GUÉRIN Rose [née BAGOT Rose, Eugénie, Marie-Anne] dite Suzanne

Par Paul Boulland, Jean Maitron

Née le 4 février 1915 à Issou (Seine-et-Oise, Yvelines), morte le 20 septembre 1998 à l’hôpital des Invalides à Paris (VIIe arr.) ; sténo-dactylo ; secrétaire de la fédération PCF de la Seine puis de Seine-Ouest ; membre des deux Assemblées constituantes, députée de la Seine (1946-1958) ; résistante, déportée.

Rose Guérin
Rose Guérin
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946

Le père de Rose Bagot était ouvrier charpentier-menuisier (employé de chemin de fer sur l’acte de naissance). Lecteur de l’Humanité, non inscrit au PCF mais votant communiste, il fut élu conseiller municipal « Front Populaire » de Gargenville (Seine-et-Oise, Yvelines) en mai 1935. Sa mère était « sans profession ».

Titulaire du brevet élémentaire, Rose Guérin suivit un apprentissage de sténodactylo et travailla au Crédit du Nord à Meulan (Seine-et-Oise, Yvelines) et à Paris de 1932 à 1936 puis entra à la SNCASO à Courbevoie (Seine, Hauts-de-Seine). Elle se maria en novembre 1934 à Gargenville avec le syndicaliste Roger Guérin dont elle divorça en 1961. Adhérente de la CGT en 1937, puis en février 1938 du Parti communiste, elle prit part à la grève du 30 novembre 1938. À la suite de cette grève, tout le personnel de l’usine fut lock-outé et deux employées, dont Rose Guérin, furent licenciées. À Courbevoie, elle exerça les fonctions de trésorière d’une cellule et de secrétaire du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme.
Nullement déstabilisée par le Pacte germano-soviétique selon ses témoignages d’après-guerre, elle prit part à l’activité clandestine du PCF dès septembre 1939 et fut chargée des liaisons pour le matériel à Courbevoie. Entre décembre 1939 et juin 1941, elle fut responsable à la propagande pour la région Paris-Ouest, sous le pseudonyme de « Rose ». Elle passa dans la clandestinité en septembre 1940, avec son mari. Entre juin 1941 et juillet 1942, elle assura les liaisons pour le tirage de la presse clandestine au niveau national, sous le pseudonyme « d’Andrée ». À partir de juillet 1942, elle fut placée sous la responsabilité de Robert Dubois, responsable national aux cadres, à nouveau chargée des liaisons (courriers, biographies, rapports), sous le pseudonyme de « Suzanne ».
Elle travailla dans une entreprise de constructions nautique à Neuilly (Seine, Hauts-de-Seine). Elle devint permanente de l’organisation clandestine pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans la clandestinité, elle vivait 25 rue des Grands Augustins à Paris (VIe arr.).
La chute de Rosalie Godard née Môquet mit des policiers sur la piste de Rose Guérin. Lors de son interrogatoire, elle déclara être en liaison avec une femme dont le surnom était « Suzanne », elle avait rendez-vous avec elle le 30 octobre 1942 à 17 heures 30 à la gare du Parc de Sceaux. Des policiers surveillaient le lieu, ils l’appréhendèrent. Fouillée par une femme policière, elle portait sur elle huit feuilles de tickets d’alimentation portant les timbres humides des mairies du XXe arrondissement de Paris, de Brévannes et de Sartrouville.
Elle déclara s’appeler en réalité Rose Bagot épouse Guérin, et être une militante communiste depuis 1938. « En septembre ou octobre 1940 une perquisition a été effectuée sans résultat à notre domicile. Nous avons craint d’être arrêtés et nous sommes allés habiter 103 rue du Poteau dans le XVIIIe arrondissement ».
« Personnellement j’avais continué à militer après la dissolution du Parti et j’effectuais des liaisons, portant en particulier des paquets ». Lors de la perquisition de son domicile effectuée en sa présence, les policiers saisissaient : la brochure « La Maladie infantile du Communisme », une feuille de papier sur laquelle figurait le bilan des grèves et des manifestations ayant eu lieu dans plusieurs villes de France. Son nom ne figurait ni dans les différentes archives de la police, ni aux sommiers judiciaires.
Un inspecteur lui demanda de « préciser par quel intermédiaire [elle] avait été amenée à effectuer ce genre de travail ». Elle répondit qu’il s’agissait de l’ancien responsable de la section « un nommé Souriseau ». Par son intermédiaire elle rencontra « Georges ».
Elle était en relation avec Robert Dubois, le responsable des cadres. Celui-ci lui avait présenté madame Môquet dite « Simone ». Celle-ci avait mis Rose Guérin en relation avec six femmes : « Marie », « Marie-Claire », « Cécile », « Charlotte », « Camille » et « Colette ». Elle affirma « ignorer le rôle de ces personnes ».
Elle fut probablement intimidée par des policiers, peut-être frappée. Elle indiqua des rendez-vous avec l’heure et le lieu où elle devait les rencontrer. « Toutes ces personnes me remettaient des plis à l’intention de … » Elle affirma « Je ne connais ni le nom réel, ni le domicile, ni la profession de ces femmes ».
Emprisonnée au secret à Fresnes jusqu’en mars 1943, elle fut envoyée en mars 1943 au camp de Romainville où elle appartint au triangle de direction communiste. Fin mai 1943, elle participa à l’organisation d’une manifestation de femmes contre les restrictions de nourriture imposées aux hommes du camp. Fin juillet 1943, Rose Guérin fut déportée comme « Nuit et brouillard » vers Ravensbrück avec une cinquantaine de militants. En mars 1945, elle fut envoyée à Mauthausen où elle fut libérée par la Croix Rouge le 22 avril 1945.
De retour à Paris le 30 avril 1945, Rose Guérin se mit aussitôt à la disposition du Parti communiste et devint la secrétaire de Marcel Paul à la fédération des déportés en cours de création. Elle représenta la fédération au sein du bureau de la commission de l’Air chargée du rapatriement des déportés. Elle rendit compte de cette activité devant le congrès fondateur de la Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes (FNDIRP), en octobre 1945.
Candidate en troisième position sur la liste conduite par Étienne Fajon dans le 5e secteur de la Seine, Rose Guérin fut élue à la première Assemblée constituante le 21 octobre 1945, réélue à la seconde Assemblée. Réélue députée de la Seine jusqu’en 1958, elle appartint à diverses commissions (pensions, production industrielle, travail et sécurité sociale, allocations familiales) et fut particulièrement active sur les problèmes de la condition féminine et du statut des déportés.
Rose Guérin resta parallèlement très impliquée dans l’organisation communiste. Elle fit forte impression lors de son passage par l’école centrale de quatre mois du PCF, de décembre 1946 à mars 1947. Les évaluateurs la distinguèrent comme « un des meilleurs éléments de cette école » et une militante d’avenir, « sérieuse, réfléchie, » démontrant un grand « sens des responsabilités ». Membre du comité fédéral de la Seine, chargée de la commission de travail parmi les femmes, elle fut élue au secrétariat de la fédération à l’issue de la 3e conférence fédérale, tenue à la Mutualité du 4 au 6 février 1949. Elle siégea ensuite au bureau fédéral à partir de 1951. Après la décentralisation de la fédération de la Seine, elle fut élue secrétaire à la propagande de la fédération Seine-Ouest, en décembre 1953. Elle fut déchargée de cette responsabilité en février 1956, afin de se consacrer à son activité parlementaire.
Après son échec aux élections législatives de novembre 1958, Rose Guérin retourna au service de la FNDIRP, où elle se chargea, comme permanente, du service d’assistance technique et juridique de la fédération, dont elle était par ailleurs membre du bureau national. Elle fut ramenée au comité fédéral de Seine-Ouest pour se consacrer à cette activité. À sa demande, elle quitta ses fonctions à la FNDIRP en mars 1962, pour entrer à la section de propagande du comité central du PCF. Elle continua toutefois de siéger au comité national de la FNDIRP. Au début des années 1960, Rose Guérin s’établit à Clichy (Seine, Hauts-de-Seine) où elle assura la direction politique de l’hebdomadaire communiste La Voix nouvelle et mena plusieurs campagnes électorales. Elle quitta le comité fédéral des Hauts-de-Seine en 1968.
Rose Guérin resta active dans les organisations d’anciens déportés. Domiciliée à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) elle était, en 1979, secrétaire générale de la FNDIRP des Hauts-de-Seine et, au plan national, membre du conseil d’administration de la fédération. Jusque dans les années 1990, elle participa activement à l’Amicale de Ravensbrück dont elle assura la présidence avec Marie-José Chombart de Lauwe. Elle fut également présidente déléguée du comité France-URSS des Hauts-de-Seine.
Homologuée au grade de lieutenant des Forces françaises de l’Intérieur et citée à l’ordre de l’armée au titre de « son courage et de son mépris absolu du danger », Rose Guérin reçut les honneurs militaires aux Invalides, lors de ses obsèques. Elle fut inhumée au cimetière d’Asnières, en présence de Robert Créange secrétaire général de la FNDIRP, de Marie-José Chombart de Lauwe pour l’Amicale de Ravensbrück et de Michel Duffour pour le bureau national du PCF. Son nom fut donné à un square de la ville de Clichy.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76739, notice GUÉRIN Rose [née BAGOT Rose, Eugénie, Marie-Anne] dite Suzanne par Paul Boulland, Jean Maitron, version mise en ligne le 22 mars 2022, dernière modification le 22 mars 2022.

Par Paul Boulland, Jean Maitron

Rose Guérin
Rose Guérin
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1956
Jean Mercier, ancien maire de Clichy et Rose Guérin dans un meeting à Clichy
Jean Mercier, ancien maire de Clichy et Rose Guérin dans un meeting à Clichy
Cliché fourni par Jean-Pierre Raynaud
Gilles Catoire, maire socialiste de Clichy et Rose Guérin à l'inauguration de l'espace Jean Mercier à Clichy.
Gilles Catoire, maire socialiste de Clichy et Rose Guérin à l’inauguration de l’espace Jean Mercier à Clichy.

SOURCES : Arch. comité national du PCF. — Interview de Rose Guérin par Jean Maitron, avril 1979. — L’HumanitéLe Monde, 24 septembre 1998. — Le Patriote résistant, novembre 1998. — Arch. PPo. GB 114 BS2 (notes de Daniel Grason). — État civil d’Issou. — Paul Boulland, Acteurs et pratiques de l’encadrement communiste à travers l’exemple des fédérations PCF de banlieue parisienne (1944-1974), thèse de doctorat d’histoire, Paris 1, 2011.

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