BOUHEY-ALLEX Jean [BOUHEY-ALLEX Georges, Jean, Baptiste]

Par Justinien Raymond

Né le 23 octobre 1898 à Villers-la-Faye (Côte-d’Or), mort à Paris le 12 juin 1963 ; viticulteur négociant ; militant et élu socialiste de la Côte-d’Or.

Jean Bouhey était le fils de Jean-Baptiste Bouhey-Allex (Voir ce nom, Dict. t. 11) qui fut député socialiste de la Côte-d’Or avant 1914. Il était le frère cadet de Charles Bouhey, militant socialiste comme lui. Il fit ses études primaires, dans une école communale parisienne, et ses études secondaires au lycée de Dijon (1906-1910) puis au lycée Louis le Grand de Paris (1910-1915). Bachelier, il s’inscrivit à la Faculté des sciences de Dijon mais fut appelé sous les drapeaux en avril 1917 au 29e RI à Autun, puis au 27e RI à Dijon, avant d’aller faire ses classes d’aspirant à Issoudun. En avril 1918, à moins de vingt ans, il était aspirant à la 5e Compagnie du 27e RI : avec son régiment, il occupa le secteur de Ville-sur-Tourbe, bataille sur la Vesle, sur la Suippe et, à la veille de l’Armistice, reçut la croix de guerre.

Cette courte expérience ne fit que confirmer en Jean Bouhey les convictions socialistes et pacifistes qu’il avait puisées dès son adolescence, dans le milieu familial : convictions socialistes faites d’ardeur démocratique et d’aspirations à la justice et à l’égalité sociale mais qui ne doivent rien à un marxisme plus méconnu que rejeté ; convictions pacifistes dictées par le refus de la guerre et de ses misères pour le peuple, mais qui vont de paire avec un patriotisme de tradition familiale, sans forfanterie et sans faiblesse, comme en a témoigné sa conduite aux heures graves des guerres et de l’Occupation. Membre à vie de la section socialiste SFIO du canton de Nuits-Saint-Georges, à laquelle appartint son père et qui était aussi celle de son frère Charles, Jean Bouhey fut élu conseiller municipal de sa petite commune natale le 3 mai 1925, il en devint le maire, le 18 mai pour le demeurer jusqu’à son retrait volontaire le 1er novembre 1947. Élu conseiller général du canton de Nuits, en 1931, il siégea à l’assemblée départementale jusqu’en 1940 et, réélu après la Seconde Guerre mondiale, il présida le conseil général en 1946 et en 1947.

Secrétaire de la section socialiste de Nuits, élu communal et cantonal, auréolé du souvenir laissé par son père, Jean Bouhey acquit une forte position dans la Fédération socialiste de la Côte-d’Or qui le délégua à plusieurs conseils et congrès nationaux, notamment à Lille en février 1923. Il militait en outre à la Libre Pensée et à la Ligue des droits de l’Homme, groupements dont il se détacha après la Seconde Guerre mondiale. En 1928 et en 1932, il porta les couleurs de la SFIO aux élections législatives dans l’arrondissement de Beaune, mais ne fut pas élu : en 1928, il obtint 6 364 voix au tour unique de scrutin, en 1932, il s’éleva à 7 216 et 8 522, l’élu modéré Jacot l’emportant par 8 654 suffrages. En 1936, en tête de tous les candidats avec 4 820 voix sur 19 724 inscrits, devant Jacot, 4 529, Duchet, radical, 3 434, Pouleau, Parti agraire, 2 536 et Devilleneuve, communiste, 1256, Jean Bouhey l’emporta grâce à la discipline du Front populaire par 8 673 voix contre 8 169 à Jacot, député sortant. Membre des commissions des boissons et de l’agriculture, Jean Bouhey participa aux débats parlementaires sur la création de l’Office du blé et sur le terrain, contribua à la création du silo coopératif de Nuits-Saint-Georges inauguré en 1938. Le 1er janvier 1937, il lança à Dijon, avec son frère Charles et avec Robert Jardillier*, le quotidien républicain et socialiste La Bourgogne Républicaine qui allait consolider son audience.

Quand la succession des agressions hitlériennes mit la paix en danger, Jean Bouhey ne fut pas de ceux qui, dans la SFIO voulurent temporiser. Il ne confondait pas pacifisme et défaitisme comme en témoigne sa profession de foi de 1936 : « Nous sommes des partisans forcenés de la paix universelle..., affirmait-il. Nous savons par expérience que la guerre est faite par les travailleurs uniquement et au seul profit des forbans de la haute pègre internationale... Nous ne permettrons à personne de mettre en doute notre patriotisme et surtout pas à ceux qui entretiennent des conversations avec Hitler et aspirent à nous doter du régime qu’il a imposé au peuple allemand... » Sa conviction fut encore renforcée par une mission accomplie dans l’Espagne en proie à la guerre civile.
Après la conclusion des accords de Munich, il fut du petit groupe de députés socialistes qui votèrent « non » et le seul que Vincent Auriol, voulant rétablir l’unité de vote du groupe socialiste, oublia de récupérer. Jean Bouhey justifia fièrement son acte dans la Bourgogne Républicaine du 9 octobre 1938 : ...« c’est, écrivit-il, le vote d’un représentant du peuple français extrêmement inquiet sur le sort de son pays. Toutes les larmes de crocodile que des milliers de Français vont verser n’empêchent pas que la paix reste plus précaire que jamais, que la course aux armements continue, que l’accord de Munich n’est qu’une honteuse capitulation, que nos amis Tchèques sont désormais réduits en servitude, que notre pays a cessé d’être une grande puissance (...), que la parole de la France ne compte plus (...), que désormais en Europe, c’est la loi de la jungle qui règne en souveraine absolue. »

La guerre venue, Jean Bouhey ne s’abrita pas derrière sa qualité de parlementaire : engagé volontaire, capitaine au 227e RI, il combattit sur le front de Lorraine et fut fait prisonnier à Toul en juin 1940. Libéré en août 1941 comme ancien combattant de 1914-1918, il regagna la Côte-d’Or où il allait se révéler un des plus efficaces Résistants à l’occupation allemande. Membre du comité d’action socialiste de la zone Nord, avec quelques camarades socialistes, il publia en 1942-1943, le journal clandestin Espoir. Pourchassé par la Gestapo, il dut souvent gagner Paris sous de fausses identités, où alors il agit aux côtés de son frère Charles. Le 3 octobre 1943, sanctionnant son rôle personnel, le Comité d’Alger, nomma Jean Bouhey commissaire de la République en Bourgogne et Franche-Comté. Il mit sur pied les comités départementaux de Libération et assura la liaison avec les préfets désignés dans les huit départements régionaux. Après avoir installé celui de l’Yonne, fin août 1944, il rejoignit le maquis de Saulieu. Au cours d’une mission accomplie en Saône-et-Loire où arrivaient les avant-gardes de l’armée de Lattre de Tassigny, Jean Bouhey fut la malheureuse victime d’une méprise ; gravement blessé à la face le 2 septembre 1944, il sera immobilisé pendant plusieurs mois.

La paix rétablie, le pays libéré, Jean Bouhey fut élu en 1945 à la première Assemblée constituante, en tête de la liste socialiste, avec son second : il obtint 56 754 voix sur 166 512 votants. En 1946, il fut le seul élu socialiste à la deuxième Constituante, avec 47 893 suffrages sur 168 858. Il représentera la Côte d’Or, dans toutes les assemblées de la IVe République, élu en 1946 par 47 211 voix sur 162 559, réélu en 1951 par 33 900 sur 159 975 et en 1956 par 30 992 sur 173 669. Comme juré il appartint à la Haute Cour de Justice. En 1958, il renonça à toute candidature et s’éteignit quatre ans plus tard.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article76869, notice BOUHEY-ALLEX Jean [BOUHEY-ALLEX Georges, Jean, Baptiste] par Justinien Raymond, version mise en ligne le 28 octobre 2010, dernière modification le 27 août 2020.

Par Justinien Raymond

ŒUVRE : Fondateur du quotidien régional La Bourgogne républicaine devenu Les Dépêches de Dijon.

SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — J. Jolly, Dictionnaire des Parlementaires. — La Bourgogne républicaine. — Le Monde, 14 juin 1963. — Le Socialiste Côte d’orien. — Renseignements recueillis auprès de J. Bouhey par P. Lévêque. — La Vie socialiste, 14 mai 1932.

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