JUNG Gaston, Frédéric, Georges

Par Françoise Olivier-Utard

Né le 30 mars 1932 à Strasbourg (Bas-Rhin), mort le 18 octobre 2018 à Oberhausbergen (Bas-Rhin) ; homme de théâtre, professeur de scénographie, écrivain à Strasbourg ; militant du théâtre populaire.

Gaston Jung naquit dans une famille protestante calviniste du village d’Engwiller(Bas-Rhin). Son père, Michel, était chef de cuisine dans une brasserie strasbourgeoise de la place des Étudiants située en face du Gymnase protestant. Sa mère, Lydie Pfalsgraff, éleva les deux enfants du couple. Gaston commença ses études primaires à l’école du quai Saint-Jean. En septembre 1939, la famille fut évacuée en Dordogne et résida successivement à Périgueux, Ribérac puis Bergerac. Elle revint en Alsace annexée de fait durant l’été 1940. Gaston fut témoin de l’incendie de la synagogue (12 septembre 1940) et de l’autodafé des livres. En septembre 1942, après que les bombardements américains eurent détruit l’École du quai Saint-Jean, ses parents décidèrent que leur fils suivrait avec sa sœur les cours des classes primaires de filles, au Gymnase protestant. Il commença sa scolarité secondaire allemande à la Hochschule (aujourd’hui Collège Foch).

Gaston put éviter l’enrôlement de force dans la Hitlerjugend grâce à la complaisance d’un médecin qui établit un certificat médical selon lequel ses cheveux « poussaient à l’envers ».
À la Libération, il fut l’élève d’Émile Baas* au Lycée Kléber. Il s’inscrivit après le bac à la faculté des lettres de l’université de Strasbourg, dans l’intention de passer une licence de lettres modernes. Lorsqu’il rencontra Michel Saint-Denis, qui entreprenait de créer une école d’art dramatique à Strasbourg, Gaston estima que son avenir était là. Il fut admis dans le premier groupe d’élèves régisseurs. Il rencontra et épousa Pia Baroulhet, élève comédienne. Le couple eut trois enfants.

L’École animait une troupe itinérante, les Tréteaux de l’Est, qui donnait des spectacles dans toute l’Alsace, et touchait un large public populaire. C’était le début des théâtres décentralisés. Hubert Gignoux, qui succéda à Michel Saint-Denis, conserva Gaston Jung comme professeur et collaborateur, ainsi que plusieurs comédiens de la première heure. Il entendait privilégier le répertoire moderne et contemporain et produire un théâtre populaire engagé. Ce projet intellectuel et citoyen convenait à son groupe de collaborateurs.

La suite de la carrière de Gaston Jung se développa dans trois directions : la création théâtrale, l’enseignement et l’écriture. En 1962, Gaston Jung décida de créer son propre théâtre, dans l’arrière-salle d’un café, le poêle de la corporation des drapiers, qui avait d’ailleurs souvent servi de salle de spectacle depuis le XVIIIe siècle. La troupe prit le nom du lieu : Les Drapiers. Le théâtre fut conçu comme un théâtre d’avant-garde, ou plutôt, selon l’expression choisie par son créateur : un théâtre de recherche. Les auteurs choisis furent Beckett, Ionesco Adamov et des auteurs chinois, avec des formes d’expression empruntées aux autres formes artistiques comme la chorégraphie ou les arts plastiques. Sa culture allemande portait Gaston Jung à travailler aussi des auteurs comme Schram, Lenz et Buchner. Brecht, source inépuisable de questionnements et de découvertes, redevint ensuite un auteur central. ll forma plusieurs générations de metteurs en scène. Robert Gironès* fut son élève et son successeur.
En matière d’enseignement, Gaston Jung fut professeur de scénographie à l’École du Théâtre national de Strasbourg (TNS), structure qui avait succédé à la Comédie de l’est. Il participa activement aux événements de mai 1968, qui trouvèrent de l’écho aussi bien chez les enseignants que chez les élèves de l’École. En octobre 1968, il publia un fascicule sur Brecht et les pièces didactiques, en 1970 un autre intitulé « De la décentralisation théâtrale à son industrialisation ; Dix hypothèses sur l’évolution du théâtre populaire en France ; Art, science, idéologie, pratique didactique ». Le 15 octobre 1976 parut le premier numéro de la revue bilingue, Le drapier, dont l’existence se poursuivit pendant plus de 10 ans et qui devint ensuite Le Drapier, éditeur. En janvier 1975, la revue Saisons d’Alsace consacra un numéro au Théâtre dramatique de langue française à Strasbourg et en Alsace de 1947 à 1971 dans lequel le critique allemand Rudolph Holweg analysait le projet de théâtre de recherche des Drapiers. Gaston Jung donna aussi pendant 10 ans des cours à l’École nationale supérieure des arts du spectacle (INSAS), anima régulièrement des stages aux conservatoires de Paris, de Lisbonne et à la Villa Arson à Nice. Il fut professeur pendant 10 ans à l’École professionnelle internationale des arts de Bruxelles.

Ses origines familiales protestantes du nord de l’Alsace lui avaient inculqué un goût prononcé pour la culture régionale. Il entendait la promouvoir par la diffusion de textes de théâtre, de poésie mais aussi la sortir de la mièvrerie qui, à ses yeux, caractérisait une bonne partie du « revival » alsacien. Des chanteurs et des poètes participèrent à cette vague dans l’immédiat après 68. Gaston Jung se mit lui-même à l’écriture. Il publia des recueils de poésie, des pièces de théâtre et une traduction des livres des frères Mathis (poètes alsaciens qui avaient refusé l’usage du français dans l’entre-deux-guerres).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76601, notice JUNG Gaston, Frédéric, Georges par Françoise Olivier-Utard, version mise en ligne le 10 mars 2010, dernière modification le 9 avril 2022.

Par Françoise Olivier-Utard

SOURCES : Cahiers des Drapiers 1 et 2 - Le Drapier, n° 1 à 15. — Saisons d’Alsace n° 54. — Entretien du 21 septembre 2009.

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