ENGROS Marcel, Raymond

Par Jean-Pierre Ravery

Né le 20 décembre 1917 à Paris (XVe arr.), fusillé comme otage le 23 mai 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ingénieur radio ; militant communiste ; résistant.

Marcel Engros était le fils d’Isaac Engros, Juif égyptien, né en 1890 à Alexandrie, arrivé en France en 1900, qui après avoir obtenu le certificat d’études primaires, était devenu chauffeur, et de Rosalie Getner, fille d’immigrés juifs russes née en 1891 à Paris (IVe arr.), couturière puis mère au foyer. Cette famille vivait à Paris, 2 place du Marché-Sainte-Catherine (IVe arr.). En août 1927, les trois enfants du couple Marcel, Lucien et André, acquirent la nationalité française par déclaration.
Marcel Engros était diplômé de l’École centrale de TSF et avait travaillé comme radio dans la marine marchande. Il était membre du Parti communiste français (PCF), alors que ses frères Lucien et André militaient aux Jeunesses communistes du IVe arrondissement. À la déclaration de guerre en septembre 1939, Marcel Engros fut affecté dans l’aviation et servit comme radio au sein d’un équipage. À deux reprises, son avion fut abattu. Démobilisé fin 1940, il retrouva rapidement le contact avec le Parti communiste clandestin qui lui demanda de s’abstenir de toutes activités politiques et de « se tenir en réserve », compte tenu de ses compétences professionnelles. Quelques semaines plus tard, il reçut la visite de Fernand Pauriol, alias « Robert Duval », qui lui fixa un rendez-vous une dizaine de jours plus tard au « café du zoo de Vincennes ». Pauriol l’y retrouva le jour dit et le conduisit dans un autre café où les attendait le responsable du service radio du PCF clandestin, Charly Villard. Une fois les présentations faites, Pauriol lui déclara : « Dorénavant, ce copain sera ton patron pour tout le monde. Lorsque j’aurai quelque chose à te communiquer, c’est par son intermédiaire que je te le ferai savoir. » Villard lui fixa alors un nouveau rendez-vous dans un café du boulevard Soult (Paris, XIIe arr.) pour le présenter à Arthur Dallidet, qui lui expliqua en quoi consisterait son travail, et à Claude Gaulué. Ce dernier devait lui établir une fausse carte d’identité ne portant pas la mention « Juif », à la différence de sa carte légale.
Marcel Engros fut donc adjoint à Charly Villard pour l’aider à construire des postes émetteurs-récepteurs dans son magasin de radio-électricité, 15 avenue du Bel-Air dans le XIIe arrondissement de Paris. Marcel Engros assurait également la liaison entre Charly Villard et Arthur Dallidet. Ce dernier lui avait confié les clés d’un box, rue de Paris à Vanves (Seine, Hauts-de-Seine), dans lequel étaient stockées des pièces détachées nécessaires à la construction des postes, qu’il était très difficile de se procurer à l’époque. Marcel Engros se chargea également du transport et du stockage de plusieurs appareils dans un autre box qu’avait loué Charly Villard, 170 rue de Fontenay à Vincennes (Seine, Val-de-Marne), en attendant leur expédition vers la Zone sud. Son chef remarqua que, en dépit des strictes consignes de sécurité qui lui avaient été données, Marcel Engros rendait régulièrement visite à sa mère, qui habitait 35 rue de Charenton dans le XIIe arrondissement de Paris. Il fut donc décidé de l’envoyer en Zone sud pour instruire de nouveaux opérateurs. Mais Marcel Engros joua de malchance. Aux alentours du 20 février 1942, il avait été repéré et pris en filature par des policiers de la Brigade spéciale no1 des Renseignements généraux (BS1) qui surveillaient un box voisin de celui où il se rendait périodiquement à Vanves. Il fut suivi à plusieurs reprises et les inspecteurs de la BS1 découvrirent ainsi le magasin de l’avenue du Bel-Air, puis le domicile de sa mère Rosalie Engros. C’est là qu’ils l’arrêtèrent finalement au petit matin du 6 mars 1942.
Marcel Engros commença par nier son appartenance au PCF et prétendit que sa relation avec Charly Villard était strictement professionnelle. Mais, pressé de questions et trahi par des annotations trouvées dans son calepin, il finit par reconnaître ses activités clandestines, sans pouvoir d’ailleurs révéler grand-chose aux policiers compte tenu du cloisonnement du service radio qui l’avait laissé dans l’ignorance de la plupart de ses rouages. Marcel Engros fut livré aux Allemands. Le 19 mai 1942, un conseiller de l’administration militaire à Paris, le capitaine Kuligk, fut légèrement blessé par balles à la hauteur du 5 quai Malaquais (Paris, VIe arr.). Le nouveau chef des SS et de la police allemande en France, le général Oberg, ordonna en représailles l’exécution de « 10 Juifs et communistes » et la déportation d’une centaine d’autres. Le 23 mai 1942, Marcel Engros était fusillé au Mont-Valérien en compagnie de six autres militants : Jacques Solomon, Jean-Claude Bauer, Georges Dudach, Georges Politzer, Claude Gaulué et André Pican. Le 30 mai 1942, quatre autres communistes tombaient à leur tour sous les balles d’un peloton d’exécution au Mont-Valérien : Arthur Dallidet, Félix Cadras, Daniel Decourdemanche et Louis Salomon.
Les deux frères de Marcel Engros furent également fusillés : Lucien le 22 août 1942 au stand de tir de Balard à Paris (XVe arr.) et André le 1er octobre 1943 au Mont-Valérien alors qu’il n’avait pas encore 17 ans ; André Engros est le plus jeune fusillé du Mont-Valérien.
Leurs parents ont péri en déportation à Auschwitz (Rosalie, convoi n° 34 parti de Drancy (Seine, Hauts-de-Seine) le 18 septembre 1942 ; Isaac, convoi n° 67 parti de Drancy le 10 février 1944).
La mention Mort pour la France fut attribuée à Marcel Engros par le Secrétaire d’Etat chargé des Anciens Combattants le 18 novembre 1997.
Le nom de Marcel Engros figure sur la cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien.
Une plaque, apposée sur un immeuble où la famille avait habité, 18 rue des Écouffes à Paris (IVe arr.), rend hommage aux « patriotes Marcel, Lucien et André Engros, fusillés par les occupants hitlériens. »

Voir Mont-Valérien, Suresnes (Hauts-de-Seine)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76622, notice ENGROS Marcel, Raymond par Jean-Pierre Ravery, version mise en ligne le 14 mars 2010, dernière modification le 13 mars 2022.

Par Jean-Pierre Ravery

SOURCES : Archives de la CCCP, dossier « Service radio » (Notes Jean-Pierre Ravery). — AVCC, SHD Caen, AC 21 P 447 485. — Serge Klarsfeld, Le livre des otages. — État civil, Suresnes. — Site Internet Mémoire des Hommes. — MémorialGenWeb.

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