AVEZ Alexandre

Par Justinien Raymond

Né le 16 juin 1858 à Saint-Quentin (Aisne), mort le 11 janvier 1896 à Levallois-Perret (Seine) ; employé ; militant du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) ; député.

Employé de commerce, Alexandre Avez vécut quelque temps à La Chaux-de-Fonds (Suisse) et vint jeune à Paris où, à vingt-deux ans, il était déjà « l’un des membres les plus actifs de la Chambre syndicale » de sa profession. (cf. Arch. PPo., 16 septembre 1880). Il semble avoir eu quelque instruction puisqu’il entra au Comptoir national d’Escompte en 1882, y resta plus de dix ans et accéda au grade de chef de bureau. Son niveau de vie s’éleva parallèlement. En octobre 1879, simple employé de commerce, il demeurait, 28, rue des Gardes, à Paris, XVIIIe arr., au loyer annuel de cent-vingt-cinq francs. En 1885, il habitait 115, avenue de Gennevilliers, à Colombes. Au printemps de 1888, il s’installa 8, rue Damrémont, à Paris, XVIIIe arr., au loyer annuel de six cents francs, ses appointements mensuels au CNE s’élevant à trois cents frs par mois. Il était alors marié, sans enfant, et sa femme enseignait le dessin dans trois écoles de jeunes filles de la Ville de Paris. En 1893, il gagnait six mille francs par an et allait être augmenté quand il fut élu député. Il dut désormais, sur son indemnité parlementaire, abandonner deux mille francs au parti qui l’avait fait élire et douze cents francs à l’Union fédérative du Centre. « Sa nouvelle situation, estima la police, n’est pas équivalente à celle qu’il quitte » (Ibid, 25 juillet 1894).
Avez n’avait jamais séparé l’action politique de l’action syndicale. À vingt et un ans, il représenta le Cercle de l’Union fraternelle des employés au congrès de Marseille. Il fut membre du conseil d’administration et de la commission de propagande du journal Le Prolétaire qui sera l’organe des possibilistes. Il suivit ces derniers lors de la scission de 1882. Mais il s’en sépara « dès qu’il [s’aperçut] qu’ils s’étaient compromis avec les bourgeois » (Ibid, 18 mars 1893) ; et, en 1890, il suivit Jean Allemane au Parti ouvrier socialiste révolutionnaire, fut un des militants en vue de son Union fédérative du Centre, « un des plus aptes à prendre la parole dans les réunions publiques » (Ibid, 22 janvier 1891). Il paraissait presque journellement à la tribune d’un congrès, d’une assemblée politique ou syndicale, publique ou privée. En un langage direct, il prenait des positions accusées. Le 11 avril 1880, dans le XVIIIe arr., après un compte rendu de mandat de Clemenceau, il lui opposa un programme révolutionnaire, n’eut pas l’honneur d’une réponse, s’attira d’un auditeur l’accusation d’avoir soutenu le régime impérial, démentit, demanda un jury d’honneur et se disculpa. Dans les réunions préparatoires au congrès du Havre (novembre 1880), Avez engageait ses camarades à « ne pas laisser croire que nous marchons avec les radicaux » (Ibid., 10 septembre 1880). Huit ans plus tard, il défendit la même thèse au neuvième congrès de la Fédération du Centre du POSR. L’impôt sur le capital, le revenu ou l’héritage, disait-il en substance, c’est du radicalisme et non du socialisme. Si l’on impose la propriété, le patron augmente le logement ; si c’est la matière première, le patron diminue la main-d’œuvre ; et il concluait : « Pas d’impôts progressifs [...] Mais la suppression totale de l’héritage » (Ibid, 24 juin 1888).
Pendant ces années, Avez combattit le boulangisme au sein du Comité de Vigilance du XVIIIe arr. de Paris qui était son principal champ d’action. Il le jugeait cependant « né des fautes des parlementaires ». Mais comme « ce parti n’était composé que de réactionnaires » à son sens, il appelait les républicains à l’union pour le triomphe de la « République sociale ». Il jugeait cette union possible malgré certaines attitudes qu’il absolvait. « Je comprends, déclara-t-il, 9, rue Doudeauville, que dans les premiers temps, des républicains sincères, des socialistes même se soient laissés entraîner, car, à ce moment, Boulanger paraissait vouloir régénérer la république bâtarde que nous avons ; mais son alliance avec les réactionnaires de tout crin a fait ouvrir les yeux à beaucoup... J’espère que le pays et particulièrement Paris reprendront leur bon sens et renverront M. Boulanger dans les boudoirs des cocottes... » (Ibid, 11 avril 1889).
Avez manifestait alors pour l’action électorale une prédilection qui n’était guère dans les vues de l’allemanisme. Le 25 février 1893, rue Leibnitz, il écartait « toute idée de violence pour arriver à la Révolution » car « les travailleurs se heurteraient inutilement aux balles du fusil Lebel et aux mitrailleuses de la bourgeoisie ». Il optait pour l’action politique légale : « il faut envoyer à la Chambre des ouvriers et alors ils pourront, étant en majorité, donner les satisfactions depuis si longtemps attendues... » (Ibid, 26 février 1893). Un an plus tard, 126, rue de Ménilmontant, il salua le courage de l’anarchiste Auguste Vaillant qui avait lancé la bombe à la Chambre et risqué sa tête, mais déclara « ne pas pouvoir partager les opinions des anarchistes. Il [préférait] à la violence, la lutte par le bulletin de vote [...] ou, s’il faut la violence, du moins veut-il une action de masse de tous les travailleurs unis pour reprendre à la société le bien-être qu’elle a volé aux travailleurs » (Ibid. 2 février 1894). L’action de masse, comme ses amis allemanistes, il l’envisageait volontiers sous la forme de la grève générale (Ibid., 4 février 1895). Il repoussa un jour l’accusation d’antipatriotisme : « Les sans-patrie sont du côté des bourgeois, déclara-t-il le 1er mai 1895, ainsi que le démontre la trahison de Dreyfus » (Ibid, 1er mai 1895).
Avez était alors député après avoir brigué deux fois, en vain, un mandat municipal à Paris. Dans le quartier des Grandes-Carrières (9 728 inscrits, 6 835 votants), il obtint, le 27 avril 1890, 1 171 voix contre 2 675 au boulangiste Ciré et 2 490 à l’opportuniste Simonneau qui l’emporta au second tour. En 1893, parmi dix candidats socialistes totalisant 3 534 voix, Avez vint en tête avec 742 sur 7 215 votants et 10 619 inscrits. Au second tour, il s’éleva à 1 561.
En août, les groupes du POSR proposèrent sa candidature dans la troisième circonscription de Saint-Denis (cantons de Clichy et de Levallois-Perret). Sur 15 024 inscrits et 10 989 votants, il se classa second avec 2 234 voix et fut élu au deuxième tour par 4 805 suffrages sur 10 153 votants. Il vint habiter au milieu de ses électeurs à Levallois, anima le journal Le Socialiste de la banlieue parisienne et, si l’on en juge par les résultats ultérieurs, il semble, malgré la brièveté de son passage, avoir contribué à implanter le socialisme dans une circonscription dont il était le premier élu. Pourtant, il ne s’y confinait pas. Il continua sa propagande politique et syndicale à travers le pays. Il était en tournée dans les Ardennes quand le commissaire de Charleville en esquissa la silhouette suivante : 1 m 65 ; cheveux et barbe taillée en pointe, châtain clair... Porte quelquefois binocle » (Ibid., 27 juin 1895).
Au Parlement, face au groupe socialiste qui réunissait les élus de toutes tendances, Avez resta isolé avec les quatre autres élus allemanistes. Il eut cependant quelques démêlés avec le POSR à cause du retard dans le paiement de ses cotisations, et avec Allemane lui-même auquel il reprochait son hostilité préconçue contre les élus. Il fut un parlementaire « assidu » (La Petite République, 13 novembre 1896), « un des interrupteurs les plus consciencieux de la Chambre des députés » (L’Éclair, 27 février 1894).
Il mourut brusquement à l’âge de trente-huit ans. Ses funérailles civiles à Levallois, le 14 janvier 1896, furent suivies par deux mille personnes, par Alexandre Millerand, Édouard Vaillant, René Viviani, Clovis Hugues, Pascal Fabérot, venus comme amis socialistes et par une délégation officielle de la Chambre des députés conduite par Raymond Poincaré, vice-président. Pendant plusieurs années, des manifestations du souvenir se déroulèrent sur sa tombe.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article77157, notice AVEZ Alexandre par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 11 octobre 2022.

Par Justinien Raymond

ŒUVRE : Le Socialiste de la banlieue ouest. Cet hebdomadaire allemaniste était en quelque sorte l’organe d’Avez, dont il publiait les articles, dont il annonçait les réunions, en donnait les comptes rendus. Il tenait les électeurs au courant de l’action de leur élu.

SOURCES : Arch. PPo., Ba/943. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes III, op. cit., pp. 139, 167, 196, 197.

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