VILLARD Charly, Raymond, alias « Vigne », alias « Pierre », alias « Lefort ».

Par Jean-Pierre Ravery

Né le 22 février 1908 à Chamborigaud (Gard), mort le 8 décembre 1972 à Trescleoux (Hautes-Alpes) ; radio-électricien, militant communiste, responsable avant-guerre de l’appareil illégal de liaison avec l’IC, responsable du service radio jusqu’à son arrestation, résistant, déporté ; cultivateur, membre du secrétariat de la fédération communiste des Hautes-Alpes en 1956.

Radio-électricien de profession, Charly Villard avait adhéré à la CGT en 1933 et au PCF au début de l’année suivante. Il devint rapidement secrétaire d’une cellule puis de la section de Bagnols-sur-Cèze (Gard) avant d’être nommé secrétaire régional pour le Gard et la Lozère. De février à août 1937, il suivit les cours d’une école centrale du parti à Paris. En juin 1938, la commission des cadres lui proposa d’intégrer l’appareil illégal. Il fut envoyé à Moscou au cours de l’été pour être initié aux « secrets de l’appareil-valise et de l’appareil-photo et micro-photo », selon les indications consignées dans la biographie qu’il remplit le 3 juin 1945 à son retour de déportation. Rentré à Paris en septembre 1938, il dirigea avec Arthur Tintelin dit « Lebail » l’appareil de liaison-valise avec l’Internationale communiste, qui consistait à faire passer argent et documents dans des valises à double fond. Par la suite, il organisa un appareil radio et chiffre qui se contenta d’effectuer des exercices à dates et heures fixes jusqu’à la dissolution du PCF. En 1939, Maurice Tréand lui remit les 25 000 francs nécessaires à l’acquisition d’un magasin de radio-électricité, 15, avenue du Bel-Air dans le 12e arrondissement de Paris, destiné à lui servir de couverture.

S’agissant de la conclusion du pacte de non-agression germano-soviétique, Charly Villard écrivait en 1945 : « J’ai gardé une confiance absolue dans la politique de l’URSS, sachant très bien que face à la politique antisoviétique des Munichois, l’URSS avait des intérêts particuliers à défendre, la défense de ces intérêts ne pouvant aller à l’encontre de l’intérêt des peuples, au contraire ». Exempté d’obligations militaires pour raisons de santé, il ne fut pas mobilisé et passa aussitôt dans la clandestinité, en liaison avec Maurice Tréand et Mounette Dutilleul. Du fait de la pénurie des cadres, nombreux à avoir été appelés sous les drapeaux, Charly Villard fut d’abord chargé de plusieurs appareils : activation du service radio, liaison valise avec la Belgique, liaison avec les partis étrangers. Fin 1939, « au moment où Maurice Tréand commença à avoir son opposition au comité central », Arthur Dallidet et Mounette Dutilleul lui confièrent plusieurs millions en dollars et florins contenus dans deux valises à double fond afin qu’il les mette en lieu sûr. Après la défaite de juin 1940 et la démobilisation de nombreux militants, Charly Villard put se concentrer sur le service radio et le chiffre. Il utilisait différents pseudonymes : « Vigne » pour le PCF, « Lefort » pour l’IC et « Pierre » pour les membres du service radio. Il disposait de deux postes émetteurs-récepteurs dissimulés dans des pavillons à Gagny et au Vésinet, dans lesquels il avait installé des couples de militants formés à leur emploi. Son magasin parisien lui permettait de se procurer des pièces de rechange et les composants nécessaires à la fabrication de nouveaux postes. Il y formait également de nouveaux opérateurs.

En juin 1941, Arthur Dallidet lui présenta Fernand Pauriol alias « André » qu’il mit à sa disposition en tant que « conseiller technique », notamment pour la construction d’appareils de réserve. A cette fin, ils installèrent un atelier clandestin, 190 avenue Jean Jaurès à Paris 19e. Pauriol lui parla bientôt de Marcel Engros, un ancien radio de la marine marchande diplômé de l’école centrale de radio-électricité, qui pourrait se joindre à eux. « Outre sa valeur professionnelle, ce doit être un gars courageux, lui dit Pauriol, car il a fait la guerre comme radio dans l’aviation et il a été descendu deux fois ». Marcel Engros fut employé à la fabrication de deux appareils destinés à la direction du PCF en zone sud et fut envoyé à Lyon pour former des opérateurs. Malheureusement, à son retour à Paris, aux alentours du 20 février 1942, il fut pris en filature par des policiers de la BS 1 des renseignements généraux alors qu’il venait de rendre visite à sa mère, contrevenant aux strictes consignes de sécurité préconisant de rompre tous liens familiaux. Au cours de leurs filatures, les inspecteurs repérèrent le magasin de l’avenue du Bel-Air. Le 2 mars 1942 à 8h00 du matin, ils arrêtaient Marcel Engros en bas du domicile de Rosalie Engros, 35 rue de Charenton. Trois heures plus tard, ils se présentaient chez Charly Villard qu’ils supposaient être l’employeur de Marcel Engros et contre lequel ils n’avaient encore ni charges, ni soupçons précis. Après une perquisition sommaire au cours de laquelle les policiers ne surent pas reconnaître un poste émetteur au milieu d’autres appareillages électriques, Charly Villard fut amené à la préfecture mais ne passa à l’interrogatoire que quatre jours plus tard, ce qui laissa le temps à son épouse, Elise Villard, d’alerter Fernand Pauriol. Ce dernier put ainsi récupérer le matériel compromettant ainsi que les valises de devises. Malheureusement, Charly Villard était porteur d’un feuillet sur lequel figurait une liste de lampes de TSF mais également un message qui intrigua rapidement les policiers : « prévenir T (T pour agence Tass) de faire des émissions en français du même genre que les émissions anglaises. Cela nous facilitera beaucoup le travail. Lefort. »

Brutalisé par le commissaire David et certains de ses hommes, Charly Villard fit mine de passer aux aveux, reconnaissant des sympathies communistes mais réussissant à taire l’existence du service radio dont il avait la charge. Livré aux Allemands le 1er mai 1942 et incarcéré à la prison du Cherche-Midi puis à Romainville, Charly Villard fut déporté à Mauthausen en avril 1943. Il en revint le 19 mai 1945 affligé de lésions pulmonaires qui lui imposèrent un long séjour en sanatorium. Il alerta le comité central sur la situation précaire de son épouse et de leurs trois enfants, réfugiés à la campagne sans ressources. En septembre 1945, Élise Villard fut embauchée au journal La Terre comme sténo-dactylo. Mais en 1946, lorsque son mari fut remis sur pied et qu’il se déclara prêt à reprendre place dans le service radio du PCF, Jacques Duclos lui fit répondre de se chercher un autre travail. Officiellement, il lui était reproché d’en avoir trop dit aux policiers. Lui-même reconnut ses « faiblesses » devant la commission des cadres. Afin de lui permettre de faire valoir ses droits à une pension militaire, Léon Mauvais lui établit en mai 1946 une attestation officielle certifiant qu’il avait « travaillé dans la Résistance dans les rangs du parti communiste français en qualité de responsable d’un appareil de liaison radio télégraphique ».

Cultivateur dans les Hautes-Alpes, membre du bureau du syndicat des fruitiers, secrétaire de la section communiste de Trescleoux, il siégea au bureau fédéral à partir de 1953 et au secrétariat de la fédération communiste en 1956 comme responsable paysan. Le premier secrétaire était Étienne Dominici. Il fut remis au bureau fédéral l’année suivante, siégea à la commission fédérale de contrôle financier en 1959, son nom disparut de la direction fédéral en 1961. Il était président de la FNDIRP départementale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76611, notice VILLARD Charly, Raymond, alias « Vigne », alias « Pierre », alias « Lefort ». par Jean-Pierre Ravery, version mise en ligne le 12 mars 2010, dernière modification le 2 mars 2016.

Par Jean-Pierre Ravery

SOURCES : Archives de la CCCP, dossier « service radio » : notes J.-P. Ravery. — Arch. comité national du PCF, liste de la direction fédérale des Hautes-Alpes. — Guillaume Bourgeois, La véritable histoire de l’Orchestre rouge, Nouveau monde éditions, 2015.

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