ADER Paul, Julien

Par Philippe Gratton

Né le 5 juillet 1877 à Foix (Ariège), mort en mer le 25 novembre 1918 ; ouvrier agricole ; syndicaliste de l’Aude, fondateur et dirigeant de la Fédération des ouvriers agricoles du Midi (1904-1914).

Paul Ader
Paul Ader
La CGT et le mouvement syndical, 1925.

Fils de Justin Ader et de Lucie Combes, syndicaliste convaincu de tendance libertaire, Paul Ader est l’un des principaux militants à s’être intéressé au problème de l’organisation du prolétariat rural. Il participa activement à la naissance de la Fédération des Agricoles du Midi, dont il fut élu secrétaire général le 2 novembre 1904. Il le resta jusqu’à 1914. Il assista à tous ses congrès, ainsi qu’à ceux de la CGT durant la même période : Amiens, 1906, Marseille, 1908, Toulouse, 1910, Le Havre, 1912. Le 1er mai 1905, il fonda un journal mensuel de quatre pages, Le Paysan, qui parut à Cuxac-d’Aude (Aude) jusqu’en mai 1907, et dont il était le gérant. Cet organe fit office de lien entre les diverses sections départementales de la Fédération affiliée à la CGT. Il avait pour devises : « Liberté-Justice-Travail », « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes », « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous », et « Un pour tous, tous pour un ». Son contenu consistait essentiellement en comptes rendus des réunions des divers comités de la Fédération, et en quelques articles de propagande. Paul Ader en rédigeait les principaux. À partir de juin 1907, Le Paysan fut remplacé par Le Travailleur de la terre, organe mensuel de 4 pages formé par la fusion du précédent avec Le Bûcheron et L’Ouvrier horticole, les journaux des deux autres fédérations terriennes affiliées à la CGT. Le Travailleur de la terre continua à paraître à Cuxac-d’Aude, et Paul Ader en fut le gérant et le principal rédacteur jusqu’en 1914. Il était « organe officiel de l’Union fédérative terrienne » et prit pour devises : « Bien-être et liberté » et « Tous pour un — un pour tous ». De 1908 à 1914, sa diffusion varia de 10.000 à 15.000 exemplaires par numéro.

Paul Ader collabora également au Mouvement socialiste et à La Vie ouvrière, pour lesquels il écrivit quelques articles sur l’organisation et les perspectives de lutte de l’Union. De 1905 à 1914, il représenta sa fédération au comité interfédéral terrien, formé pour étudier la possibilité de fusion des trois fédérations terriennes (Bûcherons, Horticoles et Agricoles du Midi) en une seule fédération adhérente de la CGT. Ce projet ne put pas voir le jour avant 1920. Sur ce problème, Paul Ader était le plus « unitaire » : il était partisan, en effet, de la création d’une fédération unique à laquelle auraient adhéré tous les syndicats terriens, quelle que soit la catégorie de travailleurs ruraux concernée. Dans cet esprit, il souhaitait supprimer nominalement toutes les fédérations existantes, et les remplacer par des groupes régionaux par affinité de culture et de région, afin de conserver le particularisme à la fois régional et corporatif des ouvriers ruraux.

Secrétaire de la section syndicale des ouvriers agricoles du département de l’Aude, il dirigea toutes les grandes grèves agricoles de la région du vignoble méditerranéen (Aude, Hérault, Pyrénées-Orientales, Gard et Bouches-du-Rhône), notamment celle de 1904, la plus importante de celles qui se déroulèrent avant la Première Guerre mondiale. Antimilitariste, « antipatriote », « grève-généraliste », partisan du sabotage, il était hostile à toute représentation parlementaire ou corporative. Élu au conseil supérieur du Travail vers 1906 comme représentant de la 20e catégorie (celle des ouvriers agricoles), il en démissionna aussitôt. C’est de la grève et de l’action économique qu’il attendait la transformation sociale, et ses idées le firent entrer fréquemment en conflit avec les dirigeants du Parti socialiste SFIO qu’il ne manqua pas d’attaquer à toute occasion : « Ils se moquent bien, les Compère-Morel et autres pantins de la politique, du bien-être des ouvriers agricoles, et, sous le masque du socialisme, ils cachent leurs aspirations aux honneurs et au pouvoir » (cf. Le Travailleur de la terre, juin 1909).

Au moment de la crise de mévente du vin et des grands troubles viticoles du printemps 1907, il fit partie de la tendance « dure » du syndicat, hostile à toute participation des ouvriers agricoles au mouvement de revendication déclenché par les petits et moyens propriétaires. Il fut hostile aux comités de défense viticole créés un peu partout à l’initiative du comité d’Argeliers de Marcellin Albert qui prétendaient unir toutes les classes sociales à la campagne dans une défense commune de la viticulture méridionale. Au Ve congrès de sa Fédération, tenu à Béziers, les 2 et 3 novembre 1907, il fit voter un ordre du jour interdisant aux ouvriers agricoles de militer à la fois à la CGT et à la CGV (Confédération générale des Vignerons), expression de ces comités de défense. Il justifia cette position en déclarant que « le petit récoltant est un prolétaire qui n’a que les instruments de production : il ne devrait pas agir autrement que ceux qui ne possèdent rien, car il souffre aussi bien que nous de l’état actuel [...] On ne saurait donc se qualifier en même temps d’ouvrier et de propriétaire, et, selon les occasions, agir tantôt au nom de l’un, tantôt au nom de l’autre ». Cette attitude entraîna une véritable hémorragie de militants dans sa fédération, nombreux étant ceux qui la quittèrent ou en furent exclus.

En 1912, Paul Ader exerça les fonctions de secrétaire de l’Union des syndicats de l’Aude. Il se retira à l’issue du Ve congrès, le 26 janvier 1913.

Mobilisé en 1914, il se montra partisan de la défense nationale (cf. lettre à Jouhaux citée dans B. Georges et D. Tintant, L. Jouhaux, t. I, p. 517-518). Marié à Cuxac-d’Aude le 11 mars 1904, il mourut en novembre 1918. Sur sa maison d’habitation, à Cuxac-d’Aude, où il s’était fixé, une plaque a été apposée rappelant son action militante.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76842, notice ADER Paul, Julien par Philippe Gratton, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 13 juillet 2010.

Par Philippe Gratton

Paul Ader
Paul Ader
La CGT et le mouvement syndical, 1925.

ŒUVRE : « La Crise viticole en Beaujolais », La Vie ouvrière, 20 avril 1910. — « La Fédération des travailleurs agricoles », Le Mouvement socialiste, 15 octobre 1908. — « La Crise viticole et la classe ouvrière », Le Mouvement socialiste, 15 décembre 1907. — « La Grève générale des travailleurs agricoles », Le Mouvement socialiste, 15 janvier 1905. — « L’Organisation rurale dans le Midi viticole », Le Mouvement socialiste, 15 décembre 1904. — Gérant et rédacteur principal des journaux Le Paysan et Le Travailleur de la terre.

SOURCES : Le Paysan. — Le Travailleur de la terre. —, Le Mouvement socialiste. — La Vie ouvrière. — Comptes rendus des congrès de la Fédération des Agricoles du Midi. — La Voix du Peuple, 8-15 février 1913. — État civil Cuxac-d’Aude.

ICONOGRAPHIE : Une photographie de Paul Ader a été publiée dans Histoire du mouvement syndical des ouvriers agricoles, forestiers et similaires, éd. de la CGT, novembre 1952, p. 9. — Encyclopédie du Mouvement syndicaliste, Paris 1912.

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