Par Gilles Morin
Né le 30 juin 1905 à Bordeaux (Gironde), mort le 26 mai 1977 à Talence (Gironde) ; enseignant dans le secteur privé et journaliste ; militant socialiste de la Gironde, secrétaire de la fédération SFIO (1944-1945, 1946-1951), membre du comité directeur de la SFIO (1948-1949) ; résistant, membre du Comité départemental de Libération ; conseiller général de Bordeaux et vice-président de l’Assemblée départementale (1945-1949), député (octobre 1945-novembre 1946).
Fils d’employés de cuisine, Pierre-Emmanuel Guillet fut victime dans son enfance d’un accident qui le priva d’un bras et affecta ses capacités auditives. Ses parents sont indiqués tous les deux comme employés de commerce sur son acte de naissance. Il parvint à devenir enseignant dans le privé et fut directeur d’école. Instituteur à Marcamps (Gironde), il se maria en février 1929 à Prignac (devenu Prignac-et-Marcamps, Gironde) avec une institutrice de Marcamps, Yvette Clédat.
Militant du Parti socialiste SFIO, il fut candidat aux élections au conseil d’arrondissement d’octobre 1934 dans le 4e canton de Bordeaux (Gironde) et candidat aux élections législatives de 1936 dans la 6e circonscription de Bordeaux, contre Dignac, ancien sous-secrétaire d’État. Avec 2 992 voix sur 15 165 inscrits, il ne fut pas élu.
Guillet était membre de la commission administrative de la fédération socialiste de la Gironde en 1938 et directeur de L’Unité socialiste. Il intervint au congrès national de Nantes, au nom de la tendance pacifiste « Redressement », accusant les blumistes de défendre des thèses « néo-socialistes ».
Combattant actif des maquis de la Dordogne sous l’Occupation, Guillet fut désigné comme membre du Comité départemental de Libération (CDL), au titre de Libération-Nord, en janvier 1945 en remplacement de Gabriel Delaunay. Secrétaire général à la propagande départemental du Mouvement de libération nationale (MLN) en 1944, membre du comité directeur national du MLN puis de l’UDSR en 1945, il participa à ce titre au congrès du MLN de janvier 1945. Il était encore à la Libération directeur politique de La Nouvelle République de Bordeaux et du Sud-Ouest, devenue La Nouvelle République, journal créé à la demande du CDL. Celui-ci tirait à 165 000 exemplaires au début 1946.
Guillet fut désigné comme secrétaire fédéral de la SFIO de septembre 1944 à 1945, dans l’attente du retour de Meunier* déporté. Il assuma de nouveau ce rôle de novembre 1946 à juillet 1951, où il démissionna. Assesseur au congrès national extraordinaire qui reconstitua la SFIO en novembre 1944, il intervint au conseil national de la SFIO du 20 mai 1945 pour demander le retrait des ministres socialistes du gouvernement et pour dénoncer l’attitude des communistes. Délégué au congrès national d’août 1945, il évoqua la tactique électorale et participa à la conférence des secrétaires fédéraux d’octobre 1945. Il dirigeait le quotidien socialiste Bordeaux-Matin qui avait vu le jour à la Libération.
Guillet connut son premier succès électoral lorsqu’il fut élu conseiller général du 4e canton de Bordeaux en septembre 1945. Il fut nommé vice-président du conseil général en 1945 et conserva cette fonction jusqu’au renouvellement du conseil général en 1949. Il s’était représenté dans le 6e canton, où il espérait avoir plus de chance d’être reconduit, mais fut battu par le candidat du RPF.
Un mois après son entrée à l’assemblée départementale, Guillet fut élu député aux deux Assemblées nationales constituantes (ANC), en octobre 1945 et juin 1946, élu à la deuxième, puis à la troisième place sur la liste socialiste. Il appartint à la commission exécutive du groupe socialiste en juin 1946 et fut désigné comme vice-président de la commission des transports de la 2e ANC à la même date. Il signait alors de temps à autre un billet intitulé « L’habitué des couloirs » dans La Nouvelle République de Bordeaux et du Sud-Ouest. Il y évoquait avec humour les questions traitées par l’Assemblée. Ayant été maintenu par les militants socialistes en troisième position pour l’élection législative du 10 novembre 1946, alors qu’il figurait auparavant à la deuxième en 1945, Guillet ne fut pas réélu à l’Assemblée. Paul Ramadier* en fit alors un chargé de mission à la présidence du Conseil en juin 1947. Après la chute du gouvernement Ramadier, à l’automne, il revint à Bordeaux et fut de nouveau désigné comme secrétaire de la fédération.
Après la Libération, Guillet s’était montré un fervent adversaire de l’unité organique et, pour cela, avait fait l’objet de nombreuses attaques des communistes. Membre du conseil d’administration du Populaire en 1946, il était rédacteur en chef de L’Unité socialiste. Il appartint à la commission de résolution du conseil national d’avril 1948 et fut élu membre du comité directeur de la SFIO en 1948-1949. De nouveau candidat à l’élection du comité directeur en 1951, il ne fut pas réélu.
Un rapport de police datant de février 1951 le décrit ainsi : « Dynamique, entreprenant, n’hésitant pas à payer de sa personne notamment lorsqu’il s’agit de porter la contradiction dans les réunions publiques, doué d’une éloquence directe et appréciée du peuple et des humbles, M. Guillet jouit d’une réelle influence dans le département de la Gironde. » Mais, le secrétaire fédéral de la Gironde était aussi présenté comme « très intriguant, rongeant son frein de ne pas détenir un important mandat politique » depuis ses échecs et affirmait qu’après avoir combattu Jean Guyon et s’être efforcé de saper son influence, il intriguait et cherchait à déconsidérer Fernand Audeguil pour l’empêcher de figurer sur la liste socialiste devant lui. Audeguil, en fait, bénéficiait de l’appui des militants. Il fut désigné de nouveau comme tête de liste socialiste pour les législatives du 17 juin 1951 et fut seul élu, Guyon étant battu. Guillet, lui, fut critiqué pour son inaction pendant la campagne électorale. Le bureau fédéral démissionna et il ne fut pas réélu secrétaire fédéral.
Après avoir rompu avec la SFIO, Guillet fut élu secrétaire général du Centre national des Indépendants de gauche (CNIG) en juin 1955, aux côtés de l’ancien député SFIO Louis Dubosc. Le 2 janvier 1956, il figurait en troisième position sur une liste du CNIG, qui fut très largement battue.
Marié, Guillet n’eut pas d’enfant. Il était chevalier de la Légion d’honneur.
Par Gilles Morin
SOURCES : Arch. Nat., 4/AG/69, F/1cII/112, 213, 217, 270. — Les Cahiers d’information du militant, n° 16, mai 1936. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1967. — Arch. de l’OURS, A9/49 MM. — L’Indépendant de gauche, juillet 1955. — Notice DBMOF. — État civil.