BATAILLE Jules, Henri (abbé)

Par Jean Piat

Né le 17 mai 1864 à Cysoing (Nord) ; professeur de philosophie à Roubaix (Nord) ; initiateur du syndicalisme chrétien à Roubaix.

Curé de Saint-Joseph à Wattrelos (Nord), l’abbé Jules Bataille fut ensuite professeur de philosophie au collège Notre-Dame-des-Victoires de Roubaix. Nourri de Rerum novarum et de l’Encyclique sur le ralliement, il se passionna pour les questions sociales. En 1892, il organisa des réunions de cabaret pour rencontrer des ouvriers et, le 9 mai 1893, il fondait, avec Florentin Wagnon et Louis Vienne — Voir ces noms — le « Syndicat des vrais travailleurs de l’industrie textile de Roubaix » dont le drapeau avait pour devise « Pour Dieu et pour le peuple ». La nouvelle organisation publia un manifeste à la classe ouvrière soulignant avec force la volonté d’indépendance de ses fondateurs à l’égard de toute influence d’où qu’elle vienne, socialiste ou patronale. Ses objectifs étaient les suivants : « Établir des relations de sympathie et de charité entre les ouvriers ; régler dans les meilleures conditions possibles les rapports entre patrons et ouvriers ; soutenir par des moyens légaux et pacifiques les droits et les intérêts économiques des adhérents, en restant toujours dans la justice et dans la vérité, en évitant autant que possible les grèves générales ou partielles et en recourant à l’arbitrage » (cf. Petitcollot op. cit.,). Le syndicat s’engageait à trouver du travail pour ses adhérents et à leur accorder des secours en cas de chômage et de grève. Le siège était fixé dans un cabaret, rue Pellart.
Bataille avait combattu la formule du syndicat mixte à la conférence d’études sociales de Notre-Dame du Hautmont organisée par l’Association catholique des patrons du Nord et il avait réaffirmé, en application des textes pontificaux, « son intention bien arrêtée de continuer à faire appel aux ouvriers pour les associer ensemble en un syndicat d’ouvriers en dehors de Notre-Dame de l’Usine et dont aucun patron ne pourra faire partie » (cf. Rollet, L’Action sociale des catholiques en France.)
« Dans les cabarets, dans les réunions populaires, non sans crânerie, Bataille continuera d’exposer son programme social, tandis qu’au cercle d’études il poursuivait la formation de militants qui devaient plus tard constituer les cadres d’un nouveau syndicalisme. L’abbé Bataille, premier prêtre du Nord à proclamer la nécessité d’un syndicalisme séparé, homme vigoureux, lucide, persuasif, mais sans éloquence, surveillera les progrès des « vrais travailleurs », puis se consacrera de nouveau tout entier à l’enseignement philosophique » (Rollet, ibid.).
Lors de la fondation du syndicat, 80 ouvriers avaient adhéré. Un an après on recensait 1 200 membres, mais ensuite l’organisation périclita, tombant à 841 adhérents en 1896, à 200 en 1900 et puis à 100. Il est vrai que, né pour échapper à l’influence non seulement du socialisme, mais aussi du patronat, le syndicat fut compromis dans une élection par son vice-président Louis Vienne.
L’abbé Bataille, qui collabora à la revue doctrinale Démocratie chrétienne, fondée en 1894, sera plus tard curé-doyen de Notre-Dame à Roubaix et aura, à différentes reprises, des démêlés avec les catholiques conservateurs et avec le patronat de Roubaix-Tourcoing.
En 1925, il conjura Mgr Quilliet, évêque de Lille, de prendre position contre le Consortium textile.
Deux ans après, il pria le président de cet organisme, l’industriel Joseph Wibaux, de faire changer l’esprit des circulaires confidentielles du secrétaire du Consortium, Désiré Ley, faute de quoi il se verrait dans l’obligation d’exposer en chaire « la vraie doctrine de l’Église sur la question sociale et sa pensée sur les syndicats chrétiens ». Et Le Figaro, écrivait alors (15 mars 1927) : l’abbé Bataille appartient à cette « équipe de prêtres dévoyés dont on connaît les étranges relations ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article77361, notice BATAILLE Jules, Henri (abbé) par Jean Piat, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 30 mars 2010.

Par Jean Piat

SOURCES : Talmy, Le Syndicalisme chrétien en France (1874-1930), thèse, 1966. — Rollet Henri, L’Action sociale des catholiques en France (1871-1914). — Talmy, L’Association catholique des patrons du Nord, 1962. — Petitcollot Maurice, Les Syndicats ouvriers de l’industrie textile dans l’arrondissement de Lille, 1907.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable