que la « Bataille socialiste », forte dans les Pyrénées-Orientales en 1935, avait été désorganisée par le passage (fin 1935, ou début 1936) de nombre de ses animateurs départementaux dans les rangs de la Gauche révolutionnaire (voir Forgas Isidore). René Grando et d’autres militants de la section de Perpignan comme Berta fils, Gabriel Delbreil, Georges Rives, Marcel Godail, Amédée Gardon, François Ramonet, Damien Fabre, Michel Fabre, Joseph Rous entreprirent de donner un nouvel essor à la « Bataille socialiste » en lui fixant comme objectif, la conquête, en janvier 1938, de la majorité dans la section de Perpignan. La Bataille socialiste des Pyrénées-Orientales devait en être l’instrument. Les animateurs de la publication expliquaient en ces termes leurs conceptions « (...) Nous avons pris le nom de « Bataille socialiste des Pyrénées-Orientales » parce que nous approuvons dans l’ensemble la ligne de combat de nos camarades parisiens, mais nous gardons entièrement notre libre arbitre pour manifester, le cas échéant, des opinions qui peuvent diverger d’avec celles de nos camarades de la capitale » (n° 2, janvier 1938). Dès le 10 décembre 1937 la « Bataille socialiste » tenait à Perpignan, une « réunion d’information » au « Cercle Jean-Jaurès ». Georges Rives y parla de « politique intérieure » et René Grando de « politique extérieure ». René Grando était alors, nous le verrons, très sensibilisé par la guerre civile espagnole. Dans le numéro 1 de La Bataille socialiste des Pyrénées-Orientales, il signa un article où il affirmait avec force la nécessité de l’aide à l’Espagne républicaine et reprenait les propos tenus à ce propos par Zyromski à la conférence d’information de la « Bataille socialiste » du 26 octobre 1937.

Le 12 janvier 1938, la « Bataille socialiste » emporta la majorité à la section socialiste SFIO de Perpignan. Celle-ci élut René Grando et Georges Rives comme délégués au comité local du Front populaire. René Grando fut également désigné comme membre du comité mixte des Jeunesses socialistes SFIO de Perpignan.

Pendant la durée de la guerre civile espagnole René Grando fut très actif. Il se rendit à plusieurs reprises en territoire républicain, notamment à Barcelone. Il eut l’occasion de participer à des opérations de ravitaillement. Mais il accomplit également des « missions » de caractère nettement politique. Ainsi le séjour qu’il fit à Barcelone à la fin de février et au début du mois de mars 1938 en qualité de membre du secrétariat du comité départemental de Front populaire des Pyrénées-Orientales et du comité franco-espagnol de Front populaire de Perpignan. Le 26 février 1938, il prononça une allocution à Radio Barcelone : « Je m’adresse, s’écriait-il, à tous les écrivains, à tous les penseurs du monde, à tous ceux qui détiennent, du fait de leur culture et de leur valeur morale, une parcelle d’autorité sur leurs contemporains [...]
« Il n’y a pas une minute à perdre. Tous les frères d’idéal qui disposent d’une plume ou d’une tribune doivent agir sans délai auprès de leurs peuples et montrer la voie aux gouvernements timorés.

« Aider et soutenir de toutes ses forces l’Espagne républicaine, voilà le devoir essentiel. Il faut sauver le dernier et formidable rempart qui nous sépare de la plus monstrueuse des barbaries, la barbarie chimique, la barbarie explosive, la barbarie civilisée » (ce discours fut publié un an plus tard, dans Le Socialiste des Pyrénées-Orientales du 4 mars 1939).

Peu après avoir prononcé cette allocution à la radio, René Grando fut reçu par Lluis Companys, président de la Généralité de Catalogne. Il prit la parole avec ce dernier depuis le balcon du palais de la Généralité à Barcelone. Il assista (mars 1938, selon toute vraisemblance) également au congrès de l’Esquerra republicana de Catalunya, le parti du président Companys, où il fit à nouveau un discours (en langue catalane ?).
En septembre 1939, René Grando ne fut pas mobilisé. Comment réagit-il, lui, militant en vue de la « Bataille socialiste », face aux accords de Munich, à la signature du pacte germano-soviétique et au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale ? Comment concilia-t-il son pacifisme militant avec son engagement dans les rangs de la « Bataille socialiste » ? Nous ne le savons pas. René Grando ne semble pas avoir participé aux débats qui agitèrent la Fédération socialiste SFIO des Pyrénées-Orientales après la signature des accords de Munich. Son nom, en tout cas, n’apparaît pas dans les divers comptes rendus de la presse locale du parti.

Pendant la Seconde Guerre mondiale René Grando continua de résider à Perpignan. Il travailla comme agent d’assurances. Toujours d’après son fils René, il eut l’occasion de participer à la Résistance. Il fut membre d’un réseau qui organisait le passage vers l’Espagne des aviateurs anglais dont les avions avaient été abattus sur le territoire français. Son domicile perpignanais servait à la fois de boîte aux lettres pour cette filière et de refuge. René Grando fit allusion, après la guerre, à cette action clandestine dans une lettre adressée à Clottes qui fut directeur de la station de radiodiffusion « Perpignan-Roussillon » (archives de la famille Grando).

Il continua de faire paraître (jusqu’en 1944) Art et Action qui prit (à compter de 1940) le sous-titre de « la tradition catalane au service de la grandeur française ». Ce fut en sa qualité de directeur de cette publication qu’il organisa les « salons du cœur » de Perpignan, expositions artistiques organisées en faveur des prisonniers de guerre. Parmi ces « salons du cœur », il convient de signaler plus particulièrement celui de janvier 1942 qui fut l’un des plus brillants. Du 19 au 31 janvier 1942, 135 œuvres furent exposées à Perpignan. Les sculpteurs Aristide Maillol et Fernand Delfau, les peintres Balbino Giner, Martin Vivès, Henri Muchard, pour ne citer que les plus connus acceptèrent de prêter leur concours à René Grando pour assurer la réussite de cette brillante manifestation artistique.

À la Libération, René Grando eut des responsabilités dans les opérations de déminage près de la frontière franco-espagnole. Le 2 juillet 1946 il épousa à Perpignan Alice Dreyfus, originaire de Strasbourg. Trois enfants naquirent de cette union : Claude (1946), René (1948) qui fit carrière dans le journalisme, Anité (1949).
De 1945 à 1958, René Grando demeura socialiste. (Adhéra-t-il cependant à la SFIO ?) D’après son fils René, il se rallia au gaullisme en 1958. Jusqu’à sa mort, il professa des opinions gaullistes et vota pour les candidats qui se réclamaient du général de Gaulle.
Après la guerre, il travailla comme voyageur-représentant-placier. Il représentait le matériel d’incendie. Ses activités professionnelles lui laissèrent suffisamment de loisirs pour s’occuper de littérature et de radio. Il collabora à la revue littéraire perpignanaise Madeloc (1949-1955), à Tramontane, au journal l’Agri (Perpignan) où il publia : « L’Aventure chinoise. Au temps de Confucius ». Il écrivit pour la station de « Paris-Inter, Languedoc-Roussillon » (poste de Perpignan) et pour « Radio-Genève » une série de contes pour enfants.
René Grando mourut à Perpignan le 15 septembre 1973 et fut enterré selon les rites catholiques. Il était officier des palmes académiques depuis 1935 membre de l’« Académie littéraire du Genêt d’Or » (Perpignan) et « mainteneur » de la section de langue française des « jeux floraux » organisés par cette dernière.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76536, notice GRANDO René par André Balent, version mise en ligne le 6 mars 2010, dernière modification le 4 mars 2014.

Par André Balent

ŒUVRE : Ouvrages cités, articles dans les revues citées. — Les reflets du losange (illustré par des dessins originaux de Francis Paquier), 1926.

SOURCES : Le Cri socialiste, hebdomadaire de la Fédération socialiste SFIO des Pyrénées-Orientales nombreux numéros ; voir plus particulièrement ceux des 11 et 18 juin 1932). — Le Socialiste des Pyrénées-Orientales, hebdomadaire de la Fédération socialistes des Pyrénées-Orientales (nombreux numéros ; voir plus particulièrement ceux des 26 novembre 1936, 14 janvier 1938, 4 février 1938, 4 mars 1939). — La Bataille socialiste des Pyrénées-Orientales (trois numéros parus : décembre 1937, janvier 1938, février 1938). — La Gran Enciclopèdia Catalana, tome 8, Barcelona, 1975. — L’Indépendant (Perpignan) 16 septembre 1973 (nécrologie). — Entretien avec M. Marcel Maynéris, ancien secrétaire administratif de la SFIO dans les Pyrénées-Orientales (10 juillet 1983). — Entretiens avec M. René Grando, journaliste, fils de l’intéressé (Perpignan, 3 décembre 1983, 17 décembre 1983, 28 janvier 1984). — René Grando, Jacques Queralt, Xavier Febres, Vous avez la mémoire courte..., Éditions du Chiendent, Marcevol, 1981.

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